Médias : information ou influence ?

dimanche 3 décembre 2023.
 

Quelques lignes aujourd’hui pour déconstruire un mythe particulièrement tenace, qui se résume en une phrase que j’ai entendue prononcée hier dans le métro par un autre passager en pleine conversation avec la personne qui l’accompagnait : « Si tous les médias disent la même chose sur un sujet, c’est parce que la majorité des gens pense la même chose ».

Cette phrase laisse penser que les médias seraient une sorte de miroir de notre société, sa photographie à un instant T. Pour faire simple, on comprend qu’il suffirait d’ouvrir la presse ou d’allumer la télé et la radio pour faire brièvement le tour de l’opinion des Français. Et si par hasard tous les articles que vous lisez sur un sujet racontent la même chose, alors vous savez ce que les Français en pensent. Disons-le tout de suite : c’est complètement faux.

Les médias ne reflètent pas ce que les Français pensent

Non, les médias ne sont pas le miroir de notre société. Peut-être devraient-ils l’être, on peut le penser. C’est après tout l’idée que l’on se fait du journalisme, et ce que le pluralisme et le droit à l’information laissent entendre. Mais il faut déconstruire cette fable et ce mythe de médias au service de l’intérêt général et de la conscience collective.

Rappelons qu’en 2005, la grande majorité des médias de ce pays avait fait campagne en faveur d’un vote “OUI”, pour une Constitution européenne et que les opposants au projet avaient bien du mal à faire entendre leurs voix dans l’agitation médiatique. Jusqu’aux derniers jours de la campagne, du Figaro à Libération, il suffisait de lire la presse pour avaler une sorte de consensus sur le choix à faire concernant l’avenir de l’Europe. Le bal des chroniqueurs, des éditorialistes et autres « experts » en tout genre était incessant pour expliquer pourquoi la seule position raisonnable ne pouvait être que le « oui ». Et pourtant, c’est bien le « Non » qui l’avait emporté. En 2005, déjà, le miroir était fêlé.

Souvenons-nous également de l’affaire Fillon en 2017 : lynché dans les médias, attaqué de toutes parts pendant des semaines, personne ne trouvant de terme assez dur pour le qualifier, l’ancien premier ministre et candidat des Républicains avait tout de même récolté plus de 20% des voix au premier tour de l’élection présidentielle. Comprenez que je ne défends pas nécessairement l’homme ici, et que je ne l’accable pas plus d’ailleurs. Je ne fais que souligner la différence entre le traitement médiatique uniquement à charge qui lui avait été réservé, et son score particulièrement élevé malgré tout. En 2017, cette fois, le miroir, était brisé.

Enfin, je ne peux que rappeler ici la violence régulièrement utilisée contre les Insoumis par les procureurs médiatiques qui affirment sans cesse leur vérité. Combien d’articles annonçant la fin de la France insoumise entre 2017 et 2022 ? Combien de titres avec « naufrage », « fracture » et autres qualificatifs accablants utilisés par les Nostradamus de l’extrême ? On connaît le résultat : depuis bien longtemps, notre famille politique n’avait jamais atteint un score si haut au premier tour de l’élection présidentielle. Cette fois, en 2022, le miroir a explosé et il n’en reste rien.

Les médias sont un outil d’influence

Il faut dire les choses comme elles sont : en vérité, les médias sont, la plupart du temps, un moyen de pression constant sur notre société. Ils sont un outil d’influence sur les citoyennes et les citoyens, habilement utilisé pour construire un récit, inventer des peurs, exacerber des tensions, lyncher publiquement ou tout à l’inverse construire une personnalité de toutes pièces, matraquer des idées encore et encore et placer la ligne entre le bien et le mal, entre l’abject et l’acceptable.

