Portrait – Jocelyn Dessigny, ce député RN champion du sexisme

samedi 10 février 2024.
 

« Nous, nous partons du principe qu’une mère au foyer, elle est mieux à la maison à s’occuper des enfants ». La déclaration a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle est signée Jocelyn Dessigny lors du débat à l’Assemblée nationale sur le conditionnement du versement du RSA. Jocelyn Dessigny, député du Rassemblement national (RN) de l’Aisne a le sexisme chevillé au corps, battant, intervention après intervention, tous les records en la matière.

Le 8 juin 2023, ce fasciste de la première heure avait insulté de « poissonnière », la présidente du groupe parlementaire insoumise, Mathilde Panot. Une déclaration ignoble qui marque un énième révélateur de la nature du RN, pire ennemi du droit des femmes. Ce même sexisme s’est par ailleurs de nouveau illustré lors des débats de mercredi 24 janvier 2024, le parti d’extrême droite qualifiant l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution comme « inapproprié et inutile ».

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron s’engageait « à tout faire pour qu’il n’y ait plus aucune raison de voter pour l’extrême droite ». Résultat : en 7 ans, le RN a progressé sous sa complicité directe. Le chef de l’État a repris son lexique, ses codes, ses propositions. Macron a fait voter la loi Immigration et parle de « réarmement démographique ». Alternative de rupture et autodéfense sont plus que jamais nécessaire pour que l’extrême droite soit stoppée net et rentre à la niche

Le RN a aujourd’hui 88 députés, il est temps de les démasquer. Dix-septième épisode de notre série sur les 88 députés du RN. Portrait de Jocelyn Dessigny.

Jocelyn Dessigny, un frontiste précoce Jocelyn Dessigny est membre du Rassemblement National depuis 2001. Conseiller municipal de Villers-Cotterêts depuis 2014, réélu en 2020, il devient premier adjoint au maire de Villers-Cotterêts en 2020. Il est élu député dans la 5ᵉ circonscription de l’Aisne lors des élections législatives de 2022. À la suite de cette élection, il démissionne de sa fonction de premier adjoint au maire de Villers-Cotterêts en raison de l’incompatibilité de cette fonction avec son mandat parlementaire, mais reste conseiller municipal. À l’Assemblée nationale, il est membre de la commission des Finances.

Militant frontiste depuis l’adolescence, il raconte avoir commencé à coller des autocollants pour le FNJ lorsqu’il était collégien, avant de prendre sa carte en 2001, à 20 ans (L’union).

Un spécialiste des interruptions de parole Une étude de Mediapart sur les prises de parole du RN montre que le parti s’appuie sur un petit groupe d’orateurs et oratrices qui interviennent régulièrement, dont Marine Le Pen, Jean-Philippe Tanguy et Laurent Jacobelli.

A contrario, de nombreux députés RN ne parlent quasiment jamais. Ils sont 35, soit 40 % des membres du groupe d’extrême droite, à avoir pris la parole moins de 30 fois en un an. Loin de l’image que le RN cherche à diffuser, de nombreuses invectives émaillent les séances. L’article relève que « Le RN dispose même d’un spécialiste en la matière : Jocelyn Dessigny. Le député de l’Aisne cumule pas moins de 1507 interruptions d’autres élus en un an de mandat, dont une grande partie d’invectives des orateurs d’autres bords politiques ».

Un sexiste parmi les sexistes ? Le 7 juin 2023, Jocelyn Dessigny invective Mathilde Panot, présidente du groupe LFI : « Arrête de parler, poissonnière ! ». La députée exige alors une sanction exemplaire de la part de l’Assemblée, appelant à ce que le bureau de l’institution « puisse se saisir » de l’affaire et dénonçant une injure « sexiste » et « inacceptable dans notre Assemblée ».

