La peur en France, économique, sociale, sanitaire, climatique...

dimanche 25 septembre 2022.
 

La dynamique socio-politique de la peur.

Une quarantaine d’années de politiques néolibérales conduites par des gouvernements de droite et du PS ont considérablement affaibli la France. Chômage chronique, précarité de l’emploi, dégradation du service public notamment dans la santé, quasi destruction de l’industrie, affaiblissement considérable de la recherche et de la Justice, etc.

Il en est résulté une crise de la représentation politique sans précédent montrant qu’un changement radical de politique économique est nécessaire.

Mais il existe malheureusement de grandes résistances au changement dont la peur est un élément essentiel.

Si Jean-Luc Mélenchon veut avoir des chances de gagner en 2022, il est nécessaire de faire l’analyse des peurs et de donner les moyens aux citoyens de les vaincre.

I–Les ressources de la peur en général.

1–La peur comme émotion individuelle ou collective.

Au niveau individuel, la peur est considérée comme une émotion au même titre que la colère, la joie, la tristesse etc. Au niveau collectif on utilise plutôt les mots panique ou affolement ou l’expression peur collective qui signifie peur partagée par un ou une société.

Petit lexique de la peur

Synonymes : anxiété, inquiétude, crainte, appréhension, angoisse, frayeur, épouvante, intimidation, saisissement, terreur, effroi. Synonymes de danger : menace, incertitude, aléa, détresse, risque, pression.

Pour plus de détails voir l’annexe : Peur dont Wikipédia est la vidéo anthropologie de la peur.

2–L’objet de la peur.

La peur a généralement un objet précis : on peut avoir peur d’une araignée, de prendre un ascenseur (phobies), d’un cambrioleur en action, de l’orage, de marcher au bord d’un ravin, etc.

Cet objet peut être une construction imaginaire : peur d’avoir une mauvaise note à un contrôle, peur d’une punition divine, peur d’un monstre agissant dans un film, etc.

Remarquons que la frontière entre objet réel et imaginaire n’est pas forcément évidente. Ainsi la peur de l’orage est liée à la possibilité imaginaire d’être frappé par la foudre, la peur de marcher au bord d’un ravin est liée à la crainte imaginaire de faire une chute dans ce ravin. Observons aussi que l’objet de la peur peut être de nature matérielle (peur d’être brûlé par les flammes d’un incendie) immatériel (peur d’une loi attentant à notre liberté ou à nos biens).

Mais il n’y a pas seulement « la peur de suspension » mais aussi « la peur pour… ».

Ainsi, par exemple, après une opération chirurgicale concernant un être cher, on peut être inquiet pour sa santé ou son rétablissement. On peut être aussi inquiet pour le devenir d’un collectif professionnel dans une entreprise ou pour le devenir d’un groupe artistique en raison de difficultés économiques.

3–L’anxiété et l’angoisse.

Contrairement à la peur ou l’inquiétude, l’anxiété et l’angoisse n’ont pas forcément un objet bien défini. L’anxiété peut naître d’une situation incertaine, dont on ne maîtrise pas les paramètres, dont l’évolution est difficilement prévisible.

4–La cause de la peur

La cause d’une peur se définit par l’association d’un objet de peur et de l’état émotionnel adaptatif auquel il est associé.

Ainsi certaines personnes n’ont aucunement peur des orages, de traverser une passerelle étroite au-dessus d’une rivière (sans que cela soit lié forcément à des problèmes de vertiges). Certains enfants ont peur de l’obscurité, d’autres non.

De la même manière, la peur de contracter une maladie transmissible est très variable d’un individu à l’autre.

Ainsi le même objet de peur n’a pas forcément les mêmes effets psychiques sur tous les individus.

La réactivité émotionnelle d’un sujet à un objet de peur dépend de l’éducation, de l’expérience de ce sujet. Un parachutiste professionnel n’éprouve aucune peur lorsqu’il saute, ce qui n’est généralement pas le cas pour une personne expérimentant son premier saut en parachute. Cette réactivité dépend aussi du milieu civilisationnel dans lequel vit l’individu.

Dans une société où règne la performance et la compétition, un salarié peut avoir peur de ne pas être à la hauteur pour être compétitif par rapport à des concurrents.

