Point de vue : La crise de 2008 est différente de celle de 1929

mercredi 10 décembre 2008.
 

Plus nous avançons dans la crise, plus nous allons vers une sorte de chaos d’information et donc d’impuissance de la pensée. Car tout ce qui se raconte semble sans fondement chiffré, ou du moins avec des chiffres incomplets. Ce qui se comprend puisque, les chiffres, nous ne les connaissons pas. L’interconnexion des circuits de la finance fait que tout est envisageable. On dit que la finance est déconnectée de l’économie réelle. Par extrapolation, on devrait aussi admettre que l’analyse économique se déconnecte des données financières, celles-ci étant opaques. Nous sommes face au spectacle d’un jeu de casino qui, malgré les secousses qu’il subit, les déceptions et les joies des joueurs, est d’une très grande stabilité, sauf que…

Pour comprendre, rappelons que la crise de 29 était une crise de la croissance. Une crise de jeunesse du système mondialisé mal stabilisé, avec une population mondiale massifiée, prête à se jeter dans les affres du totalitarisme. Si aucun économiste n’a parfaitement élucidé la dépression de 29, quelques éléments décrivent cette crise, avec une chute de la bourse consécutivement à une frénésie spéculative, le tout associé à une chute de la production industrielle. 7 points entre mai et octobre 1929, après une augmentation de 50 % entre 1921 et 1929. Le système de 2008 est une mécanique bien plus aboutie. Qui va résister, malgré quelques trous d’air. On a annoncé une réduction de 0.5 points de la production industrielle en France. Un détail. Sans doute, l’avidité des hommes est-elle responsable de cette crise de la finance. C’est ce qui la rapproche de 29, mais comme les mécanismes financiers, étatiques, doublés de la globalisation, sont d’une correcte efficacité, le scénario à la 29 n’est pas crédible. Car la structure de l’économie et du système n’est pas celle d’un dispositif en voie de création, avec des effets imprévisibles, comme en 29, mais d’un système abouti qui a été malmené par les goinfres du profit. Les initiés savaient depuis des années qu’une crise financière devait se produire.

Nous assistons plutôt à une « crise de décroissance » ou de non-croissance, et semble-t-il, largement différente de celle 29. Je laisse aux économistes le soin de développer cette intuition d’une « crise de décroissance », qui ne signifie pas dépression, mais une sorte de stabilisation du PIB, marquée par une croissance autour de zéro. En Occident, les pays émergents tentent de relancer la croissance et limiter la casse, avec un FMI impuissant, et c’est la Chine, avec ses finances en excellent état, qui offre un modeste salut à bien des économies émergentes comme l’ont vu les observateurs. En Occident, c’est différent. Une crise de la décroissance sera accentuée car les matières premières doivent être partagées. Mais ce sont des facteurs technologiques, structurels et sociologiques qui mettent un frein à une croissance qui n’a peut-être pas vocation à être illimitée.

Concrètement, cette crise aura des conséquences sociales importantes, mais rien de comparable avec 29. Quand les sociétés ont pris de plein fouet la crise économique, les gens errants, affamés, sans toit si sous. On dit qu’elle a engendré la monté du nazisme, c’est inexact. Elle a servi d’engrais certes, mais le nazisme est une folie des gens du pouvoir qui, certes, s’allient aux gens de la finance, mais ont un « grain sombre » incommensurable au monde économique. Le système de l’humanité crée des meurtriers. Les sociétés ont fait appel aux théologies, aux philosophies à la Hobbes et j’en passe, aux mesures coercitives contre le meurtre. Mais elle n’a pas prévu que le meurtre puisse s’insérer dans les rouages d’un Etat moderne. Telle fut l’aventure du nazisme.

Les sociétés vont sortir sans gros dégâts de la crise de 2008.

L’existence dans le système économique moderne veut ou fait qu’il y ait des perdants. Les gens acceptent cet état de fait. Il n’y a pas d’alternative, sauf un système planifié qui lui, risque d’amener une lente dépression. D’ailleurs cette crise semble être surmontée d’ici quelques mois. C’est une comédie intellectuelle que de croire au grand soir ou à la grande insurrection. Les gens ne sont pas assez secoués ni assez instruits des réalités du système. Pourtant, cette crise devrait être l’occasion d’une réflexion sur un changement des règles. C’est cela le seul enjeu actuel. Changer les règles. Les élites font croire qu’elles vont revoir le système. C’est une arnaque de plus. Et c’est leur droit. Les citoyens n’ont qu’à bouger leurs neurones s’ils veulent ne pas être arnaqués. En démocratie, la politique peut aussi être l’expression de l’impuissance générale et de la non-volonté des peuples les amenant à se soumettre à la « servitude involontaire ». Nous en sommes là. La période à vivre sera morose parce que les gens ont décidé de subordonner la joie au confort matériel. Les citoyens européens et américains sont devenus de véritables zombies, sans esprit, tels des affects jouant avec des gadgets. Espérons que cette crise va réveiller les consciences. Mais ce sera le chacun pour soi et des Etats qui assurent le minimum social pour éviter aux gens de sombrer. On a l’habitude, le RMI a 20 ans d’expérience, à peine moins que les Resto du cœur. La banque alimentaire et le secours catholique feront le reste. L’essentiel étant assuré par le stoïcisme des uns, la résilience des autres.

En conclusion, j’admets pouvoir me tromper. Mais s’il y avait une leçon à retenir, ce serait celle du bon diagnostic permettant de trouver une solution la moins mauvaise et qui sait, une bonne solution, soyons fous ! Le système de 1929 avait des vices cachés tels que la machine s’est embourbée, à l’image d’un véhicule dont la transmission marche par à-coup et le moteur n’est plus lubrifié. Le système de 2008 possède lui aussi des vices qu’on peut analyser pour envisager une alternative. Mais pour l’instant, les gouvernants préfèrent alimenter pour cacher les vices du système et jouer la comédie de gens sérieux qui veulent rétablir le fonctionnement de la finance et l’économie. Telle est l’erreur. Il ne faut pas rétablir le système, mais le changer. Avec sans doute des mesures si simples que nul ne les voit.


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