« Renouveau de la démocratie » : commençons à l’école !

mardi 16 avril 2024.
 

Le congrès de l’UNSA-éducation appelle au renouveau de la démocratie. On fait ici quelques suggestions pour que le ministère respecte la démocratie, et que, plutôt que d’expérimenter le port de l’uniforme, il propose d’expérimenter la vie démocratique dans les établissements scolaires.

Le congrès de l’UNSA éducation vient d’adopter à l’unanimité le 28 mars à Nantes une motion pour le renouveau de la démocratie sociale.

Le congrès « constate que progressent une défiance envers les institutions de la République et un taux d’abstention inquiétant – notamment chez les jeunes - dans les différents scrutins électoraux. La fédération dénonce la banalisation des idées d’extrême droite, nourries de replis identitaires, et de rejet de l’altérité. Elle condamne toute manifestation de violence quelles qu’elles soient. Elle réaffirme son engagement à faire vivre les valeurs et principes de la République et la laïcité. Elle se donne pour ambition de favoriser un engagement citoyen à la hauteur de la crise démocratique que nous traversons ».

Le congrès évoque « différentes pistes » de renouveau démocratique, mais n’en expose qu’une : « le Congrès national de Nantes de l’UNSA Éducation engage la fédération, au travers de l’expérimentation et de l’innovation de ses propres pratiques, à agir, dans le cadre professionnel et citoyen comme dans l’éducation et la formation, afin de consolider et revivifier la démocratie. Le Congrès de Nantes engage la fédération et son union à jouer son rôle plein et entier dans la société pour défendre et protéger la démocratie ».

La piste de l’expérimentation et de l’innovation est certes prometteuse, mais la motion n’entre pas dans le concret.

Nous nous proposons de dessiner quelques pistes susceptibles d’incarner ce renouveau démocratique en éducation.

On pourrait partir d’un principe simple. Pour commencer et donner l’exemple, le ministère de l’éducation s’engagerait respecter le cadre réglementaire, consigné dans le Code de l’éducation et s’y tiendrait. Il retirerait donc l’arrêté du 15 mars 2024 qui impose aux établissements publics locaux d’enseignement une organisation standardisée des classes, en groupes (de niveau ou de besoin) sur tout l’horaire en français et mathématiques, alors que, depuis 1985, tous les EPLE « disposent, en matière pédagogique et éducative, d’une autonomie qui porte sur :

1° L’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves ;

2° L’emploi des dotations en heures d’enseignement et, dans les lycées, d’accompagnement personnalisé mises à la disposition de l’établissement dans le respect des obligations résultant des horaires réglementaires ; ». Ce texte est celui du décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement et l’on peut s’étonner que personne, au ministère n’ait alerté sur le fait qu’un décret, dans la hiérarchie des normes, est supérieur à un arrêté, qui ne saurait donc le contredire.

Le ministère tenant désormais ses engagements faciliterait l’expérimentation de mesures de renforcement de la démocratie dans les EPLE.

On pourrait partir d’une idée formulée par Paul Langevin, citée dans le projet de réforme de l’éducation de 1946 (dit Plan Langevin-Wallon) : « L’école fait faire à l’enfant l’apprentissage de la vie sociale et, singulièrement, de la vie démocratique (…) non par les cours et les discours, mais par la vie et l’expérience ». Quatre-vingts ans plus tard, on en est encore bien loin dans nos établissements scolaires.

On pourrait ainsi expérimenter dans les collèges où ils ne sont pas élus mais désignés, l’élection par leurs pairs des collégiennes et collégiens membres du conseil de vie collégienne. Ce pourrait être l’occasion d’expérimenter des modes d’élection divers, pour faire un apprentissage pluriel, complet, des modes de scrutin. L’occasion ensuite de faire jouer pleinement son rôle au conseil de vie collégienne, y compris en animant des heures de vie de classe, pour faire participer tous les élèves de l’établissement au débat sur les propositions d’amélioration de la vie dans l’établissement.

On pourrait expérimenter le fait que, dans des instances où ils sont représentés, comme les commissions éducatives, par exemple, les élèves soient à parité numérique avec les personnels : cela permettrait à un plus grand nombre d’élèves d’être associé à la réflexion et à percevoir que leur voix n’est pas minorée, mais prise en considération, dans la mise en en oeuvre de règles de vie commune adoptées démocratiquement.

On pourrait expérimenter le fait que chaque année l’établissement fasse le point sur la formation démocratique des élèves tout au long de l’année écoulée et le respect des procédures démocratiques dans les diverses instances de l’établissement : une formation non pas seulement par les cours et les discours, mais par la vie même.

C’est d’expérience de la démocratie, vécue au quotidien dans les faits de leur vie à l’école, au collège, au lycée, qu’on besoin tous les élèves, et c’est sans doute pour une part parce que cette expérience est bien trop fragile actuellement que, lorsqu’ils sont appelés à voter, ils sont si nombreux à s’abstenir.

Expérimenter la démocratie dans la vie des établissements scolaires, voilà un objectif autrement plus porteur que celui proposé par le ministère d’expérimenter le port de l’uniforme à la rentrée prochaine !

Jean-Pierre Veran

formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université


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