Nouvelle Calédonie : Explosion sociale en cours (article, réaction de José Bové, communiqué d’Olivier Besancenot)

jeudi 6 août 2009.
 

1) Nouvelle-Calédonie : d’un conflit social à la paralysie globale

Après les violents affrontements lundi entre les forces de l’ordre et le syndicat indépendantiste Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE), qui ont fait 27 blessés du côté des gendarmes, les actions de blocage se sont poursuivies ce mardi.

Le syndicat a notamment bloqué la zone industrielle de Ducos à Nouméa, entrainant d’importants embouteillages. Onze manifestants ont été interpellés en début de journée. L’USTKE a également organisé un rassemblement devant la région de Poindimié.

Depuis une semaine, la situation dégénère, avec des interventions quotidiennes des forces de l’ordre, qui se servent notamment de grenades lacrymogènes.

La tension est particulièrement montée vendredi, alors que se tenait le somment France-Océanie en présence de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et Marie-Luce Penchard, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer. L’USTKE a alors lancé appel à la grève générale.

Lundi, entre 50 et 200 adhérents de l’USTKE ont dressé un barrage filtrant près de la région de Koné. Des jeunes défavorisés de la périphérie de Nouméa sont alors venus renforcer la mobilisation. C’est en essayant de les disperser en chargeant que les gendarmes ont été blessés.

Point de départ : un conflit du travail avec Aircal

Sarrus, riveraine de Rue89 et professeure en Nouvelle-Calédonie, rappelle qu’au début de la crise, il y a un conflit dans une entreprise de l’île, la compagnie d’aviation calédonienne Aircal. L’USTKE y a lancé une grève après un licenciement pour faute professionnelle :

« Le PDG d’Aircal, Nidoïsh Naisseline, qui est aussi le grand chef de l’île de Maré (et aussi ancien responsable du parti du LKS) a ensuite refusé le paiement des jours de grève, ce qui a déclenché les premiers heurts le mois dernier sur l’aérodrome de Magenta à Nouméa.

Les adhérents de l’USTKE, avec à leur tête Gérard Jodar, ont été accusés d’avoir dégradé un avion et condamnés à plusieurs mois de prison.

Avant l’incarcération, un protocole d’accord avait été élaboré par l’inspection du travail et accepté par l’USTKE sans consultation du PDG d’Aircal, qui a bien sûr refusé de le signer, ce qui n’a fait qu’envenimer la situation.

La secrétaire d’Etat à l’Outre-mer a refusé de recevoir le syndicat, ce qui semble avoir renforcé la détermination de l’USTKE. »

Un protocole d’accord a été trouvé le 11 juin, mais Nidoïsh Naisseline refuse de le signer. L’USTKE réclame également la libération de son président, Gérard Jodar, ainsi que cinq autres syndicalistes, condamné à un an de prison le 29 juin dernier.

Ces heurts ne sont pas sans rappeler les « violents événements » des années 80 et montrent que la région, fragilisée par les inégalités, reste politiquement explosive.

http://www.rue89.com/2009/08/04/nou...

Par Christophe Payet

2) José Bové : Nouvelle-Calédonie : « Le haut-commissaire jette de l’huile sur le feu »

Recueilli par Mathieu ECOIFFIER

José Bové, vieux compagnon de route des indépendantistes Kanak et vice-président de la commission agriculture du Parlement européen, analyse la crise en Nouvelle-Calédonie. Extraits d’une interview que publie Libération mardi.

Qui est responsable de cette situation ?

Philippe Gomes, le président du gouvernement local de droite, ne veut pas trouver de solutions. Mais le premier responsable de cette montée des tensions, c’est le haut-commissaire, Yves Dassonville. Il jette en permanence de l’huile sur le feu. Il fait une croisade anti-USTKE. En ciblant le syndicat comme opposant et en envoyant les forces de l’ordre à chaque action syndicale. Depuis le procès j’ai appelé tous les deux-trois jours le ministère des DOM-TOM pour leur dire : « Attention vous êtes en train de préparer les conditions pour un nouvel embrasement de ce territoire. » Ils me répondent : « On vous entend, mais la justice est indépendante. » Pourtant lorsque les syndicalistes ont fait appel, leur demande de remise en liberté provisoire a été artificiellement repoussée. En attendant, six copains syndicalistes restent en prison. Jamais en métropole, on ne verrait des responsables traités de cette façon. Rappelons que cette organisation a été à l’origine du rassemblement des organisations indépendantistes au sein du FLNKS, signataire des accords de Matignon. C’est aussi à ce symbole que l’on s’attaque.