Dans une société où le paraître, l’esthétique corporelle a une importance, une femme peut avoir peur de ne pas être séduisante, ce qui fait les affaires des fabricants de maquillage, des instituts de beauté, des centres de remise en forme.

5–La peur de l’inconnu, de l’imprévu.

La peur de l’inconnu que celui-ci relève du domaine spatial ou temporel (l’imprévu, imprévisible) est un état psychologique relativement courant.

Cela est lié à l’état de connaissance d’un individu ou d’une société concernant un état de la nature de la société.

« … Les interactions avec le milieu obéissent à des schémas d’anticipation et d’action préétablis relevant d’une vision d’un monde de vie que certains qualifient de « virtuel ». Cette vision peut être simplement ramenée à l’ensemble de postulats et de représentations qui régissent l’expérience quotidienne sous des formes qui vont du niveau le plus concret au niveau le plus abstrait. Cet ensemble de représentations permet de prévoir l’action et sert de « bouchon symbolique » contre les menaces qui pèsent sur l’individu. Tout changement dans les situations que la personne a l’habitude d’affronter, toute difficulté qui s’oppose à la réalisation des buts qu’elle s’est fixés vont entraîner un état émotionnel signalant une rupture entre le système de représentations et l’état du monde. De sorte que la peur comme l’émotion révèlent un paradoxe entre les éléments de l’expérience présente et les présuppositions auxquelles on adhérait jusqu’alors. Elles résulteraient de l’état de doute et d’incertitude que suscitent la nouveauté, l’étrangeté de la situation ou son décalage par rapport aux attentes et plans d’action des sujets. L’émotion entraînerait alors une activité de « production en sens » visant à surmonter le doute et s’adapter à la nouvelle situation. Cette production de sens a été particulièrement étudiée dans le champ des organisations (Weick, 1992). Dans l’activité de production de sens, l’individu s’appuie sur ses connaissances et les ressources d’interprétation fournies aussi bien par la tradition, la culture, que par les normes et valeurs, les systèmes de croyances et idéologies partagées socialement. … »

(Source : la dynamique sociale et les formes de la peur. Voir annexe ) Cette peur de l’inconnu, de l’imprévu, constitue un frein puissant au changement d’une structure économique, sociale ou politique tant au niveau local que national. Cette résistance au changement peut s’appliquer aussi à une administration ou à une entreprise.

6–La peur de la mort.

6. 1 La mort comme représentation et échéance future inéluctable.

On peut lire parfois que la peur de la mort est anthropologique c’est-à-dire universellement partagée et on objecte que ceux qui n’en n’ont pas peur apparemment, utilisent une multitude de moyens pour la conjurer par des croyances diverses. En témoigne la diversité des religions.

La peur de vieillir est évidemment en bonne partie corrélée à la peur de la mort, mais intervient aussi la peur de perdre ses capacités physiques et mentales.

On peut ne pas être convaincu de cette affirmation même si elle s’applique, en effet, probablement à une proportion majoritaire de la population. Néanmoins, il existe des personnes qui n’ont aucunement peur de la mort et qui acceptent leur total anéantissement, c’est-à-dire leur finitude.

6.2– La mort comme événement accidentel.

Mais on peut objecter que la peur de la mort fait partie de l’instinct de survie de l’Homo sapiens et chacun craint toute atteinte à son intégrité physique et à ses capacités de survie.

Ainsi la peur des agressions physiques provenant d’autres humains, de microbes est fondamentale. De même la peur de mourir de faim, mourir de froid, de chaleur, est tout aussi fondamentale.

Ce qui semble plus universel, c’est la peur de la souffrance. Le bouddhisme a d’ailleurs très bien exploré cette voie.

7–Comprendre la peur pour la dissoudre selon l’approche du bouddhisme.

Document 1

« Lorsque nous nous attaquons à la peur avec une attitude vertueuse, nous pouvons utiliser le raisonnement et la logique pour la dépasser. Que ce soit en méditant, en parlant avec les personnes qui nous sont chères ou avec d’autres moyens, nous sommes capables de lever le voile de « l’inconnu » et de faire disparaître le pouvoir de la peur. Lorsque nous examinons la peur, nous découvrons une vérité simple et puissante : la peur n’est ni bonne ni mauvaise. La peur est neutre. Ce qui est positif ou négatif, c’est notre réponse et notre relation à la peur – la façon dont nous la comprenons, l’approchons, la canalisons, à l’image de n’importe quel autre outil que nous pouvons trouver dans la vie. Nous découvrons que la peur n’existe pas de façon inhérente – si c’était le cas, nous n’éprouverions ni paix ni compassion.

