IVG, prix garantis, super-profits, protectionnisme : quelles sont les victoires idéologiques de LFI ?

mercredi 17 avril 2024.
 

Ce jeudi 4 avril, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de prix garantis rémunérateurs – prix planchers – pour les agriculteurs, malgré une forte obstruction des macronistes et une absence très remarquée des députés RN et LR. Un mois plus tôt, le Congrès votait l’inscription de l’IVG dans la Constitution. En plateau télé et en interne de la macronie, Yael Braun Pivet parle de taxation de superprofit et provoque une passe d’armes avec Bruno Le Maire. Dans le même temps, Emmanuel Macron parle de « protectionnisme » et de « planification écologique » (sans toutefois comprendre leur signification). Le point commun entre ces propositions ? Elles ont toutes été défendues, portées, et imposées dans le débat public par Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. Des propositions déjà plébiscitées en 2022 et faisant encore aujourd’hui la quasi-unanimité en France. Notre article.

Taxer les super-profits : la mesure de justice sociale majoritaire dans tous les électorats

Tout commence par l’annonce d’une mission flash, avec Manuel Bompard comme co-rapporteur, au beau milieu de l’été 2022. La machine insoumise se met immédiatement en ordre de bataille. Lors des Amfis (universités d’été de LFI, ndlr), les tracts et les affiches sont révélés. Un homme en costard, avec un titre limpide : taxons les super-profits. Une pétition est lancée. Elle atteint rapidement les 100 000 signataires.

Le sujet monte irrésistiblement. Bruno Le Maire bégaie fort à l’université d’été du MEDEF. Il déclare qu’il ne sait pas ce que c’est qu’un super-profit. Alors même que l’Italie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Espagne, le Royaume-Uni et finalement l’Allemagne annoncent la mise en place de mesures similaires à ce que demandent les insoumis. Normal puisque la crise du Covid-19 et le choc de la guerre en Ukraine sont utilisés par les multinationales pour dégager des marges colossales. Partout en Europe, les dividendes des géants de la grande distribution et du transport explosent.

En cette même fin d’été 2022, Emmanuel Macron lâche sa petite phrase sur la fin de l’abondance. Abondance pour les uns sur fond de cadeaux à répétitions : 5 milliardaires possèdent autant que 27 millions de Français. Précarité pour les autres.

Avec 44,3 milliards d’euros de dividendes versés au deuxième trimestre 2022, la France pulvérise son record. Championne d’Europe du gavage de milliardaires. Les grands groupes français figurent même dans le top 20 mondial. Ils ont des noms, ils ont des adresses : BNP Paribas (6e), Sanofi (10e), Axa (12e) et LVMH (14e). Pendant ce temps, les files s’allongent à l’aide alimentaire. 8 millions de personnes ne peuvent plus se nourrir sans les associations de solidarité. La pétition pour taxer les super-profits atteint les 150 000 signataires.

La vague semble impossible à freiner. 63% des électeurs de Macron sont favorables à cette taxation sur les bénéfices exceptionnelles. Lors de l’examen du budget, Sacha Houlié, Barbara Pompili, Brigitte Klinkert ou encore Stéphane Travert, tous des macronistes invétérés soutiennent la proposition insoumise. La députée Stella Dupont dépose même un amendement, soutenu par une dizaine de députés Renaissance. Avant d’être retiré. Probablement suite à un appel furieux du Président. Le projet insoumis arrive jusqu’au Parlement européen.

La victoire est alors toute proche. Quand soudain, le fascisme vole au secours de l’oligarchie. Au Parlement européen, Jordan Bardella se range du côté d’Emmanuel Macron. Avec tous les euro-députés RN, alliés aux LR et à Renaissance, ils s’opposent à la taxation des super-profits. Total, LVMH, BNP-Paribas peuvent remercier M. Bardella, leurs milliards resteront bien à l’abri de la justice sociale et du financement des services publics. Pourtant, 59% des électeurs de Marine Le Pen sont favorables à cette mesure insoumise. L’arnaque sociale du RN n’a jamais été aussi évidente.

Contre le peuple, l’extrême droite alliée aux néolibéraux ont remporté un vote. Mais la victoire idéologique est totale pour les insoumis. Le 13 février 2023, alors qu’Emmanuel Macron impose une réforme des retraites qui vole deux ans de vie libre aux travailleuses et aux travailleurs, le gouverneur de la Banque de France se déclare en faveur d’une taxe sur les super-profits pour financer la protection sociale et donc notamment le droit à la retraite.