L’USTKE est décrite comme un repère de gauchistes ?

Depuis sa création en 1981, l’USTKE a toujours été à la pointe du combat. Ses liens avec la CGT sont anciens. J’ai assisté à leurs congrès avec Bernard Thibault. La plupart militent depuis plus de 25 ans. Ce n’est pas une bande d’allumés. L’USTKE est la 2e force syndicale du territoire et la 1ère dans le privé. Un repère de gauchiste appellerai-t-il leur salle de formation « Henri Krasucki » en hommage au premier leader de la CGT venu les soutenir ? Le haut-commissaire appelle à ne pas céder aux menaces de l’USTKE…. Il n’assume même pas sa politique de fermeture. Il dit ne pas vouloir discuter sous la contrainte, mais la réalité c’est que le dialogue n’existe pas. Et ce, sur fond d’un refus du rééquilibrage de l’emploi en faveur des kanaks et des insulaires.

3) Déclaration d’Olivier Besancenot. Assez de répression, soutien à l’USTKE.

Depuis une semaine, l’USTKE a lancé un mot d’ordre de grève générale. Cette organisation syndicale réclame avec insistance que le protocole d’accord mettant fin à un conflit motivé par le licenciement abusif d’une employée de la compagnie aérienne Aircal, soit enfin signé par la compagnie pour pouvoir rentrer en application.

Le protocole négocié sous l’égide de la direction du travail entre les avocats de la compagnie et les représentant du syndicat aurait mit fin au conflit.

Le président du conseil d’administration de cette compagnie, Mr Nidoish Naisseline, en mettant son veto à la signature de l’accord par la direction d’Aircal porte l’entière responsabilité de la réouverture d’un conflit social. De plus, la justice a eu la main lourde puisqu’elle a cru bon de condamner le président de l’USTKE, Gérard Jodar, et cinq autres dirigeants syndicaux de 1 an à 3 mois de prison ferme pour entrave à la circulation d’un aéronef alors qu’ils essayaient de se protéger des violences de la police.

Ni Madame Marie-Luce Penchard, secrétaire d’état à l’Outre-mer, ni Monsieur Kouchner, ministre des Affaires étrangères, lors de leur passage en Kanaky, n’ont pris des initiatives pour trouver une solution au conflit.

Ce nouveau conflit se déroule dans un climat social dégradé par l’amplification des inégalités sociales et du chômage galopant pour les jeunes kanaks et wallisiens. Nombre d’entre eux se sont joints aux manifestations et barrages organisés par l’USTKE.

Le Haut-Commissaire, en poste actuellement à Nouméa, ne cesse de jeter de l’huile sur le feu et pratique l’escalade de la répression policière, alimentant ainsi un climat de violence et une répression accrue. Ainsi, onze syndicalistes ont été arrêtés le 4 août suite aux manifestations et barrages du lundi 3 août.

L’intervention de la gendarmerie, et surtout du GIPN à chaque conflit social, l’arrestation de syndicalistes, jugés et condamnés, la stigmatisation de l’USTKE renforcent le statut colonial de Kanaky ! Aussi, j’apporte, ainsi que le NPA, mon soutien total à l’USTKE.

Les revendications qu’ils portent doivent être satisfaites :

- la signature et la mise en application du protocole d’accord suite au conflit à Aircal par la compagnie,

- la libération immédiate de Gérard Jodar et des dirigeants syndicaux emprisonnés pour qu’ils puissent préparer sereinement leur procès en appel du 25 août,

- l’abandon des poursuites judiciaires contre les actions syndicales,

- l’arrêt des violences policières injustifiées à l’occasion des rassemblements citoyens comme ce fut le cas le 31 juillet contre les militants du Collectif pour la défense des droits et des libertés et la libération des syndicalistes emprisonnés.

Le 4 août 2009.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message