L’indépendance de la médecine du travail niée par le Medef

mardi 3 mars 2009.
 

Le code du Travail délègue aux employeurs les coûts de la médecine du travail : c’est normal, le travail fait souffrir, le travail tue. Les salariés sont subordonnés juridiquement : c’est aux employeurs d’assumer leur protection face aux dangers du travail et de réparer les conséquences, accidents et maladies, du travail.

Mais s’il est juste que les employeurs paient, est-ce logique que ce soient eux qui dirigent ?

Ceci est âprement disputé entre syndicats et patronat dans des négociations ouvertes les 6 et 18 février qui s’étalent jusqu’en juin 2009.

Au point de départ, les patrons disposent de deux -tiers des sièges dans les conseils d’administration des 400 services de santé au travail (SST). Le Medef en abuse : un énorme scandale de « pillage dans les caisses » a été révélé l’an passé par Rues 89 et le Canard Enchaîné. Le Medef refuse toute gouvernance par l’Etat ou par la Sécurité sociale : son négociateur Jean-René Buisson réclame même la disparition du seul contrôle, l’« agrément administratif » des SST. Il veut maintenir le « caractère contractuel privé du paiement à l’acte » des visites médicales et il a réussi à imposer leur espacement… tous les deux ans. Il propose même le recours, faute de médecins recrutés et formés, à des « assistants de santé au travail ».

En un mot, le Medef veut tuer une médecine du travail qu’il a déjà rendue défaillante.

Pourtant les maladies professionnelles sont largement sous-estimées dans leur ampleur et leur gravité : la dernière enquête « Sumer » du ministère du Travail décompte 2,4 millions de salariés exposés à des produits cancérogènes, soit 13,5 % des salariés. Avec les troubles musculo - squelettiques, les troubles psychosociaux, la surdité, l’amiante, les AVC, (accidents cardiovasculaires), la santé au travail est bien une question de santé publique. Les formes précaires et atypiques de travail, sous-traitants, saisonniers, accroissent les risques.

L’alternative voudrait que la merveilleuse ambition politique de prévention qui a présidé, aux origines, à la médecine du travail (et à la médecine scolaire) soit renforcée et non détruite. Qu’aucun employeur ne puisse échapper au paiement des services de santé au travail, et donc, pour plus de sûreté, que l’Urssaf collecte ces cotisations – éventuellement pondérées selon les risques encourus - sur la base de la masse salariale.

Que le contrôle de la gouvernance des SST échappe enfin au Medef qui n’a pas intérêt à les développer et revienne principalement, naturellement aux représentants des salariés, les syndicats. Toute logique de santé au travail, exige un service public, qui implique à la fois cotisation du patronat et indépendance des SST, des médecins du travail.

N’ai-je pas entendu dans un Comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) une DRH rabrouer brutalement le médecin du travail qui révélait avoir appris que dans certains services, des salariés travaillaient au-delà de la durée maxima de 10 h par jour : « - Docteur, vous outrepassez votre rôle ! ». Tant que le patronat a ce pouvoir de museler la médecine, comment imaginer une sérieuse prévention pour la santé des salariés ?

Quand on aura inversé le rapport de force face à Sarkozy, il y a non seulement un Code du travail à restaurer, mais aussi des questions de vie et de mort au boulot à régler.

Gérard Filoche


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