Les producteurs de lait refusent le travail gratuit

mercredi 22 juillet 2009.
 

À vingt centimes d’euro pour un litre de lait, les producteurs ne tirent plus le moindre revenu d’une activité qui implique deux traites par jour et plus de 60 heures de travail par semaine.

Ils se prénomment Michel, Noël, Xavier, Pascal et Dominique. Ils ont de trente-cinq à quarante-trois ans et tous produisent du lait sur les communes de Kergrist-Moëlou et Maël-Carhaix dans les Côtes-d’Armor. Des quotas qui vont de 185 000 à 280 000 litres par actif. Tous, hormis Dominique, livrent leur lait à Entremont— Alliance. Néanmoins, le lait vendu par Dominique à - Coopagri est prélevé par le camion citerne d’Entremont et mélangé à celui des autres. Cette mutualisation de la collecte pour réduire les coûts dure depuis des années. Si bien qu’une partie du lait collecté et transformé par Entremont est payé par Coopagri et vice versa. Sauf que le prix n’est plus le même. Le lait - livré en mai a été payé 206,06 euros la tonne par - Entremont et 241 euros par - Coopagri. La différence est sensible. Pour autant, le prix payé par Coopagri n’est pas non plus à la hauteur des attentes de nos éleveurs.

Investir en permanence

« L’an passé, les prix se sont bien maintenus jusqu’au milieu de l’automne. Selon mon centre de gestion, cela permettait de dégager un - revenu annuel moyen de 22 000 euros sur une exploitation disposant d’un quota de 300 000 litres. À supposer que les entreprises l’appliquent, le prix accepté dans l’accord signé par la fédération laitière de la FNSEA ramène le revenu annuel de cette même exploitation à 12 000 euros. Il faut vraiment que les dirigeants de la FNSEA soient déconnectés de leur base pour accepter un tel accord », maugrée Noël, rappelant au passage que sa semaine de travail est plus proche de 70 heures que des 35 heures.

« Avec la baisse du prix appliquée par Entremont, la somme perçue en 2009 pour douze mois de livraison de lait sera égale à celle perçue pour les neuf premiers mois de 2008. Or nous remboursons sur douze ans l’emprunt de 150 000 euros contracté pour la mise aux normes des bâtiments d’élevage. Il nous faudrait aussi rénover la salle de traite, mais elle attendra. Dans une exploitation laitière, on doit investir en permanence pour maintenir un bon outil de production », ajoute Xavier, l’associé de Noël sur une exploitation disposant de 560 000 litres de lait par an.

Comme tous les autres producteurs de la région, nos cinq interlocuteurs traquent les économies pour faire baisser les coûts de production. Michel et Pascal sont revenus à la betterave fourragère afin de réduire les hectares de maïs, un aliment plus facile à servir mais plus coûteux à produire à valeur nutritive égale. Les achats de tourteaux de soja diminuent tandis que progressent dans les prairies les associations de légumineuses et de graminées, ce qui semble être la seule conséquence positive de la baisse du prix du lait. Car les économies portent aussi sur la génétique. De plus en plus d’éleveurs font le choix de mettre un taureau au milieu du troupeau de laitières plutôt que de recourir à l’insémination de semence de taureaux à indice laitier performant. Les doses sont trop coûteuses quand le lait se vend aussi mal. Sauf que les vaches des prochaines années seront moins productives.

Pour un relèvement du prix du lait

Cette orientation inquiète Jean-Charles, inséminateur de son état. Il est aussi le messager de l’Association des producteurs de lait indépendants (APLI), son métier le conduisant à circuler de ferme en ferme. Créée fin 2008 à l’initiative de Pascal Massol, un producteur de lait aveyronnais, également sélectionneur de vaches laitières Prim’holstein, l’APLI a pris la forme juridique d’une association ouverte à tous les producteurs de lait, syndiqués ou non. Elle compterait aujourd’hui plus de 10 000 adhérents dans toute la France. Beaucoup ne seraient pas syndiqués, mais on y trouve aussi des membres de la FNSEA et de la Coordination rurale notamment.

L’APLI veut initier une grève des livraisons de lait dans le courant du troisième trimestre 2009. « Bientôt la grève du lait », lit-on écrit en blanc sur des bâches en plastique noir posées sur des meules de paille au bord des routes. Les animateurs de l’APLI misent beaucoup sur les producteurs du Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Basse-Normandie) pour qu’une telle action permette à la fois de déboucher sur une maîtrise de la production et sur un relèvement du prix du lait, qu’elle fixe à 400 euros la tonne. Ce prix, selon nos cinq éleveurs, permet de rémunérer leur travail et d’avoir une marge d’autofinancement sans toujours passer par les emprunts réservés aux gros travaux. Leurs arguments sont solides, ce qui ne signifie pas que leur combat est gagné d’avance.

Mais nos interlocuteurs bretons pensent que le syndicat majoritaire a commis une grosse bévue en signant un accord sur le prix du lait qui ne couvre pas les coûts de production trois jours avant le scrutin européen.

Gérard Le Puill


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