Bien sûr, je ne parle pas ici de l’intégralité des médias, comme je ne cible pas le travail de tous les journalistes. Il existe encore, et c’est heureux, des médias de qualité et fiables, dont le travail est considérable et salutaire. Je parle notamment ici du Monde diplomatique, d’ailleurs bien représenté ce soir dans l’émission [L’émission populaire, ndlr].

Mais il n’en reste pas moins qu’en France, 9 milliardaires possèdent la plupart des grands médias de ce pays. De TF1 chez Bouygues à Canal+ chez Bolloré, de BFM chez Drahi au Figaro chez les Dassault, la plupart des sources utilisées par les Français pour s’informer appartiennent en fait à des grands groupes et aux milliardaires qui les possèdent. On sait d’ailleurs que la plupart d’entre eux ne s’enrichissent pas grâce aux médias. C’est même l’inverse : ils perdent de l’argent chaque année en investissant dedans. Comment expliquer alors leur volonté farouche d’en être propriétaires, si ce n’est de vouloir utiliser leur pouvoir d’influence pour façonner la société comme ils l’entendent, pour imposer le récit qui sert leurs intérêts et empêcher les autres idées et courants de pensée de trouver l’écho qu’ils devraient trouver ?

Non, ce n’est définitivement pas un miroir, mais une matraque incessante qui voudrait vous dire quoi penser, quoi regarder, quoi écouter, quoi consommer et quoi voter à force de rabâchage incessant. De contre-pouvoir face aux puissants, les médias sont devenus avec le temps, par leur privatisation et par leur marchandisation surtout, le premier outil de ces derniers pour imposer leur vision du monde au reste de la société.

Le lynchage ne vaut pas vérité

Ne soyons donc pas dupes. Les attaques nombreuses et collectives de la part des médias ne valent pas vérité, et leurs critiques incessantes ne traduisent pas ce que les Français peuvent bien penser de ceux qui sont visés. Il faut au fond n’y voir qu’une chose : ceux qui possèdent les médias, qui dictent la ligne et qui imposent leurs sujets ont décidé d’attaquer, tous ensemble… et c’est ainsi que la meute est lâchée.

Je dis donc aux camarades insoumis parfois meurtris de lire les horreurs qu’on trouve à notre sujet, à ceux qui s’inquiètent de l’effet d’un tel acharnement ou à ceux qui voudraient céder à la panique qu’il faut avant tout garder les pieds sur terre.

Ces attaques ne traduisent pas l’opinion générale des citoyens à notre sujet. Elles ne témoignent aucunement d’une quelconque faiblesse de notre camp, pas plus que d’un consensus général contre nous. Elles ne font qu’annoncer les angles choisis par ceux qui veulent nous affaiblir, précisément parce que nous remettons en cause leurs intérêts qu’ils défendent bec et ongles. Et bien sûr, pendant ce temps-là, ils favorisent l’extrême droite, l’autre face du système des puissants, qui ne les menacent en rien et ne s’en prendra jamais à l’injustice qu’ils ont installé partout dans le pays.

Ils ont leurs outils ? Nous avons les nôtres

Mais surtout souvenons-nous : nous sommes des millions dans le pays, et leurs vieilles combines s’épuisent. La confiance des Français dans les médias ne cesse d’ailleurs de s’effondrer : un récent sondage Kantar conclut que plus de la moitié des Français ne fait plus confiance aux médias pour traiter des grands sujets d’actualité. De plus, l’incessant travail des Insoumis paye : chaque semaine, des millions de personnes voient nos messages et nos arguments passer sur les réseaux sociaux. L’Institut La Boétie forme des militants politiques partout dans le pays et nos groupes d’action occupent le terrain partout. Ils ont leurs outils ? Nous avons les nôtres !

Alors gardons la tête haute, continuons à argumenter et à défendre notre vision du monde. Nous voulons et nous allons tourner la page du capitalisme, de ses malheurs et de sa terrible violence. Qu’attendre d’autre de la part des puissants que leur haine et leurs attaques incessantes ? Rien. La lutte continue.

Par Bastien Parisot


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