En Allemagne, l’inquiétante percée de l’extrême droite lors de deux élections régionales

vendredi 20 octobre 2023.
 

Allemagne. Ce 8 octobre 2023, les électeurs de Bavière et de Hesse (deux des seize Länder allemands, équivalent d’États fédérés) étaient appelés aux urnes pour élire leurs parlements locaux. Dans les deux cas, les scrutins se sont soldés par le maintien au pouvoir des libéraux conservateurs proches d’Angela Merkel (la CSU en Bavière ; la CDU en Hesse), et par une importante défaite pour la coalition du chancelier social-démocrate Olaf Scholz.

Cette coalition a échoué. La leçon est claire : les libéraux ne sont pas un « rempart » mais une rampe de lancement de l’extrême droite. Le résultat est là : ce scrutin a confirmé la poussée de l’Alternative pour l’Allemagne (AdD), principal parti d’extrême droite allemand, qui s’est imposé en seulement dix ans comme un acteur central de l’échiquier politique outre-Rhin.

Les héritiers d’Adolf Hitler, le plus grand criminel de l’ère moderne, pullulent de nouveau dans le pays berceau du nazisme. En parallèle, en Europe, les gouvernements réactionnaires s’installent sur fond de jonction entre la droite et l’extrême droite. En France, la même dynamique est à l’œuvre. La bourgeoisie a choisi son camp, plutôt Hitler que le Front populaire, plutôt Le Pen que Mélenchon. Ces derniers mois l’ont confirmé par les déclarations de responsables politiques incluant le RN dans « l’arc républicain ».

En France, la différence de taille avec la situation allemande reste que les fascistes ont un obstacle de taille sur leur chemin : la puissance de l’Union populaire et des insoumis portés par le score de 22% de Jean-Luc Mélenchon aux dernières élections. Notre article.

Allemagne – En Hesse et en Bavière, nouvelle percée de l’extrême droite Née en 2013, l’AfD vient de fêter ses dix ans. Au fil de ces dix années et en même temps qu’il s’est radicalisé dans la xénophobie, le parti a rapidement réussi à étendre son socle électoral depuis l’est du pays, plus pauvre, vers l’ouest et le sud, plus prospères.

C’est ce dont témoignent les résultats des deux élections régionales ayant eu lieu ce dimanche 8 octobre. En Bavière d’abord, l’un des Länder les plus riches du pays, l’AfD se hisse à la troisième place du scrutin avec un score de 14,7%, soit une hausse de 4,4 points par rapports aux élections de 2018. En Hesse, qui abrite Francfort – la capitale financière d’Allemagne – le parti d’extrême droite se place même en deuxième position avec un score de 18,4%, une hausse de 5,3 points par rapport à 2018.

La co-leader de l’AfD, Alice Weidel, n’a pas manqué de souligner ce nouveau témoignage de l’implantation nationale du parti : « L’AfD n’est plus un phénomène de l’Est du pays, elle est devenue un parti majeur dans toute l’Allemagne. Nous sommes donc arrivés. ».

L’AfD, parti xénophobe aux relents nazis, ultra-libéral, climato-sceptique, est alliée du RN au Parlement européen

Depuis sa naissance en 2013, l’AfD n’a cessé de se radicaliser. Dans ce parti opposé au mariage pour tous et à l’avortement, pour lequel le CO2 n’est pas un produit polluant et dont la co-leader se dit admirative de Margaret Thatcher, les marques d’ambiguïtés sinon d’affinités avec le nazisme sont édifiantes.

Ainsi Björn Höcke, cadre de l’AfD, considère comme un « grand problème » le fait qu’Adolf Hitler soit vu comme « l’incarnation du mal absolu », utilise les slogans de milices hitlériennes, et qualifie le mémorial de l’Holocauste à Berlin de « Monument de la honte », ce même mémorial devant lequel un autre élu du parti posait souriant, les bras ouverts, il y a tout juste un an. Le président d’honneur du parti ne considère pour sa part le Troisième Reich que comme une « fiente d’oiseau » dans l’histoire de l’Allemagne.

Mais plus récemment encore, à l’été 2023, l’AfD s’est distinguée par le biais d’un militant néo-nazi distribuant des ballons aux couleurs du parti à des enfants, et pour avoir mené une campagne contre l’écriture inclusive en utilisant un triangle arc-en-ciel, en référence claire aux triangles roses marquant les homosexuels dans les camps nazis.

Alors que la liste des déclarations révisionnistes, xénophobes et homophobes des membres de l’AfD est encore longue, le RN ne voit aucun problème à siéger avec elle au Parlement européen.

Et en Europe justement, la dynamique de l’extrême droite est profondément inquiétante.

En Europe, le spectre bien réel de l’extrême droite

En Italie (Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia), en Hongrie (Viktor Orban, Fidesz) et en Pologne (Mateusz Morawiecki, PiS) l’extrême droite dirige le gouvernement. Elle y participe par ailleurs en Finlande et en Lettonie, et a permis l’élection du gouvernement suédois. Ailleurs en Europe, elle brise les plafonds de verre les uns après les autres, elle gagne des parlementaires et impose ses thèmes.

En Grèce, trois partis nationalistes, à droite de la formation conservatrice du premier ministre Mitsotakis, siégeront au Parlement, pour la première fois depuis le retour de la démocratie en Grèce il y a près de 50 ans. À eux trois, ils ont recueilli 12,77 % des suffrages lors des élections législatives dimanche.

En Hongrie, comme en Italie, l’extrême droite est déjà au pouvoir. Le parti d’extrême droite « Fidesz-Union civique hongroise » de Viktor Orbán est à la tête du pays depuis 2010. En avril 2022, Viktor Orbán a été reconduit pour un quatrième mandat consécutif.

En France comme en Allemagne où l’ancien porte-parole de l’AfD a déclaré que son parti devait être « un parti bourgeois avec une raison bourgeoise », l’extrême droite trouve dans la bourgeoisie capitaliste son meilleur allié. Un allié qui comme toujours dans son histoire, quand il se sent menacé par la force de la volonté populaire pour la justice et le progrès social, ne recule devant aucune compromission.

Songez par exemple à la lune miel permanente entre Emmanuel Macron (pour lequel le vote est le plus bourgeois de l’histoire) et Marine Le Pen. Songez aussi aux parlementaires de la minorité présidentielle applaudissant le discours du RN qui instrumentalise les morts du Proche-Orient dans le seul but d’insulter La France insoumise.

Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont les deux faces d’une même pièce : celle de la peur d’une révolution citoyenne qui ferait voler en éclats leurs privilèges. Alors, ils allient toutes leurs forces et s’engouffrent dans toutes les brèches pour tenter d’anéantir la colonne vertébrale de l’une des dernières grande gauche d’Europe. Ils rêvent d’un « scénario à l’italienne » où l’étiolement de la gauche de rupture a pavé la voie à une extrême droite placée du côté des puissants.

Le danger est trop grand pour les divisions et les petites ambitions personnelles En Allemagne, en Europe comme en France, la montée électorale de l’extrême droite est on ne peut plus inquiétante. Elle n’est pourtant que le bras politique d’une peste brune qui partout se répand. Entre coups d’État déjoués, projets d’assassinat, passages à tabac et intimidations, le danger est déjà là.

Aussi, les tentatives de divisions, les petites ambitions personnelles et les instrumentalisations politiques pourront bien se révéler avoir pesé lourd dans un drame que nous nous devons d’éviter : l’extrême droite à l’Élysée en 2027.

Par Eliot


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