Lorsque nous comprenons que c’est nous qui avons le pouvoir, et non nos émotions, nous sommes alors capables de canaliser notre peur d’une manière positive. Comprendre la peur nous aide à devenir des personnes dignes, bienveillantes et attentionnées. Et une personne bienveillante, au bon cœur, est à même de gérer la peur plus facilement. […]

Le bouddhisme explique que les problèmes de notre société proviennent d’un manque de discernement, d’une peur de l’inconnu. Lorsque nous remettons cette ignorance en question par l’utilisation de la logique et du raisonnement, en exploitant nos ressources intérieures illimitées de sagesse et de compassion, nous incarnons l’espoir – pas seulement pour nous-mêmes, mais pour notre monde. Comprendre la peur implique de se comprendre soi-même. Si nous comprenons la peur, nous avons une meilleure compréhension de la compassion et de ce que signifie être humain.

Le plus grand bienfait résultant de la rencontre avec la peur et de son dépassement est que nous ne gaspillons pas de temps. En fait, nous utilisons notre peur pour nous concentrer davantage sur le présent si précieux. Nous savons tous que nous devons faire face à de sérieuses épreuves, en Inde et dans le monde entier. Ne gaspillons pas notre temps, car chaque moment est une opportunité. Appréhendons nos peurs avec courage, avec discernement et avec un amour bienveillant à l’égard de tous les êtres. »

Source : Comprendre la peur, est-ce un bien ? (25/03/2015) Centre d’études et de méditation bouddhiques Dhagpo Kagyu Ling (Situé en Dordogne, Dhagpo Kagyu ling est un des plus grands et plus importants centres bouddhistes de France et d’Europe.)  : https://www.dhagpo.org/fr/actualite...

Document 2 (conférence vidéo) Exposé de Thich Nhat Hanh : La peur originelle 31 mai 2020 La peur originelle : l’incertitude de survie au moment de la naissance. À cette peur originelle est associé un désir originel : la sécurité pour assurer sa survie. À l’origine de la peur de la mort.

https://www.youtube.com/watch?v=IlC...

8–La peur en philosophie.

8.1– La peur et la crainte selon Spinoza.

« Si Spinoza traite de la peur, ou plus exactement de la crainte, dans le cadre de la théorie des affects, on peut dire néanmoins que c’est un motif transversal qui traverse l’ensemble d’une entreprise qui se propose de nous conduire vers le salut, compris comme liberté. Dès le Traité théologico-politique, la question est posée comme celle du ressort affectif qui meut la multitude, engendrant la superstition, mais qui est aussi le ressort de l’autorité. S’il faut émanciper les hommes de la superstition et des peurs qui la rendent possible, il reste qu’un pouvoir doit dans une certaine mesure gérer la crainte et l’utiliser dans certains cas pour se faire respecter et être efficace. Dans l’Appendice de la première partie de l’Éthique, la question est abordée à partir du problème que pose la double illusion de finalité et de liberté. Toutefois, dans la quatrième partie, traitant de la vie affective et de la servitude qui en procède, Spinoza distingue entre la crainte et la peur. Spinoza définit la crainte (metus) comme « une tristesse inconstante née de l’idée d’une chose future ou passée de l’issue de laquelle nous doutons en quelque mesure ». Il caractérise la peur (timor) comme « un désir d’éviter un mal plus grand, que nous craignons, par un moindre ». La peur est donc une spécification tout à fait particulière de la crainte, qui est elle-même foncièrement liée à l’espoir. »

Source : Spinoza et le problème de la peur : metus et timor

Par Jean-Marie VAYSSE. Open édition. https://journals.openedition.org/ph...

8.2– La peur chez Hobbes.

