Les syndicats européens encaissent gifle sur gifle et tendent encore la joue

dimanche 23 décembre 2007.
 

Pour les syndicats européens, c’est une deuxième gifle encaissée en l’espace d’une semaine

Coup d’arrêt pour les syndicats (par Olivier Le Bussy)

La Cour européenne de justice a rendu, mardi, son arrêt dans l’affaire Laval. Les syndicats suédois avaient bloqué les chantiers de l’entreprise lettone pour lutter contre le dumping social. Entrave à la libre circulation des services, dit la CEJ. Président de la Confédération européenne des syndicats, le Britannique John Monks accusait le coup à l’heure de commenter la décision de la Cour européenne de justice (CEJ), dans l’affaire Laval. Car la CEJ a estimé, mardi, que le blocus mené par les travailleurs suédois sur les chantiers de l’entreprise lettonne Laval n’était pas justifié.

Une décision qui, selon John Monks, interprète de manière trop restrictive la directive européenne sur le détachement des travailleurs temporaires. Et qui obligera "les pays nordiques à être plus rigides" alors que le modèle scandinave de flexécurité (flexibilité des travailleurs et sécurité de l’emploi) est cité en exemple par Bruxelles.

Rétroactes : en 2004, l’entreprise lettone de construction Laval un Partneri et sa filiale Baltic Bygg détachent des ouvriers lettons sur divers chantiers qu’elles mènent en Suède. Comme c’est d’usage dans le royaume scandinave, les syndicats entreprennent de négocier avec l’entreprise des conventions collectives sur les salaires des ouvriers. Une manière pour eux de s’assurer que Laval ne pratiquera pas le dumping social, et que les travailleurs lettons qu’elle emploie ne seront pas moins rémunérés que ne le seraient des Suédois. L’échec de ces négociations conduit les syndicats suédois à mener, pendant plusieurs mois, des actions de blocages sur divers chantiers de Laval. Blocages qui conduisent à la faillite de la filiale Baltic Bygg et au départ des ouvriers lettons.

Laval n’en reste pas là et entame un recours devant la juridiction suédoise, qui passe la "patate chaude" à la Cour européenne de justice.

Des actions pas justifiées

Si elle reconnaît aux organisations syndicales le droit fondamental de mener des actions collectives, la CEJ précise que l’exercice de ce droit dans le cas présent constitue une restriction au principe européen de libre prestation des services.

Le détachement des travailleurs temporaires pour une prestation de services, rappelle la CEJ, est régi par une directive européenne de 1996. Laquelle oblige un employeur "à observer un noyau de règles impératives de protection minimale dans l’Etat membre d’accueil". Or relève la Cour, la transposition de cette directive dans la législation suédoise ne souffle mot sur la question des rémunérations salariales, fixées via des conventions collectives qui n’ont pas de base légale. Des actions collectives telles que celle menées par les travailleurs suédois, pour pousser une entreprise établie dans un autre Etat membre à ouvrir des négociations salariales ne sont donc pas justifiées dans un contexte national marqué par l’absence de dispositions dans ce domaine, précise la CEJ.

Les juges de la Cour "ne comprennent pas comment les salaires sont fixés en Suède", a regretté Claes-Mikael Jonsson, juriste d’un syndicat suédois. "Nous sommes très heureux d’avoir ce système. Nous continuerons de nous battre pour le préserver."

Pour les syndicats européens, c’est une deuxième gifle encaissée en l’espace d’une semaine. Mercredi dernier, la même Cour européenne de justice avait rendu un arrêt dans l’affaire, parallèle, Viking Line ("LLB" 12/12).

Là aussi, la CEJ avait reconnu le droit fondamental à l’action collective. Mais elle avait nuancé son jugement en précisant que les actions menées par les syndicats pour empêcher la société finlandaise de ferries de faire passer un de ses appareils sous pavillon estonien - et du même coup, engager un équipage local moins cher - constituaient une entrave à la liberté d’établissement.Les jugements définitifs seront rendus par la juridiction suédoise dans l’affaire Laval ; par la justice britannique pour Viking.


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