Après la demande de sanction de Mathilde Panot, le député RN de l’Aisne s’exprime à nouveau : « si j’ai pu vexer Mme Panot, je m’excuse, mes mots ont dépassé ma pensée ». Une sanction financière est infligée à l’élu d’extrême droite : selon le règlement de l’institution, il s’agit d’un « rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal », entraînant une « privation, pendant un mois, du quart de l’indemnité parlementaire allouée au député ».

La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale a réagi à la sanction, expliquant que « C’est bien » mais que « c’est le minimum, c’est la jurisprudence ». Mathilde Panot ajoute : « Si vous laissez passer à l’Assemblée nationale des injures sexistes et pleines de mépris de classe, ça veut dire que dans toute la société, vous laissez faire ».

Car le sexisme est bien ancré à l’Assemblée Nationale, comme le dénonçait en février 2023 la députée La France insoumise Ersilia Soudais : « Quand on est une femme, il faut toujours en faire dix fois plus, pour dix fois moins de reconnaissance. Ce modèle de société patriarcal ne me convient pas ! ».

« Qu’elle se dépêche ! » l’avait invectivée Jocelyn Dessigny durant le débat sur les retraites, à l’unisson d’autres élus de droite « Arrête de lire ta fiche ! » (Sylvain Maillard, Renaissance) ; « Doucement, on respire » (Aurélien Pradié, LR) ; ou encore « Elle lit très vite, quand même ! » (Fabien Di Filippo, LR). Tous subtils et respectueux du travail d’autrui surtout si c’est une femme !

Un député parle en moyenne 40 % plus qu’une députée (en 2022), et interrompt en moyenne deux fois plus qu’une députée. Comme l’écrit l’historienne britannique Mary Beard, « du moment que vous vous aventurez dans le domaine traditionnel des mâles, peu importe le point de vue que vous exprimez en tant que femme, l’injure viendra de toute façon ».

Les femmes à la maison plutôt qu’à l’Assemblée Nationale Le 25 septembre 2023, lors des échanges sur le projet de loi pour le plein-emploi présenté par l’exécutif, Jocelyn Dessigny, responsable du texte pour le RN, s’oppose à la conditionnalité du versement du RSA à 15 heures d’activité.

En aucun cas pour assurer un revenu aux plus démunis, mais pour mieux controler les corps des femmes, et faire en sorte que les mères restent au foyer : « Vous, vous partez du principe qu’il faut inscrire tout le monde au fichier Pôle emploi, et que tout le monde est employable et qu’il faut absolument mettre tout le monde au travail. Nous, nous partons du principe qu’une mère au foyer, elle est peut-être mieux à la maison à s’occuper des enfants » (…) « Si elle le souhaite, si elle le souhaite… Il vaut mieux qu’elle reste à la maison à s’occuper des enfants, plutôt que de l’envoyer dans un dispositif où elle va devoir réaliser 15 heures d’activité ».

Pour aller plus loin : Scandale : le député RN qui avait insulté Mathilde Panot récidive avec d’autres propos sexistes

Jocelyn Dessigny répond aux critiques qu’il met en avant « la liberté de choix de la femme ». « Je suis choqué moi par vos idées liberticides selon lesquelles les femmes n’auraient pas le droit de rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants et devraient les confier à d’autres ! ». Et les pères ? Voilà une vision bien rétrograde de la famille et des rôles.

Concernant le RSA, le député dévoile déjà sa pensée en juillet 2022, qualifiant de « ressource » les allocataires, lors des discussions sur la proposition de loi visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires. « Les ressources qui existent, qui sont au RSA, ne sont pas disponibles tout de suite pour travailler », dit-il. « Comment peut-on parler de manière aussi déshumanisante ? », avait alors réagi Antoine Léaument (LFI).

Surtout, soulignons que le RN n’a pas de ligne claire sur le sujet du RSA : « Il n’y a pas de philosophie générale. On raisonne de manière pragmatique sur des valeurs de justice et de bon sens », nous rassure Jocelyn Dessigny. Les hommes au travail, les femmes à la maison, c’est le bon sens du RN.

Par Sandrine Cheikh


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