« La notion de peur joue un rôle prépondérant dans la constitution de la société chez Hobbes. En effet, c’est la peur – considérée comme une des passions fondamentales – qui justifie le passage de l’état de nature à la société civile, par l’instauration d’un souverain. Pour garantir leur sécurité, l’ensemble des habitants transfèrent leur droit de se gouverner soi-même à un souverain, lequel a pour mission première d’assurer la paix et la sécurité de chacun. La peur joue donc un rôle absolument déterminant mais aussi positif. En outre, c’est notamment par la peur des sanctions que le souverain peut maintenir le peuple dans l’obéissance. La peur n’est donc pas une passion qui a été utile à un moment donné et qui peut être purement et simplement supprimée une fois que l’État a été constitué.… »

Source : la peur chez Hobbes. http://www.implications-philosophiq...

9–La peur, l’être et l’avoir.

9.1 a) L’être concerne essentiellement l’intégrité physique de la personne. Il a fallu attendre la loi de bioéthique de 1994 pour que le code civil définisse dans son article 16 ce que l’on entend par intégrité physique. (Voir : : le respect de l’intégrité physique de la personne humaine. https://www.cabinetaci.com/le-respe... )

Remarquons entre autres, que la peur du terrorisme et d’une épidémie admet comme ressort la crainte d’une atteinte à l’intégrité physique.

b) L’être concerne aussi l’intégrité morale de la personne. Elle repose essentiellement en droit sur le respect de la vie privée dans ses différentes dimensions. Il a fallu attendre une loi de 1970 pour que le Code civil dans son article 9 définisse cette protection. L’article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 mentionnait déjà cette protection. (Voir : le respect de l’intégrité morale de la personne. https://www.cabinetaci.com/le-respe... )

La peur de la violation de la vie privée s’est accrue avec le développement du Numérique. L’informatique, la cybercriminalité sont devenues des objets de crainte faisant exploser le commerce de la cybersécurité. À cela s’ajoute une multitude de moyens de surveillance qui inquiètent les défenseurs des droits et libertés.

9.2 L’avoir concerne la perte, le vol, le pillage l’appropriation indue violente de biens. Il fait référence aux droits de propriété figurant notamment dans les articles deux et 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. On peut parler de sacralisation de la propriété. La peur du cambriolage, du vol, comme vu plus haut, font l’affaire des Messieurs Sécurité en politique mais aussi l’affaire des différents fabricants de matériel de sécurité et des différentes sociétés privées de service de surveillance.

L’État est censé assurer la sécurité des personnes et des biens grâce à son appareil judiciaire et policier, ce qui, dans les faits, n’est pas toujours le cas

En raison de la clochardisation de la Justice et de divers dysfonctionnements de la police par manque de moyens et de formation.

Ces deux institutions vont donc à leur tour l’objet d’un sentiment d’insécurité.

On peut même dans certains domaines parler « d’insécurité juridique » lorsque par exemple une réglementation devient instable ou trop complexe en raison de la prolifération des normes.

II–Les cinq lignes de force dans lesquelles circule la peur dans la société.

Cette peur est prise en charge et décrite par LFI dans son projet de société. France Insoumise : les cinq lignes de front du penser global. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

1–la ligne économique de la peur.

Il s’agit de la peur engendrée par la structure et le fonctionnement économique de la société

2a– L’instabilité économique intrinsèque du capitalisme.

Le capitalisme est par essence une structure instable qui le devient encore plus avec le développement du néolibéralisme et de la financiarisation. Nous avons rédigé un article sur cette question de l’aléatoire et du désordre dans l’économie capitaliste. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Cette instabilité se manifeste notamment par une précarité constante de la vie des entreprises et de l’emploi des salariés.

La compétition, la concurrence entre entreprises et les fluctuations de la demande induisent cette instabilité.

Cela se traduit pour le chef d’entreprise par la crainte de fermer son entreprise et pour le salarié par la crainte de perdre son emploi.

La stabilisation économique résultant d’une autorégulation du marché entre l’offre et la demande et la rationalité des acteurs économiques qui pourraient rassurer les intégristes du libéralisme n’est rien d’autres qu’une fiction, une croyance infirmée par les faits.

2.b––Le risque monétaire

L’abandon de la convertibilité du dollar en or depuis 1971 s’est accompagné d’un assujettissement des économies mondiales à l’état de santé de l’économie américaine avec tous les dangers que cela comporte comme on a pu le voir avec la crise de 2008.

À cela s’ajoute la perte de souveraineté des Etats pour la création monétaire et qui sont en outre obligés d’emprunter sur les marchés financiers (en France depuis 1973 puis ensuite par application de l’article 125 des traités européens).

