L’apartheid social mondial 1 Les promesses non tenues de la croissance

mercredi 24 mai 2006.
 

Le capitalisme de notre époque fonctionne selon un paradoxe économique particulièrement violent. La richesse produite au niveau mondial ne cesse de croître et pourtant le nombre d’êtres humains pauvres progresse lui aussi, y compris dans les pays développés. Jusque là considérée comme une difficulté à la marge du capitalisme, une sorte de dégât collatéral du développement, la pauvreté se massifie à mesure que la captation de la richesse mondiale par un petit nombre s’accélère. D’un problème humanitaire, dans lequel les libéraux aimeraient bien la cantonner, la pauvreté devient ainsi un problème politique à part entière. Dans un grand nombre de pays, l’état de survie dans lequel est plongée une part de plus en plus significative de la population l’écarte de fait de l’exercice de la citoyenneté et transforme progressivement les démocraties en régimes censitaires.

Le discours libéral prétend que la croissance et le développement des échanges doivent mécaniquement réduire la pauvreté à l’échelle mondiale. Ce mythe très tenace est pourtant invalidé aussi bien à long terme qu’à moyen terme. Depuis l’avènement réel du capitalisme à partir des années 1820, les inégalités mondiales n’ont cessé de se creuser. Les économistes estiment que les 10% les plus riches de la planète concentraient 42% des revenus mondiaux dans les années 1820 contre 55% de ces mêmes revenus aujourd’hui. A l’inverse, les 20% les plus pauvres percevaient en moyenne 5% des revenus mondiaux dans les années 1820 cantre environ 2% des revenus aujourd’hui.

A moyen terme, les résultats ne sont pas plus glorieux : en dépit de toutes les promesses de la libéralisation accrue du commerce depuis les années 1980, la pauvreté a progressé dans 54 pays au cours des années 1990, obligeant même l’ONU à se doter en 2000 d’ambitieux objectifs de "développement du millénaire". Le principal d’entre eux, qui est de réduire de moitié la pauvreté mondiale d’ici 2015 est particulièrement mal engagé.

Si la grande pauvreté mondiale ( 1 milliard de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour, en gros 1 euro) semble s’être relativement tssée depuis 2000, on le doit uniquement au décollage de la Chine et de l’Inde. Dans de nombreux autres pays, la dynamique de la pauvreté est toujours à l’oeuvre. C’est le cas en Afrique sub-saharienne où le taux de grande pauvreté atteint le record de 44% de la population avec des pics effroyables à plus de 90% dans des pays aussi peuplés que le Nigéria (126 millions d’habitants, l’Ethiopie ou le Mali. Certains pays africains deviennent ainsi de véritables nations-ghettos pour pauvres.

Si l’on s’en tient au taux de pauvreté classique, qui concerne les personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour, eclui-ci concerne plus de 50% de la population mondiale, soit 3 milliards d’individus. Cette pauvreté atteint des pics à plus de 75% dans des pays soi-disant exemplaires comme l’Inde.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’en totalisant les populations vivant en dessous ou juste au niveau du seuil de pauvreté, on arrive à 75% de la population mondiale. Or, l’agriculture d’autosuffisance concerne de moins en moins de familles.

Drôle de réussite pour un modèle de développement censé réduire les inégalités et sur lequel repose toutes les politiques du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC...

Laurent Maffeis (article de A Gauche)


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