Je récuse le choix de Jean-Jacques Bourdin pour la guerre avec la Chine

jeudi 28 octobre 2021.
 

De façon littéralement imprévue, Jean Jacques Bourdin a introduit une question sur la situation à Taïwan lors de l’entretien que j’ai accepté avec lui après trois ans d’absence dans la matinale de BFM. 

Tout soudain il se mit à décrire la Chine comme prête à intervenir militairement pour « envahir » Taïwan. On se demande pourquoi ! Comme si son intention était de participer au chœur de la propagande américaine qui est en campagne actuellement contre la Chine. Il est vrai qu’elle mobilise tous ses réseaux d’influence. Mais l’idée semble avoir été de me mettre dans l’embarras en m’obligeant à participer au chœur des bellicistes anti-chinois. C’est évident. Elle est récurrente chez les amis français des faucons américains.

Déjà « l’Obs » pensait m’embarrasser avec une question sur la manifestations en faveur des ouïghours où il déplorait mon absence. Ben voyons ! Pourquoi n’y étais-je pas « comme Gluksman et Jadot » demande l’hebdo qui tient les comptes de toutes les manifs comme on le sait, quoiqu’il ne se risque pas à noter l’absence des deux mêmes grands leaders de toutes les manifestations salariales. Il se trouva déjà bien désarmé par ma réponse. Je la rappelle puisque je suis sur ce sujet : « Clémentine Autain nous y représentait. Les droits des Ouïghours doivent être respectés et aussi ceux des Rohingyas (en Birmanie). J’ai toujours défendu la liberté et la dignité humaine. Ce qui ne veut pas dire que je m’alignerai sur ceux qui parlent de génocide, ce que ne fait aucune grande ONG. Et cela ne fera pas de moi un partisan de la guerre froide avec la Chine, j’y suis absolument opposé ! ».

Dans le cas de Jean-Jacques Bourdin le comique de situation vint de ce qu’il ne s’attendait pas à ma réponse. Si bien qu’il tomba dans son propre panneau du fait de sa méconnaissance du sujet. Voici donc d’abord mes réponses en premier lieu à propos des « menaces de Pékin sur Taïwan » : « Les Chinois n’ont pas l’intention d’envahir Taïwan, mais si Taïwan se déclare indépendant, alors il est possible que la Chine, à juste titre, trouve qu’une ligne rouge a été franchie. Donc il faut trouver le moyen de faire en sorte qu’il ne se passe rien ». Je pense que la dernière phrase est bien claire. “Trouver le moyen qu’il ne se passe rien.” Quelle horreur ! C’est pourtant ce que disait il y a peu le journal “le Monde”, une vigie pourtant très active de la pensée atlantistes. Le 18 octobre 2021 l’ex-journalissime sous le titre « Entre la Chine et Taïwan, un statut quo de plus en plus précaire » se concluait ainsi : « Pour éviter une escalade militaire aux conséquences imprévisibles, une réaffirmation du statu quo semble la meilleure des solutions ». C’est à dire : très exactement la même chose que ce que j’en dis.

La dépêche AFP (qui n’a retenu que ce moment de toute l’interview) est plus précise. Elle rapporte mon propos plus en détail, langage parlé inclu : « je ne veux pas mettre le doigt dans l’engrenage de la guerre froide avec la Chine. Moi président de la République, je discute parce que nous n’avons pas les moyens de faire autrement et qu’il n’y a pas interêt à faire autrement.. » Estomaqué par le caractère direct de la réponse, Bourdin très inhabituellement se mit à bafouiller « mais Taiwan est une nation ». « Non » lui répondis-je tout aussi franchement. « Comment, non !!!! » s’est étouffé l’interrogateur. « Non !, ai je repris, Taïwan n’est pas un État reconnu par l’ONU ». Pan sur le bec. Bourdin ne le savait pas. Et du coup j’en ai conclu qu’il ne savait rien du reste non plus. Comme mon intention n’est jamais d’humilier mes interlocuteur j’en suis resté là. Il ne savait pas de quoi il parlait. En effet Taïwan n’est reconnu comme Etat par personne ou presque dans le monde. Seuls 16 États sur 195 le font : Belize, Guatemala, Haïti, Honduras, Kiribati, Îles Nauru, Nicaragua, Palau, Îles Marshall, Paraguay, Saint-Kitt-et-Nevis, Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Swaziland, Tuvalu et le Vatican….

Ce qui signifie que ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la France, ni aucun pays de l’Union Européenne ne reconnaît Taïwan comme État indépendant ! Sauf Jean Jacques Bourdin. Et bien-sûr, rappelons que la France reconnait la République Populaire de Chine comme seule Chine depuis 1964. Le Général De Gaulle fut en effet le premier chef d’Etat « de l’ouest » de l’époque à le faire. Là-dessus Bourdin poussa piteusement l’argument : « mais enfin le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, vous y tenez, non ? ». Mauvaise pioche encore. La population de Taïwan est une composante du peuple chinois depuis toujours. Au point que les autorités de fait de la période nationaliste de Taïwan prétendaient être elles-mêmes la représentation de toute la Chine.

Peut-être ne sait-il tout simplement rien de Taïwan. Il est vrai que ce n’est pas un sujet très connu chez nous. Rappelons alors que l’île fut le refuge des armées nationalistes de Tchang-Kaï-Tchek en débandade devant l’armée rouge de Mao après avoir déjà perdu la guerre contre les Japonais. Les troupes « nationalistes » et leurs collaborateurs et amis se replièrent sur Taïwan. Les communistes chinois eurent l’intelligence tactique de les laisser s’enfermer sur cette île là pour en être débarrassés sur le continent. Commença pour Taïwan une dictature « nationaliste » pure et dure pluri-décennale. Puis dans la période récente le régime a muté et s’est ouvert sur le pluri-partidarisme. Depuis lors la question de l’indépendance de l’île par rapport à la Chine continentale est un des sujets cyclique de l’actualité de cette région. Il fluctue selon l’état des relations entre chinois et américains. Il s’allume et s’éteint de façon immuable avec les mêmes étapes de provocations et de tensions avant dilution.

En ce moment il y a du neuf dans la mesure où les USA relancent des manœuvres militaires marines dans la région et viennent de construire une alliance régionale anti-chinoise. Il est peu probable que le niveau de compréhension des étatsuniens en général leur permettent de bien comprendre le genre d’inconvénients auxquels ils vont se heurter face à des Chinois. À noter : comment Macron a été ignominieusement exclus de cette alliance en dépit de la participation d’unités françaises à ces manœuvres. Tant mieux !

Taïwan a longtemps entretenu en France un réseau d’amitié dans le monde politique. Et cela de la droite à la « gauche » avec notamment au PS Dominique Strauss-Kahn et Jean Marie Le Guen. L’île a donc toujours eu des partisans très militants dans notre pays sans qu’on comprenne toujours pourquoi compte tenu de la très faible intensité des relations bilatérales observables. Mais c’est un fait qu’il se trouve des Français partisans inconditionnels de Taïwan, jusqu’à participer à l’ambiance de guerre sans s’interroger sur les conséquence pour notre pays de leurs options bellicistes désastreuses. C’est pourquoi si exotique que puisse paraitre le sujet, dans la mesure où il implique les deux premières puissances du monde actuel , il ne faut jamais laisser passer la propagande visant à banaliser l’idée d’un conflit avec la Chine. Surtout pour laisser ranger la France dans le camp le plus absurde qu’incarnent Taiwan et les USA.


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