Les banques ont la possibilité de création monétaire par la création de titres de crédits.

La création massive de monnaie par la banque centrale américaine, la BCE et autres comme actuellement avec la crise sanitaire mondiale peut provoquer à terme un effondrement de la valeur monétaire du dollar et de l’euro

Cette insécurité monétaire peut donc engendrer une série de fantasmes angoissants de cataclysme économique.

2. c–Le risque financier.

La financiarisation de l’économie se traduit par un assujettissement massif de la rentabilité des entreprises à la valeur actionnariale et aux fluctuations du marché boursier par nature aux fluctuations aléatoires. Ainsi, une entreprise peut avoir son carnet de commandes plein, avoir une très bonne productivité et être fermée les actionnaires considérant que le retour sur investissement est insuffisant au regard d’autres opportunités. Le risque entrepreneurial se trouve ainsi augmenté.

Le risque de panique boursière et de krach financier ne fait qu’augmenter avec le développement du néolibéralisme en France et ailleurs.

Ces paramètres monétaires et financiers au fondement incertain induisent pour les petits propriétaires d’actions et les épargnants une peur de voir leur épargne volatilisée, et même pour les retraités par capitalisation, de voir leur retraite très largement amputée. Ces craintes fluctuent avec la conjecture financière et économique.

2. d–L’endettement de l’État, des entreprises et des ménages.

Un autre facteur anxiogène est l’endettement de l’État, des ménages et des entreprises.

Globalement, avant la crise sanitaire de la COVID 19, le montant de la dette publique s’élevait à environ 100 % du PIB, la dette privée s’élevait à 135 % du PIB dont 61 % pour les ménages et 74 % pour les entreprises., Taux plus élevés que la moyenne européenne.

Cet endettement est relayé d’une manière angoissante par les médias. Prenons un exemple parmi d’autres : le Figaro, commentant la dette « abyssale » de 2375 milliards d’euros pour l’État écrivait : « Faut-il s’attendre à une tornade ? »

https://www.lefigaro.fr/economie/le...

Cette peur est cultivée médiatiquement depuis longtemps pour faire accepter à la population des suppressions d’emplois dans la fonction publique et les services publics et faire accepter aussi les politiques d’austérité, les Français étant alors censés « vivre au-dessus de leurs moyens ».

Mais la dette privée des ménages et des entreprises est toujours une source d’inquiétude. Le salarié se dit : « aurais-je toujours des ressources pour rembourser mon emprunt ? » (Pour pouvoir se loger ou se déplacer). De même, le chef d’entreprise, commerçants ou agriculteurs se posent la question : « Mon chiffre d’affaires sera-t-il suffisant pour m’acquitter de mes dettes ? ».

On voit ainsi que la peur liée à l’endettement est étroitement liée à la précarité décrite précédemment.

2–La ligne sociale de la peur.

2.1–L’épouvante du chômage.

La peur du chômage c’est-à-dire la peur de la perte de l’emploi constitue une peur majeure existant au sein du monde salarié. Depuis 40 ans en France c’est-à-dire depuis le développement du néolibéralisme, ni la droite, ni le centre, ni le parti socialiste ne sont arrivés à faire diminuer durablement le chômage qui n’arrive pas à descendre en dessous d’un taux de 7 % de la population salariée. De ce fait, certains économistes parlent d’un « chômage structurel », comme si celui-ci faisait partie de la nature des choses.

Selon la manière dont l’on regroupe les différentes catégories de chômeurs A,B,C,D et que l’on prend en compte ou non la France d’outre-mer, on obtient des chiffres différents. Pour la France métropolitaine en décembre 2020, le nombre de chômeurs et de demandeurs d’emploi est évalué à 6,8 millions avec une augmentation de 8 % en un an.

Mais à cela il faut évidemment ajouter ceux qui ne sont pas inscrits à pôle emploi.

Avec le néolibéralisme, les facteurs aggravants du chômage sont les suivants :

la globalisation de l’économie au niveau planétaire impliquant une division internationale du travail et des délocalisations.

La mise en concurrence des travailleurs au niveau international Une mécanisation accrue des tâches manuelles et intellectuelles dont le développement de la robotique et de l’intelligence artificielle. Cela s’accompagne de la disparition de nombreux métiers et l’apparition de nouveaux.

