Des personnalités israéliennes contre le sociocide du peuple palestinien : "l’appel dOlga"

jeudi 20 juillet 2006.
 

Pour la vérité et la réconciliation Pour l’égalité et le partenariat.

L’État d’Israël devait apporter une sécurité aux Juifs ; il a créé un piège dont les habitants vivent sous la menace d’un danger constant, état de fait qui n’est vécu par aucune autre communauté juive.

L’État d’Israël devait réduire en poussière les murs du ghetto ; il a dorénavant édifié le plus vaste ghetto de toute l’histoire juive.

L’État d’Israël devait être une démocratie ; il a instauré une structure coloniale combinant les éléments évidents de l’apartheid avec l’arbitraire d’une occupation militaire illégale.

Israël, en 2004, est un État dans l’impasse. Cinquante-six ans après sa création - en dépit de ses nombreuses réalisations dans les domaines de l’agriculture, de la science et de la technologie, et malgré une puissance militaire importante équipée d’armes dignes du Jugement dernier - nombre de ses citoyens ont la mort dans l’âme, préoccupés par leurs inquiétudes existentielles et la crainte face à leur avenir.

Depuis sa création, Israël a vécu par l’épée. Une suite incessante de « représailles », d’opérations militaires et de guerres est devenue la drogue essentielle à la survie des Juifs israéliens.

Maintenant, près de quatre années après le début de la seconde Intifada palestinienne, Israël est enfoncé jusqu’au cou dans le bourbier de l’occupation et de l’oppression, tout en poursuivant l’expansion des colonies et la multiplication des avant-postes, se répétant ad nauseam à lui-même que « nous n’avons pas de partenaire pour la paix ».

Dix ans après les Accords d’Oslo, nous vivons dans une réalité coloniale aveugle - au cours des ténèbres. Trente-sept ans après la conquête par Israël des derniers territoires palestiniens en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, plus de trois millions et demi de Palestiniens sont cloîtrés dans leurs villes et villages. Le terme « État palestinien » - qui, pendant des années, incarnait l’option pacifique - est utilisé par nombre de politiciens israéliens comme phrase mirage, un tournant dans la réalité de l’occupation : « Dans le futur », chuchotent-ils avec un clin d’oeil, « l’entité palestinienne dans les Territoires pourra être appelée un « État ». Entre temps, Israël amplifie la dévastation en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, semblant déterminé à réduire en poussière le peuple palestinien.

Face au large camp des Israéliens qui soutiennent le Mur de séparation - ceux qui, tant à droite qu’à gauche, sont terrifiés par les démons de la démographie, comptant sans cesse la population afin de savoir combien de Juifs et d’Arabes sont nés et sont morts chaque semaine, combien de Juifs et d’Arabes vivent dans le pays et dans chacune de ses régions - il est vital de proposer une perspective différente, basée sur les principes suivants :

La coexistence des peuples de ce pays, basée sur une reconnaissance mutuelle, un partenariat d’égal à égal et l’application d’une justice historique.

Nous sommes unis dans une critique du sionisme puisqu’il est basé sur le refus de reconnaître le peuple indigène de ce pays et sur la négation de leurs droits, leur dépossession et sur l’adoption d’une séparation en tant que principe fondamental et mode de vie. Ajoutant l’insulte à l’injure, Israël persiste dans son refus d’assumer la moindre part de responsabilité dans ses méfaits, de l’expulsion de la majorité des Palestiniens il y a plus d’un demi-siècle, à la présente transformation en ghetto des villes et villages de la Cisjordanie. Ainsi, où qu’ils soient, une frontière est dessinée entre les Juifs et les Arabes, afin de distinguer et séparer les élus et les damnés.

Nous sommes unis pour reconnaître que ce pays appartient à tous ses fils et filles - citoyens et résidents, présents et absents (les Palestiniens déracinés en 1948) - sans discrimination basée sur des motifs personnels ou collectifs, sans considération pour leur citoyenneté, leur religion, leur culture, leur ethnie ou leur genre.

Nous demandons donc l’abrogation immédiate de toutes les lois, règlements et pratiques qui exercent une discrimination entre les citoyens juifs et arabes d’Israël, et la dissolution de toutes les institutions, organisations et autorités basées sur de telles lois, règlements et pratiques.

Nous sommes unis dans notre croyance voulant que la paix et la réconciliation dépendent de la reconnaissance par Israël de sa responsabilité dans les injustices faites au peuple indigène, les Palestiniens, et de la volonté de les corriger.

La reconnaissance du Droit au retour fait partie intégrante de nos principes. Corriger l’injustice continue infligée aux réfugiés palestiniens, génération après génération, est une condition nécessaire, tant pour la réconciliation avec le peuple palestinien, que pour la guérison spirituelle de nous-mêmes, Juifs israéliens. Ce n’est qu’ainsi que nous cesserons d’être affligés par les démons du passé et les damnations, et que nous pourrons nous sentir à demeure dans notre patrie commune.

Depuis plusieurs années déjà, les dirigeants israéliens se sont employés à dépeindre les Palestiniens comme des sous-humains. Leurs efforts ont été secondés et appuyés par des membres de l’élite culturelle, des barons des médias, des fonctionnaires vaniteux et des auteurs médiocres, à gauche comme à droite. C’est avec dégoût que nous rejetons cette arrogance raciste, sachant que les Palestiniens, comme tous les autres peuples, ne sont ni des démons ni des anges, mais simplement comme nous, c’est-à-dire des humains, créés sans distinctions.

