5 janvier 1871 Edouard Vaillant appelle à la formation d’une Commune à Paris

vendredi 10 avril 2015.
 

A) Édouard Vaillant, patriote, socialiste unitaire, internationaliste

"Il fut un des plus grands communards. Délégué à l’enseignement, Édouard Vaillant se bat pour laïciser l’école, pour un enseignement professionnel s’adressant aux filles comme aux garçons… Son aura souffrira ensuite de son ralliement à la défense nationale, en 1914."

Le 18 décembre 1915, à soixante-quinze ans, mourait, à Paris, Édouard Vaillant. Nous célébrons ainsi le centième ­anniversaire de la mort de celui qui fut, avec Guesde et Jaurès, un des trois grands noms du socialisme français d’avant-1914, mais sans doute le moins (re)connu des trois. Son ralliement total à la défense nationale, l’été 1914, y est peut-être pour beaucoup. On y vit comme une forme de trahison de l’idéal socialiste ­révolutionnaire et internationaliste qui avait accompagné toute sa vie.

« Il nous faudra combattre jusqu’au dernier homme et verser à flots ton sang et le nôtre. » Ce texte d’un manifeste signé de Vaillant n’est pas de 1914, c’est le texte d’un Appel à la démocratie socialiste ­allemande, adressé par les internationaux parisiens à leurs camarades allemands en septembre 1870, quelques jours après le renversement de Napoléon III. Désormais, aux yeux de ces socialistes, la guerre, injuste, entre les deux monarques français et allemand prenait un sens patriotique de défense de la République française. Cette visée socialiste révolutionnaire et patriotique explique que Vaillant, un de ces jeunes révolutionnaires attirés à la fois par la République et par l’Internationale, se tourne alors vers Blanqui au moins ­autant que vers Marx.

On ne saurait pour autant réduire Vaillant à un blanquiste révolutionnaire ardent et patriote. Car le jeune Vaillant avait fait une partie de sa formation, après sa sortie de l’École centrale, en Allemagne et en Autriche, à ­Heidelberg, Vienne et Tübingen. Après la Commune, d’ailleurs, il se rapproche de Marx dans sa lutte pour la création d’un parti prolétarien, d’une Internationale disciplinée, et il combat avec lui le courant anarchiste. Il adhère pleinement à la vision économique et philosophique de Marx, dont il sera un des premiers et des plus fins connaisseurs en France. Cependant, il se séparera de Marx, au niveau politique, dès 1872, au congrès de La Haye de la Première Internationale, sur deux points. Il s’oppose au transfert du siège de l’Internationale à New York, reprochant à Marx d’abandonner ainsi une perspective révolutionnaire rapide, et ne vote pas l’exclusion des anarchistes de l’Internationale.

Il sera le promoteur du premier décret établissant l’égalité du salaire des femmes et des hommes dans l’enseignement primaire.

Vaillant fut un des plus grands communards

Dans son action, on retrouve une traduction de ses convictions les plus fortes. Défendre la République, la vraie République, la «  démocratique et sociale  ». C’est en particulier lorsqu’il est délégué à l’enseignement, à compter du 20 avril, qu’il manifeste cette exigence en généralisant la laïcisation des écoles publiques, la ­vigilance sur l’absence de tout signe religieux à l’école et la mise en place d’un enseignement fondé sur la seule raison.

Mais il ­s’attache aussi à la mise en place d’un enseignement professionnel pour les filles et les garçons, et il sera le promoteur du premier ­décret établissant l’égalité du salaire des femmes et des hommes (dans l’enseignement primaire). Défendre le prolétariat. Avancer concrètement vers la transformation révolutionnaire.

Le 26 avril, lors d’un long débat sur l’application du décret sur les otages, Vaillant s’écrie  : «  Mais rappelez-vous que nous devons frapper la propriété par nos décrets socialistes.  » Lui-même, dans le champ qui relevait de sa responsabilité, les théâtres, va prendre, le 19 mai, un des décrets les plus significatifs de la Commune. Il socialise tous les théâtres, confiant leur gestion à l’association ouvrière des artistes du spectacle.

Maintenir l’unité

Vaillant, pendant la Commune, ne se réclame ni de la majorité (dont il est cependant proche) ni de la minorité. Avec Frankel, il s’attache ainsi à faire revenir la minorité, qui s’est opposée à la création d’un comité de salut public en qui elle voit un possible risque de dictature et qui ne veut plus siéger, au sein de la Commune. Il s’emploie aussi à atténuer l’opposition entre Rigault et Protot sur la question de la justice. Cette visée constante de l’unité le conduit à un certain pragmatisme, sans jamais le faire renoncer à sa rigueur révolutionnaire.

Nous espérons que la commémoration de Vaillant va maintenant prendre de l’ampleur. Le 18 mars prochain, nous passerons devant la mairie du 8e arrondissement, dont Vaillant fut l’élu en 1871, et où il serait temps qu’une plaque rappelle cette présence. Des initiatives riches sont annoncées dans le Berry, sa terre natale, avec laquelle Vaillant établit des liens étroits toute sa vie. Des journées d’études sont prévues en décembre à Paris. Celui dont l’arrivée dans une réunion suscitait toujours les cris de «  Vive la Commune  !  » mérite ces initiatives. Mais surtout la réflexion sur l’action et la pensée de Vaillant reste au cœur des questions que nous nous posons.

Une vie de révolutionnaire dédiée aux questions sociales

Édouard Vaillant naît le 29 janvier 1840 à Vierzon. Ingénieur, sorti de Centrale, il adhère à l’Internationale. Pendant le siège de Paris, 
il dénonce le gouvernement et réclame dans l’Affiche rouge  : «  Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse.  » Élu à la Commune de Paris, il est membre de la commission exécutive. 
En exil à Londres, il est 
un temps proche de Marx. 
Il fonde en 1898 le Parti socialiste révolutionnaire. Alors député du 20e arrondissement, 
Vaillant participe aux débats sur les questions sociales.
Il dénonce en 1899 
le socialisme ministériel et se rapproche de Guesde. 
Il sera un des plus fervents partisans de l’unification du socialisme en 1905. Militant de la 2e Internationale, il lutte pour la grève générale contre la guerre. Août 1914, il se rallie à la défense nationale. Il meurt, à Paris, le 18 décembre 1915.

Repères

4 septembre 1870. 
Édouard Vaillant assiste 
à l’avènement 
de la République.

31 octobre 1870 
et 22 janvier 1871. 
Il participe aux soulèvements 
à Paris.

5 janvier 1871. Il fait 
partie des quatre 
rédacteurs de l’Affiche rouge, 
qui appellent à la formation 
d’une Commune à Paris.

Juillet 1872. Il est condamné à mort par contumace alors qu’il est en exil en Angleterre.

Par Jean-Louis Robert, Historien, président des Amies 
et Amis de la Commune de Paris-1871


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