Les opposants à cette contribution exceptionnelle sont de plus en plus marginalisés dans la société grâce l’argumentation précise des insoumis. Des soutiens inattendus rejoignent cette position. Au cœur même de la minorité présidentielle.

En octobre 2022, François Bayrou avait déjà exprimé sa faveur pour que le gouvernement montre « des signes de justice » aux Français. Bruno Le Maire, aux ordres du Président, avait balayé cette demande sans ménagement. En ce mois de mars 2024, fraîchement réélu à la tête du Modem, François Bayrou réitère une nouvelle fois cet appui à la proposition désormais historique de la France insoumise de taxer les super-profits. Il faut dire que les inégalités atteignent des sommets difficilement imaginables. Les restos du coeur ne peuvent plus répondre aux demandes. Quand Total a franchi un nouveau record de bénéfices avec 19,4 milliards d’euros.

Combien de temps l’alliance Le Pen / Macron pourra-t-elle s’opposer encore à cette taxation des super-profits ? Une chose est certaine, cette idée, venue du groupe parlementaire LFI, est devenue largement majoritaire dans la population française et dans le champ politique, en moins de deux ans.

Prix rémunérateurs garantis : la solution plébiscitée par les agriculteurs qui réclament de pouvoir vivre de leur travail

Le 30 novembre 2023, c’est aux insoumis de pouvoir décider de l’ordre du jour à l’Assemblée nationale. Manuel Bompard et Aurélie Trouvé décident de reprendre la proposition historiquement construite par Jean-Luc Mélenchon : fixer un prix qui garantisse une juste rémunération des travailleurs pour les produits agricoles. Dès 2018, le fondateur de la France insoumise avait vu juste.

« Les directives de la Commission européenne sont parfaitement claires, elle impose l’alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux. Les cours mondiaux ne peuvent faire autre chose que de fluctuer, ils ne peuvent être que le résultat d’une spéculation. Par conséquent, la destruction quasi totale de ce que nous connaissons comme modèle agricole est assurée. Il faut donc que les prix soient fixés. Si nous ne fixons pas des prix planchers, qui va fixer les prix ? En aval, le marché financier. Et en amont ? Bayer et Monsanto. » Limpide.

Cinq ans et demi après, la situation s’est empirée. Les prix de l’énergie et du transport flambent, les multinationales se gavent. Près de 50% de la hausse des prix s’explique par leur super-profits. Les ménages populaires ne peuvent plus se nourrir convenablement. Au milieu, les agriculteurs travaillent à perte et sont tués à petit feu.

Alors, les insoumis prennent les choses en main. Le 22 novembre, ils présentent en commission une stratégie globale pour remettre la France à l’endroit. En amont, fixer des prix minimum garantis pour assurer aux agriculteurs un revenu digne issu de leur travail. En aval, encadrer les marges des multinationales. Ainsi, les députés s’assurent que ce sont bien Carrefour, Auchan et toute la clique qui absorberont la hausse de rémunération des paysans. Et non les ménages, qui peinent déjà à se payer trois repas par jour jusqu’à la fin du mois.

Cette proposition de loi, pleine de bon sens, fait un carton dans la population. 90% des Français sont favorables à l’encadrement des marges de la grande distribution. 88% demandent l’instauration à l’instauration du prix minimum garantis.

La droite de Macron à Ciotti fait bloc contre cette loi. À l’Assemblée nationale, les parties de la loi sont adoptées une par une. Mais au dernier moment, lors du vote finale sur l’ensemble du texte, Emmanuel Macron ordonne à tous ses députés de se rendre dans l’hémicycle pour empêcher cette victoire politique des insoumis. Colère.

À peine quelques semaines plus tard, une des plus grandes révoltes des agriculteurs secoue la France. Avec une revendication centrale : pouvoir vivre de son travail. Ne plus perdre de l’argent en vendant le fruit de leur récolte. Donc, avoir des prix qui garantissent une rémunération de leur travail. Exactement ce que proposaient les insoumis et qu’Emmanuel Macron s’est personnellement assuré de mettre en échec.