Cela nécessite une reconversion des travailleurs dont la qualification antérieure n’est plus adaptée aux nouvelles technologies. Cela s’accompagne souvent par la peur de ne pouvoir obtenir une formation permettant de retrouver un emploi.

Cette disparition de métiers mal gérée peut être l’un des facteurs explicatifs de la peur du déclassement.

2.2–La peur du déclassement.

La concurrence accrue entre les travailleurs, les nouvelles techniques de management et évidemment le chômage s’accompagnent par la crainte d’un déclassement professionnel et donc aussi d’une perte de pouvoir d’achat.

Cela peut se coupler au sentiment de ne plus être reconnu comme socialement utile ou de ne plus être performant.

Peut apparaître alors un ressentiment, une frustration qui peut être aisément exploitée politiquement par le populisme d’extrême droite.

2.3–La peur de sombrer dans la pauvreté.

Un récent sondage montrait que 55 % des Français partageaient cette peur.

Avant la crise sanitaire, le nombre de pauvres en France s’élevait déjà à 9 millions, soit un taux de 14,4 %.

Fin décembre 2020, le seuil de 10 millions de pauvres est dépassé et le taux de pauvreté s’élève à 14,8 %.

Cette menace ne repose donc pas sur des fantasmes mais sur une réalité sociale.

On compte environ 300 000 sans-abri en France et 4 millions de personnes mal logées.

Pendant la pandémie, la famine fait son apparition.

A cela s’ajoute la crainte d’un fort affaiblissement de la protection sociale.

Depuis des années, Macron en tête, les libéraux ne cessent de dénoncer que le budget de la protection sociale serait trop élevé. On brandit le chiffre de 57 % du PIB alors que le mode de calcul utilisé est tout à fait contestable et s’établit en réalité à 22 % du PIB.

La droite et l’extrême droite font de leurs fonds de commerce électoral la dénonciation de « l’assistanat », de la « fraude sociale » sans analyse précise de cette réalité.

Cela peut donner une base politique fallacieuse à la justification de l’abaissement des minima sociaux et des mécanismes d’attribution des prestations sociales.

La crainte précédente se trouve ainsi renforcée.

2.3– La peur de ne pouvoir être soigné ou d’être soigné correctement.

Le déremboursement de bon nombre de médicaments, le forfait hospitalier constituent dorénavant des obstacles aux soins.

L’insuffisance du nombre de généralistes et de certains spécialistes, la destruction de 100 000 lits d’hôpitaux en 20 ans, le nombre très insuffisant d’infirmières met sous tension croissante depuis plus de 15 ans le système de soins et notamment hospitaliers. La situation en psychiatrie est catastrophique depuis des années. Cette insuffisance de moyens matériels et humains causés par la mise en œuvre de politiques néolibérales à courte vue depuis 30 ans n’assurent plus la sécurité sanitaire de la population.

Cela engendre un sentiment d’inquiétude croissante dans une bonne part de la population.

La crise sanitaire de 2019–2021 a révélé avec acuité l’insuffisance de ses moyens et l’irresponsabilité des pouvoirs en place depuis plus de 30 ans dans ce domaine.

L’absence de stratégie sanitaire stable et claire renforce encore cette inquiétude.

3–La ligne écologique de la peur.

3. 1 La peur climatique.

L’inquiétude climatique n’est pas nouvelle et nous avons rédigé un article à ce propos :

Histoire de l’inquiétude climatique. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Au caractère ponctuel de certains aléas climatiques (inondations, sécheresses, tempêtes, etc.) pouvant même notamment provoquer des périodes de famine apparaît une menace beaucoup plus persistante voir définitive : le réchauffement climatique avec toutes ses conséquences sur l’écosystème pouvant même à terme, mettre en cause la survie de l’espèce humaine.

Ainsi cette peur climatique s’est-elle renforcée et a donné naissance à toute une littérature collapsologique. Les sept trompettes et la chute de Babylone de l’Apocalypse de la Bible se retrouvent ainsi mises au goût du jour.

3.2 La peur environnementale.

Une activité économique productiviste sans contrôle conduit à un saccage de l’environnement et notamment, dans certaines régions à une déforestation sauvage détruisant la biodiversité et l’apparition de virus dangereux pour l’homme.

