La difficile mue du NPA Interview de Christophe Bourseiller

samedi 13 juin 2009.
 

Interview réalisée début juin 2009.

Comment expliquez-vous le « trou d’air » du NPA, selon l’expression de Pierre-François Grond, l’un de ses dirigeants ?

Christophe Bourseiller. Lorsque la LCR s’est transformée en NPA début 2009, on pouvait imaginer que l’on allait assister à une mutation, dans un sens d’ouverture. Le NPA semble pourtant paradoxalement en recul idéologique, par rapport aux avancées de la LCR. La façon dont a été réglée la dissidence de Christian Picquet témoigne d’un raidissement. La LCR avait remis en cause la dictature du prolétariat, en s’ouvrant aux expériences libertaires. Elle laissait proliférer les minorités, en un bouillonnant débat d’idées. Le NPA semble plutôt sensible à sa forte minorité orthodoxe, composée de transfuges de Lutte ouvrière, du Parti ouvrier indépendant, et de petits groupes trotskistes.

Selon les sondages, le NPA partait, au début de l’année, avec une longueur d’avance sur le Front de gauche, soit 9 %, contre 4 %. Aujourd’hui, pourquoi, selon vous, la tendance s’est-elle inversée ?

Christophe Bourseiller. L’inversion de la courbe s’explique, d’une part par le raidissement du NPA, d’autre part par la campagne du Front de gauche. Celui-ci réinvente à sa façon l’Union de la gauche « historique » des années 1970. Il prend tout aussi bien des voix au Parti socialiste qu’à l’extrême gauche. Son arc est assez ample, puisqu’il va de la gauche socialiste (incarnée par le Parti de gauche) jusqu’aux trotskistes de la Gauche unitaire, en passant par le PCF. Il ratisse ainsi relativement large, et présente aux yeux de certains électeurs une alternative crédible à la droite.

Le NPA se veut le « haut-parleur des luttes », ses animateurs se rendent régulièrement dans les entreprises frappées par la crise économique. Or, comment expliquez-vous que, toujours selon les sondages, les salariés ne semblent pas s’apprêter à voter pour lui ?

Christophe Bourseiller. Cette volonté d’ancrage dans la classe ouvrière témoigne de l’influence au sein du NPA de différents courants issus de Lutte ouvrière. Il est visible que les éléments altermondialistes en provenance de la société civile pèsent actuellement moins significativement que les différentes factions trotskistes, qui luttent pour le contrôle de l’appareil. Il est vrai que le NPA, à l’image de l’extrême gauche dans son ensemble, s’est fortement prolétarisé au fil des années. Il est loin le temps où le PCF, seul « parti de la classe ouvrière », stigmatisait les « gauchistes petits-bourgeois ». L’extrême gauche souffre en fin de compte de son corpus idéologique. On n’imagine pas aujourd’hui des ministres issus du NPA. C’est pourquoi elle n’engrange que des votes protestataires, sans parvenir encore à fidéliser un électorat. Elle manque de crédibilité, comme le démontre le mot d’ordre populiste « Interdisons les licenciements ». Son objectif est sans doute à terme de prendre la place du Parti communiste. On voit bien qu’elle en est loin, même s’il faut se garder de trop vénérer les sondages.

(1) Auteur de À gauche, toute !, CNRS Éditions.

Entretien réalisé par Mina Kaci


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