France Insoumise face à la mondialisation néolibérale

dimanche 7 mai 2017.
 

A) Un protectionnisme solidaire pour traiter l’urgence sociale et écologique

par Liêm Hoang Ngoc, responsable de l’économie dans l’équipe de campagne de la France insoumise

La réorientation de la construction européenne proposée par Jean-Luc Mélenchon veut doter les États des instruments de politique économique indispensables pour traiter l’urgence sociale et engager la transition écologique. Parmi ces moyens, peuvent être mentionnés  : le financement par l’emprunt et la création monétaire des investissements publics (nationaux et communautaires) nécessaires pour engager les grands travaux de transition énergétique, l’harmonisation fiscale et sociale, la mise en place de normes sociales et environnementales aux frontières communautaires, ainsi que de barrières tarifaires telles que le relèvement du tarif extérieur commun. L’utilisation de ces instruments est malheureusement proscrite par les textes actuels, qu’il s’agisse des traités et directives imposant l’austérité budgétaire et salariale, ou encore des traités internationaux en cours de ratification, aboutissant à supprimer les barrières tarifaires et non tarifaires au nom des bienfaits supposés du libre-échange.

Des accords du type du Ceta ou du Tafta s’avèrent particulièrement contraignants à l’endroit des politiques progressistes.

La suppression des barrières tarifaires nous interdirait de développer notre modèle social face à des pays pratiquant le dumping social. L’alignement des barrières non tarifaires entrave la mise en place des normes écologiques souhaitables en Europe.

Les services publics ont été jusqu’à présent protégés dans les accords commerciaux à travers l’usage de «  listes positives  » (à travers lesquelles seuls les secteurs listés sont libéralisés). Tafta introduit une nouvelle approche, celle des listes «  négatives  », où tous les secteurs sont libéralisés à moins d’être explicitement exclus. Ceci fait craindre que les exclusions contenues dans ces traités soient incomplètes et que les États n’aient plus la latitude de décider d’une renationalisation après avoir décidé de la libéralisation d’un service.

L’introduction d’un mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États permet aux investisseurs étrangers de saisir un tribunal arbitral en cas «  d’expropriation non compensée ou de traitement jugé injuste ou inéquitable de la part de l’État hôte ». Ce recours à la justice arbitrale peut limiter l’action de la puissance publique  : une décision telle que le relèvement du salaire minimum ou de normes environnementales pourrait s’apparenter à une expropriation et exposer un gouvernement à des poursuites  !

Sur un plan strictement commercial, il n’est aucunement avéré que l’Union européenne gagnerait au libre-échange. La balance courant de l’UE est globalement excédentaire vis-à-vis des États d’Amérique du Nord. Ces derniers ont intérêt, bien plus que l’UE, à ces accords. Que l’Allemagne pousse en leur faveur résulte du fait que sa croissance est devenue tributaire des débouchés extérieurs, tant elle a comprimé sa demande intérieure par les «  réformes structurelles  » imposées à toute la zone euro. Quant à la France, la moitié de son déficit extérieur est liée à l’importation des énergies fossiles et de l’uranium  ! La transition écologique réduira donc notre dépendance extérieure.

En matière agricole et industrielle, l’UE est autosuffisante. Ceci justifie d’autant plus le protectionnisme solidaire que notre objectif est de privilégier les filières courtes et de réduire l’empreinte carbone. Celle-ci ne manquerait pas de s’étendre à cause d’accords de libre-échange en contradiction flagrante avec les objectifs de la COP21.

B) Mettre fin au pillage économique de la Nation

chapitre de L’Avenir en commun

Le règne de l’oligarchie est aussi celui du pillage sans limite ni honte des biens publics. Infrastructures, services publics, fleurons industriels ou technologiques, industries de souveraineté : combien de privatisations à vil prix, de partenariats abusifs, d’argent confisqué, voire détourné ? L’intérêt général doit être défendu et protégé de ses adversaires par la loi et la justice.

Nous proposons de réaliser les mesures suivantes :

Créer une mission parlementaire spéciale pour faire le bilan de toutes les privatisations et faveurs fiscales décidées au cours des trois décennies passées

Revenir sur les programmes de privatisation (aéroports, autoroutes, parts publiques, etc.)

Décrêter un moratoire sur les partenariats public-privé (PPP), abroger les dispositions législatives les permettant et pratiquer un audit de ceux qui sont en cours

Mettre en place une commission d’enquête parlementaire sur le pillage économique et industriel des dernières années (abandons de fleurons comme Alstom, Alcatel, EADS…) et permettre la mise en examen et la détention préventive des suspects

Poursuivre les atteintes aux « éléments essentiels du potentiel scientifique et économique » faisant partie des « intérêts fondamentaux de la Nation », selon l’article 410-1 du Code pénal

Rendre effectif le droit de réquisition des entreprises d’intérêt général par l’État

C) Instaurer un protectionnisme solidaire pour produire en France

chapitre de L’Avenir en commun

L’économie productive et l’emploi sont attaqués. La libre-circulation des capitaux et des marchandises dans l’Union Européenne et le monde entier donne tout pouvoir à la finance contre les productifs, aux multinationales contre les PME, et aux actionnaires contre les salariés. Bilan : des droits sociaux soumis au chantage permanent du dumping, un bilan écologique désastreux, une industrie dévastée, une agriculture désorganisée, des régions entières condamnées. Le grand déménagement du monde doit cesser. Il faut relocaliser les productions. Nous avons besoin d’un protectionnisme solidaire au service de l’intérêt général contre les multinationales et la mondialisation financière. La défense de notre souveraineté industrielle est une condition indispensable à la fondation de nouvelles coopérations internationales.

Nous proposons de réaliser les mesures suivantes :

Faire l’inventaire et l’évaluation des accords déjà appliqués pour construire une autre politique internationale des échanges commerciaux, basée sur la coopération et inspirée de la charte de La Havane, permettant de pratiquer des politiques de protection des droits sociaux et de l’emploi

Adopter des mesures anti-dumping d’urgence sur les industries stratégiques (acier, photovoltaïque…), augmenter immédiatement les droits de douane pour les pays aux droits sociaux limités (travail des enfants, absence de droits syndicaux), prendre des mesures de rétorsion commerciales contre les paradis fiscaux

Imposer le respect de normes sociales et écologiques pour la commercialisation des produits importés en France

Réviser le Code des marchés publics pour favoriser les entreprises de l’économie sociale et solidaire, les produits et services écologiques, l’activité locale

D) Mettre au pas la finance

La finance a mis par terre l’économie réelle en 2008. Elle devait être « l’adversaire » du président sortant. Elle ne s’est jamais aussi bien portée et les revenus des actionnaires n’ont jamais été aussi élevés en France. Notre pays a le record d’Europe du versement de dividendes ! De nouvelles bulles se forment et menacent d’une déflagration encore plus terrible. Il est plus que temps d’agir !

Nous proposons de réaliser les mesures suivantes :

Séparer les banques d’affaires et de détail

Contrôler les mouvements de capitaux

Instaurer une taxe réelle sur les transactions financières

Interdire les ventes de gré à gré et la titrisation, plafonner les effets de levier et les rendements actionnariaux exorbitants

Identifier et interdire les produits dérivés toxiques et inutiles au financement ou à la couverture des flux économiques réels

Engager les procédures de recouvrement des 2,2 milliards d’euros d’argent public accordés sans preuve à la Société générale suite à l’affaire Kerviel, évaluer les actes comparables et poursuivre les coupables de ces abus


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