La culture au coeur du projet de transformation sociale

samedi 19 novembre 2011.
 

Entretien . Devant le saccage organisé des politiques publiques de la culture, les communistes veulent conjuguer défensive et offensive.

Deux rencontres sur l’initiative des communistes à Avignon au cours desquelles ont été réaffirmés les enjeux d’une politique culturelle publique ont remporté un vif succès. Alain Hayot, vice-président culture de la région PACA et responsable des questions culturelles pour le PCF, nous livre ses réflexions.

Quel fut le sens de la présence des communistes lors du 63e Festival d’Avignon ?

Alain Hayot. À travers ces deux débats, nous voulions intervenir sur l’importance du projet culturel en lien avec le projet de société, question dont la gauche dans son ensemble, ne peut plus faire l’économie. Comment intégrer une ambition culturelle à un projet de société si celui-ci manque de souffle et de visée ? Tel fut l’objet du premier débat, « l’identité nationale peut-elle fonder un projet culturel ? » (au théâtre des Halles) lorsque l’on sait que Sarkozy a investi ce terrain sur la base de la seule identité nationale. Quant à la deuxième rencontre, en partenariat avec les Amis de l’Humanité, au cloître Saint-Louis, elle s’est attachée à démontrer la nécessité de retisser des liens entre le mouvement social et syndical dans le champ social et culturel, dans un contexte où l’enjeu de la bataille politique face à une droite omnipotente n’est pas rien. La présence des trois principales organisations syndicales du spectacle vivant, Syndéac, CGT spectacle et Synavi, a permis de confronter nos idées autour d’un projet de loi d’orientation et de programmation pour la culture. Il s’agit de mieux articuler la question de la résistance et de l’alternative politique, la question de la défensive et de l’offensive.

Comment reconstruire des liens ?

Alain Hayot. Les artistes doivent bénéficier d’une liberté totale dans l’exercice de leur art. Pour autant, les liens dans l’histoire entre création et mouvement de société émancipateur se sont distendus. Or, jamais les artistes n’ont été aussi productifs que dans les périodes révolutionnaires. L’art sait dire des choses que lui seul peut dire et créer les conditions du symbolique, du sensible et toucher du doigt les contradictions. Les artistes savent à la fois accompagner un mouvement d’émancipation et l’anticiper. Jacques Rancière remarque à juste titre que les artistes, pendant longtemps, ont accompagné les grandes espérances et que, depuis quelques années, ils tentent de comprendre ce qui se passe. On est passé d’une période où les artistes ont été portés et ont porté l’utopie à une période où ils essaient de trouver les causes de la violence de l’état du monde. Ces propos m’interpellent. Si les artistes retrouvent le sens de l’utopie, reprennent le train du mouvement de l’émancipation, il faut que les politiques, les acteurs sociaux, retrouvent les conditions de l’élaboration citoyenne et que nous nourrissions le mouvement social et politique d’une utopie.

Lors de l’une de vos interventions, vous avez affirmé la nécessité de remettre la culture et la création au centre du projet politique…

Alain Hayot. Ne demandons pas aux artistes d’être ce que nous ne sommes plus. Il nous faut considérer la culture non comme un supplément d’âme, un divertissement, un outil de la renaissance spirituelle (comme le prône - Sarkozy) mais au contraire comme porteuse d’une visée civilisationnelle et la considérer au coeur de cet objectif de transformation. La culture n’est pas le lieu pour retrouver le lien social, panser les plaies mais pour nourrir les conditions d’un changement du rapport social à la production, à la consommation, à la politique, à l’environnement. La culture est au coeur du projet de transformation sociale, du projet politique alternatif. Pour les artistes, comme pour les politiques, la culture est un des enjeux majeurs de l’appréhension du monde et de sa transformation. Sinon, la culture n’aura le choix qu’entre marginalisation et marchandisation.

Cela passerait par une loi d’orientation et de programmation ?

Alain Hayot. Il faut nourrir cette ambition des combats d’aujourd’hui à l’aune de la résistance à la politique de Sarkozy qui s’entête sur le désengagement de l’État, la RGPP et les transferts aux collectivités territoriales. Il faut penser l’avenir, fédérer le plus grand nombre autour d’un projet de loi d’orientation et de programmation qui définirait une nouvelle ambition pour la culture et se doterait des moyens nécessaires. Le 20 juillet dernier, ici même en Avignon, tout le monde a dit son accord pour travailler sur cette plate-forme commune. Les prochaines élections régionales pourraient être l’occasion de reprendre le flambeau et de tenir des états généraux en région avec une ambition pour l’État et les collectivités territoriales.

Propos recueillis par M.-J. S.


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