La pollution des eaux, de l’air ont une incidence sur la santé mais aussi sur le psychisme. Respirer un air pollué, boire une eau trop chargée en nitrates par exemple, peuvent créer un sentiment d’anxiété. Ainsi des actes aussi élémentaires que respirer peuvent devenir menaçants.

3.3 La peur alimentaire.

La pollution des sols, des fruits et légumes par une multitude de pesticides ne sont pas non plus sans incidence sur la santé. Cela crée chez un large public un sentiment de méfiance à l’égard des denrées alimentaires notamment vendues dans la grande distribution.

Cette peur se transforme positivement par le développement de l’agriculture et des produits dits bio.

Différents scandales concernant certains médicaments largement médiatisés alimentent un sentiment de méfiance, voire d’hostilité à l’égard de certaines firmes pharmaceutiques.

3.4 La peur technologique.

Elle n’est évidemment pas nouvelle. On invoque souvent l’invention des chemins de fer, peur qui a d’ailleurs été largement et abusivement amplifiée par les médias de l’époque.

Les accidents majeurs des centrales de Tchernobyl et Fukushima ont renforcé la peur du nucléaire qui existait déjà auparavant sous la forme notamment de la peur d’une guerre mondiale nucléaire.

Cette peur a hanté les esprits pendant la guerre froide.

L’utilisation des hautes technologies à des fins destructives ou de contrôle social a fait l’objet de nombreux romans et films dystopiques. La robotisation, l’intelligence artificielle, la 5 G sont actuellement sources d’inquiétude.

De même, l’utilisation des biotechnologies dans les manipulations génétiques des plantes, des animaux et des humains, pose de nombreuses questions dont les réponses ne sont pas évidentes et peuvent être inquiétantes.

L’une des raisons importantes de ces peurs est que le développement de toutes ces innovations se font sans contrôle démocratique et essentiellement sous l’égide de la rentabilité et du profit.

Une enquête de cash investigation est emblématique de la priorité de l’argent sur la sécurité sanitaire en relation avec les nouvelles technologies :

Les dispositifs de santé. Implant s : tous cobayes ? https://www.youtube.com/watch?v=6mQ... Cela contribue évidemment à créer une crainte fondée sur l’utilisation de certains dispositifs médicaux.

3.5 La menace de la finitude des ressources.

a) Les minerais.

Au-delà des limites des ressources fossiles et de l’uranium, il y a aussi une limite de ressources métalliques et en particulier des terres rares.

b) La peur du manque d’eau.

Le réchauffement climatique s’accompagne de périodes de canicule et de sécheresse ayant une incidence sur la production agricole et même ponctuellement sur l’approvisionnement en eau potable dans certaines régions de France.

Néanmoins globalement, la France, pour l’instant n’a pas de risque de stress hydrique comme c’est le cas dans de nombreux pays du monde. L’état des réserves en eau en France est très rassurant : le pays dispose d’une ressource en eau disponible de 193 milliards de m3 par an alors que les besoins en eau du pays s’élèvent à 32 milliards de m3 par an. La France dispose ainsi d’un stock disponible largement supérieur aux besoins en eau de la population.

Cependant, la pollution des nappes phréatiques, le mauvais entretien du réseau de distribution, la surexploitation d’eau potable, le réchauffement climatique sont préoccupants.

Dans le monde, 40 % de la population (80 pays) ne dispose pas suffisamment d’eau potable. La peur du manque d’eau devient alors massive.

3.6 La peur des catastrophes naturelles ponctuelles.

Il s’agit de la peur des grands incendies de forêt, des inondations dévastatrices pouvant inclure des ruptures de digues des crues catastrophiques, des tremblements de terre, tempêtes et tornades. Nous avons traité dans une série d’articles ces différents types de catastrophes en indiquant leur prévention avec leurs limites encastrées dans un système néolibéral

4–La ligne politique de la peur.

4. 1 La politique électorale.

La peur en politique électorale revêt trois aspects :

-  la crise de confiance envers le personnel et les appareils politiques s’est traduite par une crise de la représentation politique en raison de la puissance volontaire ou non des partis de droite, du centre, du PS, de résoudre des problèmes essentiels comme celui du chômage, du pouvoir d’achat et du pouvoir démocratique des citoyens. Cela s’est traduit par la peur de voter pour quelconque candidat par la crainte de mettre au pouvoir un escroc, un traître, un arriviste indifférent aux problèmes réels rencontrés par la population. Cette peur s’est traduite par un taux d’abstention de plus en plus élevé aux différentes élections.