Nous sommes convaincus que si nous abordons la paix et la réconciliation avec les Palestiniens avec l’esprit ouvert et la volonté, nous trouverons en eux ce avec quoi nous les aborderons : un esprit ouvert et une volonté. Nous sommes des frères et soeurs et non pas des ennemis éternels comme le professent les empoisonneurs de puits.

Il est inutile, à ce moment-ci, d’essayer de prédire la future concrétisation physique de cette vision d’une vie commune : deux États ou un ? ! Peut-être une confédération ? ! Ou bien une fédération ? ! Et que dire des cantons ? ! Dans tous les cas, la condition incontournable pour promouvoir la vision d’une vie commune s’impose d’elle-même, tant comme impératif moral suprême que comme question pratique dans l’instant présent : la fin immédiate de l’occupation.

Ce n’est qu’ainsi que les Palestiniens de Jérusalem-est, de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza seront débarrassés du joug des colonies, du cauchemar de l’apartheid, du fardeau de l’humiliation et des démons de la destruction mise en oeuvre par Israël jour et nuit, sans relâche, depuis trente-sept ans. Ce n’est que lorsqu’ils seront totalement libres que les Palestiniens seront aptes à discuter et décider de leur avenir.

Nous croyons que l’adoption des principes susmentionnés posera les fondations sur lesquelles le peuple de ce pays pourra édifier le cadre adéquat d’une vie commune. Nous ne parlons pas de fantaisies ou d’un changement miraculeux qui nous mènera de notre enfer actuel à un paradis.

Nous parlons d’une route qui n’a pas encore été ouverte à ce jour : être honnêtes avec nous-mêmes, avec nos voisins et particulièrement avec le peuple palestinien - nos ennemis qui sont nos frères et soeurs. Si nous réunissons en nous-mêmes l’honnêteté adéquate et le courage nécessaire, nous serons capables de faire les premiers pas de cette longue marche qui peut nous extirper de l’enchevêtrement de négation, de répression, de distorsion de la réalité, de manque de vision et de renonciation à notre conscience, duquel le peuple d’Israël est captif depuis des générations.

Quiconque a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sait que le choix est entre un autre « siècle de conflit » se terminant dans l’annihilation, et un partenariat entre tous les habitants de cette terre. Seul un tel partenariat pour nous transformer, Juifs d’Israël, d’étrangers dans leur pays en habitants réels de ce pays.

Nous n’avons pas l’intention d’initier un nouveau mouvement contre l’occupation ou un autre parti (plate-forme, institutions et dirigeants). Nous souhaitons amorcer une discussion publique sincère au sujet de l’impasse israélienne dans laquelle nous vivons et les profonds changements nécessaires pour s’en extirper. Tous les Israéliens savent qu’il n’est pas question ici de peccadilles politiques, mais plutôt du sort des peuples de ce pays.

Giv’at Olga, juin 2004

Signataires de l’appel :

Ra’anan Alexandrowicz - Prof. Zalman Amit - Dr. Yossi Amitay - Boaz Arad - Adi Arbel - Nili Aslan - Michal Aviad - Dr. Ariella Azulay - Talma Bar Din - Osnat Bar-Or - Dr. Shiko Behar - Prof. Joel Beinin - Miryam Beinin - Meron Benvenisti - Nirit Ben Ari - Smadar Ben Natan - Prof. Zvi Bentwich - Dr. Shimshon Bichler - Prof. Anat Biletzki - Prof. Daniel Boyarin - Prof. Victoria Buch - Michal Chacham - Ronit Chacham - Lin Chalozin-Dovrat - Dr. Sami Shalom Chetrit - Dr. Raya Cohen - Elias Davidsson - Aim Deuelle Luski - Dr. Diana Dolev - Sharon Dolev - Andre Draznin - Dr. Avishai Ehrlich - Boas Evron - Pnina Feiler - Pnina Firestone - Prof. Ariella Friedmann - Avi Gibson Bar-El - Tamar Getter - Dr. Daphna Golan - Racheli Gai - Mirjam Hadar - Dr. Neve Gordon - Prof. Uri Hadar - Haim Hanegbi - Yehudith Harel - Dr. Talma Hendler - Prof. Hannan Hever - Amos Israel-Vleeschhouwer - Rachel Leah Jones - Roni Kalev - Dr. Orit Kamir - Einav Katan - Dr. Katlin Katz - Gal Keinan - Prof. Baruch Kimmerling - Elinor Kowarski - Noa Kram - Orna Lavi - Hava Lermann - Dr. Daphna Levit - Prof. Bezalel Manekin - Dr. Abraham Mansbach - Ronit Marian-Kadishay - Dr. Ruchama Marton - Dr. Nina Mayorek - Rela Mazali - Oren Medicks - Gil Medovoy - Racheli Merhav - Avi Mograbi - Tsachi Mitsenmacher - Prof. Judd Ne’eman - Prof. Adi Ophir - Amir Orian - Prof. Avraham Oz - Dr. Nurit Peled Elhanan - Dr. Dan Rabinowitz - Dr. Nitzan Rabinowitz - Dr. Uri Ram - Dr. Amnon Raz-Krakotzkin - Roee Rosen - Yael Roth-Barkai - Catherine Rottenberg - Sergeiy Sandler - Herzel Schubert - Tali Shemesh - Prof. Yehouda Shenhav - Oded Shimshon - Prof. Nomi Shir - Diana Shoef - Dr. Tali Siloni - Ora Slunim - Kobi Snitz - Amos Tidhar - Tova Tidhar - David Tartakover - Osnat Trabelsi - Dr. Allon Uhlmann - Michel ( Mikado) Warschawski - Dr. Haim Yacobi Sergio Yahni - Prof. Oren Yiftachel - Prof. Moshe Zuckermann

publié le mercredi 28 juillet 2004


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