Marine Le Pen ne veut pas défendre "les petits"

vendredi 8 avril 2022.
 

Le projet de Marine Le Pen n’a rien, comme l’a précisément démontré Romaric Godin, d’un programme « de gauche ».

Par rapport à son programme de 2017, construit autour de la sortie de l’euro, la candidate d’extrême droite a même rétropédalé sur la retraite à 60 ans, elle ne remet plus en cause la loi Travail et ne compte pas non plus revenir aux 35 heures…

Difficile aussi d’y voir un programme de défense des « petits », quand elle propose d’exonérer d’impôt sur le revenu les moins de 30 ans – quel que soit leur revenu, du trader au smicard – ou lorsqu’elle dit vouloir exonérer 100 000 euros supplémentaires sur les donations et exclure « de l’assiette de calcul les biens immobiliers à hauteur de 300 000 euros ».

Si elle a fait mine de s’offusquer des expressions méprisantes d’Éric Zemmour la décrivant enfermée dans son « ghetto de chômeurs et d’ouvriers », Marine Le Pen a effectivement décidé, à l’été 2021, d’axer tout son programme sur la conquête des classes moyennes. Comme le confie son entourage, l’ensemble des mesures a été revu à cette aune. C’est ainsi qu’il faut comprendre sa proposition d’exonérer de charge les entreprises réalisant des hausses de 10 % des salaires « jusqu’à trois Smic ».

Percer le plafond de verre qui, jusque-là, a entravé son accession au pouvoir passe obligatoirement, s’est convaincue la candidate RN, par l’élargissement de son socle électoral aux classes moyennes et supérieures. Après la claque reçue aux élections régionales, en grande partie due à la démobilisation de son électorat populaire, Marine Le Pen semble vouloir ne plus tout miser non plus sur des électeurs et des électrices de plus en plus abstentionnistes.

Malgré ces réajustements – qui sont loin de faire d’elle la « candidate du peuple », Marine Le Pen peut tranquillement avancer sur le « boulevard social » que lui a offert Emmanuel Macron, en présentant son propre projet.

L’annonce, par le président sortant, de l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, malgré la très forte mobilisation sociale d’avant la pandémie, mais aussi ses propositions sur l’obligation d’activité « de 15 à 20 heures » pour les bénéficiaires du RSA ont ouvert à Marine Le Pen un espace politique inédit. « Emmanuel Macron veut créer un mi-temps à 6 euros l’heure », a pu tancer la candidate en fustigeant la logique « néolibérale » du candidat.

Emmanuel Macron veut également poursuivre la réforme de l’assurance-chômage, dans laquelle il a taillé en repoussant l’accès à l’indemnisation à six mois d’activité, en transformant Pôle emploi en France travail ? Marine Le Pen se gausse et dénonce une brillante idée sans doute soufflée « par McKinsey » – du nom du cabinet de conseil au cœur de l’affaire qui met aujourd’hui le président-candidat en grande difficulté.

« Dans ce projet, tout ce qui est un recul social est très précis », a-t-elle attaqué sur France Inter, au lendemain de la conférence de presse d’Emmanuel Macron, critiquant sur le fond un projet « appuyé sur l’idée que les chômeurs sont volontaires ». « C’est une philosophie qui est partagée avec la droite, avec LR [Les Républicains – ndlr], qui consiste à dire que si vous êtes au chômage, en fait, c’est de votre faute », a-t-elle détaillé, elle qui ne propose tout de même nulle part de revenir sur la réforme de l’assurance-chômage.

Marine Le Pen – dont le projet ne contient aucune ambition de transformation sociale - sait qu’elle peut tranquillement rouler sur la voie du mépris de classe ouverte par Emmanuel Macron. Après un quinquennat de brutalisation du corps social et des saillies condescendantes sur « ceux qui ne sont rien », ceux qui peuvent « traverser la rue » ou « Jojo avec un gilet jaune » qui voudrait avoir « le même statut qu’un ministre ou un député »…, la route est pavée.

La grande violence sociale de sa « priorité nationale », qui priverait du jour au lendemain des familles immigrées d’aides sociales de base, n’intéresse visiblement pas les soutiens du président sortant, qui ne l’attaquent jamais là-dessus. Une fois de plus, le terrain est dégagé. « C’est sûr qu’il nous aide bien ! », s’amusait récemment un de ses proches conseillers.

Dans la dernière ligne droite, Marine Le Pen, comme elle le fera encore vendredi en Moselle, va pouvoir continuer à taper sur le « carnage social » d’un Emmanuel Macron qui oblige les Françaises et les Français à « choisir entre manger et se chauffer ». Alors qu’elle se prépare déjà à le retrouver en face à face au second tour de la présidentielle, elle est persuadée que son adversaire est désormais aussi son meilleur atout pour continuer à se tailler l’image factice de la « candidate du peuple ».

Lucie Delaporte


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