À chaque rencontre des élus insoumis sur les barrages de tracteurs, l’accueil est chaleureux. Les travailleurs agricoles savent qui défend leurs intérêts contre les multinationales agricoles. À partir de février, tous les partis politiques se réclament des prix planchers, autre dénomination des prix rémunérateurs garantis. Emmanuel Macron finit par céder sous la pression et évoque cette possibilité après avoir été chahuté au salon de l’agriculture.

À ce jour, il ne s’agit que d’une promesse vide. Mais la victoire idéologique des insoumis est indéniable. De même que sur le protectionnisme, l’autre sujet de revendication majeur des agriculteurs. Désormais, tous les partis politiques doivent faire au moins semblant de s’indigner des conséquences du libre-échange. Ce qui a conduit au rejet du CETA, l’accord avec le Canada. Il faut dire que les agriculteurs n’ont pas pardonné le vote au Parlement européen des groupes de Glucksmann, Hayer et Bardella majoritairement favorables à deux accords de libre-échange avec le Chili et le Kenya. En plein milieu du Salon de l’agriculture.

Une bonne surprise est advenue tard dans la soirée du 4 avril 2024. L’Assemblée nationale a voté une loi pour garantir aux agriculteurs des prix planchers, malgré l’obstruction du gouvernement et l’abstention du Rassemblement National. Une victoire idéologique de LFI après des années de batailles.

Constitutionnaliser le droit à l’IVG : grâce aux insoumis, la France parle au monde

Depuis 2011, le mouvement insoumis porte cette proposition pour inscrire dans le marbre de la Constitution une liberté fondamentale, celle de disposer pleinement et librement de son corps, celle du droit à l’avortement. Jean-Luc Mélenchon le disait sur la place de la Bastille en 2012. Mathilde Panot le portait le 30 novembre 2022 à l’Assemblée nationale.

Lundi 4 mars 2024 restera une date gravée dans l’Histoire et les esprits des femmes du monde entier. Le Congrès a adopté le droit à l’avortement dans la Constitution : « C’est la France qui va, pour la première fois, consacrer ce droit dans sa Constitution. Notre pays renoue avec sa vocation de phare des droits humains », a déclaré à la tribune la présidente du groupe parlementaire insoumis. La bataille est gagnée, après 12 années d’intenses combats, dans la société et sur les bancs des assemblées aux côtés des associations féministes.

Début 2024, le consensus n’était pourtant pas encore gagné. Gérard Larcher, président du Sénat se déclarait opposé à une telle mesure. Mathilde Panot porte haut le combat lors d’un mémorable discours à l’Assemblée nationale le 24 janvier. Finalement, le 4 mars, après une ultime secousse de la fachosphère médiatique, ils ne sont qu’une poignée à s’opposer à ce que le droit à disposer de son corps soit garanti au plus haut niveau législatif. La victoire est totale.

Fin de vie : Emmanuel Macron promet un projet, 25 ans après la proposition de Mélenchon

Le 10 mars 2024, Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur d’une « aide à mourir » dans un entretien croisé à La Croix et Libération. « Avec ce texte, on regarde la mort en face », a déclaré le chef de l’État. Là aussi, une nouvelle victoire idéologique pour l’organisation insoumise. En 1999, Jean-Luc Mélenchon avait proposé une loi au Sénat« relative au droit de mourir dans la dignité ». « Pouvoir décider de sa fin de vie c’est commencer à entrer dans une Humanité radicale. Ne plus avoir peur de la mort c’est commencer à être radicalement et intimement libre. » déclarait-il le 24 mars 2012. Plus de vingt ans plus tard, la proposition a fait son chemin et a germé.

Des propositions plébiscitées

La France insoumise a donc réussi à imposer ces propositions dans le débat public puis à construire un bloc majoritaire autour d’elles. Ce n’est pas une nouveauté. Déjà en 2022, lorsque les mesures phares du programme porté par Jean-Luc Mélenchon étaient testées sur un échantillon représentatif de la population, elles étaient très largement plébiscitées. Pour la classe médiatico-politique, ces victoires idéologiques ne passent pas. L’avancée de la pensée insoumise dans la population inquiète et provoque une réaction médiatique en riposte pour déformer, caricaturer et tenter de défaire ces victoires.

D’où l’importance de créer, développer et soutenir les médias indépendants. Petit à petit, avec peu d’argent mais un haut sens du devoir, ils remplacent les médias bollorisés comme vecteurs d’information des citoyennes et des citoyens. Chaque fois que la seconde peau du système capitaliste s’effiloche, la victoire approche.

Par Ulysse


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