Etats Unis et Union européenne : Servitude, au bas mot (par O. de la Fuente) Editorial national du Parti de Gauche

lundi 13 avril 2009.
 

Cette triste fin de semaine aura vu la France, bonnet phrygien entre les jambes, rentrer au bercail, après ce qui ne restera, finalement, que comme une fugue de quarante années. Elle aura aussi confirmé que l’impérialisme étasunien n’a pas baissé la garde, bien au contraire. Tout le monde, en Europe, en « Occident », est désormais rentré dans le rang. Sous couvert d’une histoire personnelle sympathique, l’Empire a décidé de conclure, au cours des deux prochains mandats présidentiels étasuniens. Et, dans la perspective immédiate des élections européennes du 7 juin, cela nous concerne à double titre.

Tout d’abord, les propos de M. Obama auront confirmé la vigueur de ce modèle, dit de la « triple couronne », développé il y a une dizaine d’années au plus haut niveau à Washington. La « triple couronne » définit quelle doit être l’organisation du continent européen :

* à l’OTAN, la défense et la sécurité (et le traité de Lisbonne, qui l’intègre dans son article 42, n’aura pas oublié d’être servile).

* A l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), les droits de l’homme et le dialogue politique, comme elle l’a fait dans les Balkans, comme elle le fait aujourd’hui en Géorgie, aux frontières de l’Empire.

* A l’UE, l’économie, la création d’une zone de libre-échange, normée mais dérégularisée, de Dublin à la frontière syrienne, autres *limes*.

Cette vision, pilier de la diplomatie étasunienne, indique clairement le chemin à suivre pour une Europe dépouillée de sa souveraineté, qui légalise cette dépendance jusque dans ses traités constitutifs.

Certains objecteront que tout cela demeure du domaine des grandes idées qui n’atterrissent jamais et qu’en appelant l’attention de nos concitoyens sur ces évolutions, nous ne faisons qu’un usage éhonté (et sans doute « populiste ») de la théorie de la conspiration.

C’est là qu’intervient le deuxième point. Une résolution très récente - du 26 mars 2009 - du Parlement européen, sur « l’état des relations transatlantiques après l’élection de M. Obama », votée en séance avec 501 voix pour et seulement 53 voix contre, propose de remplacer l’actuel agenda transatlantique par un nouvel accord de partenariat stratégique à négocier d’ici à 2012. Avec « l’OTAN, [il est] indispensable à la sécurité collective » (considérant K). Il prévoit concrètement de mettre en place un Conseil économique transatlantique (CET) « en vue d’atteindre l’objectif d’un véritable marché transatlantique intégré » (considérant L) - le rêve de tout néolibéral - « d’ici à 2015 » (paragraphe 46), soit avant la fin d’un potentiel deuxième mandat Obama. Côté réglementaire, le CET serait aidé par un comité de pilotage composé d’eurodéputés et d’élus du Congrès étasunien chargés de statuer sur « la législation pertinente en ce qui concerne l’approfondissement de l’intégration du marché transatlantique ».

Est aussi prévu un Conseil politique transatlantique (CPT), « *organe de consultation et de coordination systématiques de haut niveau pour la politique étrangère et de sécurité * » (paragraphe 9), c’est-à-dire d’alignement au quotidien sur Washington.

On pourrait continuer sur l’énormité du programme prévu par cet agenda : la relance du cycle de Doha, les félicitations gratuites et un peu précipitées adressées aux émissaires de M. Obama au Proche-Orient ou en Afghanistan ; l’importance de l’OTAN et l’obligation faite aux Européens de financer un effort de défense (aussi inscrite dans le traité de Lisbonne), l’échange des données personnelles, etc. Le lecteur incrédule et avide de sensations fortes pourra trouver l’intégralité de ce programme de servitude volontaire sur internet et constater de ses propres yeux ce renversement post-moderne du colonialisme, où le sauvage européen vient déposer sa liberté au pied du colonisateur étasunien.

Quelle leçon en tirer pour cette campagne européenne ?

- Voyez qui sont les députés européens de votre circonscription qui ont voté pour cette infamie ;

- Interpellez vos adversaires sur les perspectives qui nous sont offertes ;

- Rejetez catégoriquement ces perspectives, dans la droite ligne du combat contre la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN, au centre des engagements du Front de gauche.

Les députés que nous éliront le 7 juin seront confrontés, au cours des années à venir, à la réalisation de ce grand projet que les administrations Obama et Barroso dessinent conjointement et en toute discrétion pour le continent européen. Notre voix doit s’élever dès aujourd’hui contre cet agenda transatlantique.

Complément

Nous pensons que le Mexique devrait renoncer à l’Accord de Libre-échange Nord Américain qui le lie aux Etats-Unis et au Canada et fermer la frontière avec son voisin du nord. Il mettrait un terme à l’état de sous-traitance qui sape son économie et sa société et limiterait la circulation des armes à feu qui déciment ses enfants pour le contrôle des filières d’alimentation des besoins étasuniens en psychotropes. La sécurité économique et politique de ce grand pays qu’est le Mexique, de la région et du monde ne s’en porteraient que mieux.

A vrai dire, personne ne nous demande notre avis sur ce sujet, s’agissant d’une région et de problèmes complexes se déroulant sur un autre continent au sujet duquel nous n’avons peut-être pas une lecture complète - en tout cas forcément moins que les Mexicains et leurs voisins immédiats.

A vrai dire, nous ne faisons que nous comporter comme Barack Obama l’a fait, en cette fin de semaine, à Prague, s’agissant de la Turquie et de sa relation avec l’Union européenne. M. Obama, qui jusqu’à plus ample informé ne préside aucun Etat membre de l’Union européenne, s’est prononcé en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Il a d’ailleurs à cette occasion souligné sa vision maladroite des choses - sans surprise quand on connaît les piliers théocratiques qui fondent la démocratie étasunienne - en soulignant que ceci rapprocherait l’Occident et les musulmans. Ces derniers ont du être heureux d’apprendre qu’ils étaient pour M. Obama incarnés par un Etat laïque ; et celui-ci ravi de servir de deuxième front idéologique aux croisades menées de Bagdad à Kaboul. Venant de M. Bush, cette vision n’aurait pas surpris. Mais venant de la part de M. Obama, qui connaît la complexité du monde, cela en dit long sur la pérennité des processus à l’œuvre à Washington.


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