– La seconde peur s’exprime à l’égard de l’extrême droite qui est aussi instrumentalisée comme épouvantail permettant ainsi à la droite, au PS puis à LREM de récupérer des voix pour se faire élire.

– La troisième peur est la peur d’un changement radical de politique économique comme cela peut être proposé par LFI et le PCF. Il en résulte que, jusqu’à maintenant, cette option est restée minoritaire. Ces deux dernières peurs sont évidemment instrumentalisées de différentes manières par les grands médias.

Il existe donc une sorte de hiérarchie de la peur dans le choix électoral. L’analyse de la peur pour chaque choix est relativement complexe et demanderait trop de place pour être examinée ici.

4. 2 Le terrorisme.

La peur du terrorisme occupe un poids non négligeable dans le champ politique depuis 2013. De nombreuses lois ont été votées comme prétendant lutter contre le terrorisme.

Conjointement à cela, est institué un ennemi extérieur réel ou potentiel supposé menacer notre pays des pays alliés.

Ces peurs alimentent une demande de sécurité de la population. Cela permet au gouvernement en place de se poser comme protecteur, de justifier l’industrie de production d’armes de plus en plus coûteuse, de justifier la mise en place d’une multitude de dispositifs de surveillance.

4.3 La peur de la délinquance et de la criminalité en tous genres

Cette peur est la plus médiatisée tant au niveau local que régional ou national par tous les moyens d’information. La demande de sécurité qui en résulte est évidemment exploitée politiquement par les élus locaux qui rivalisent en championnat du nombre de vidéos de surveillance et en nombre de policiers municipaux.

Terrorisme, délinquance, cyber délinquance justifient la mise en place de moyens de surveillance et de contrôle numériques et autres (drones, photographies automatisée fixe ou mobile).

4.4 Une peur de la répression multiforme.

Peur du contrôle d’identité, peur d’être flashé pour excès de vitesse (d’où une autosurveillance par alarme sonore GPS), peur des forces de l’ordre munies d’un matériel de plus en plus sophistiqué et violent. Différentes lois liberticides votées depuis 2013 visent à intimider, à dissuader de participer à une manifestation contestant des mesures gouvernementales.

Les médias dominants se font les relais de cette intimidation notamment en braquant leurs objectifs sur les actes de violence minoritaire des manifestants.

C’est pour cette raison que l’association Acrimed parle de « journalistes de préfecture ».

Une peur conjointe est la peur du fisc avec ses contrôles imprévus pouvant conduire à des pénalités plus ou moins importantes et même à une procédure judiciaire.

Cette peur est exploitée politiquement par l’extrême droite qui dénonce le « fiscalisme ». Elle est aussi exploitée commercialement par une multitude de cabinets de conseil en fiscalité.

4.5 L’immigration, un objet de peurs bien entretenues.

La présence de réfugiés politiques officiels ou clandestins, de migrants économiques provoquent chez une partie de la population une peur des flux migratoires engendrant multiples fantasmes, alors que, par exemple le taux de migration en France est inférieur à la moyenne européenne : des fantasmes tels : une submersion, un « grand remplacement », etc.

Cela fait fort longtemps que la peur de l’immigration constitue un fonds de commerce électoral pour les partis d’extrême droite dans tous les pays du monde et en particulier en France.

Cette peur peut se manifester par de la xénophobie et du racisme qui repose fondamentalement, plus généralement, sur le manque de confiance en l’autre.

Même peur et rejet à l’égard des gens du voyage.

Et comme si cela ne suffisait pas, un amalgame est réalisé entre la peur du terrorisme, le rejet de l’intégrisme religieux, la délinquance et l’immigration.

On obtient alors un composé générateur d’effroi à forte densité émotionnelle. Cet amalgame est très efficace pour faire basculer des votes vers la droite extrême ou l’extrême droite et faire passer des lois liberticides au nom de la lutte contre le terrorisme et contre une immigration submersive.

4.6 La peur du fascisme et du communisme : le poids de l’histoire.

Les régimes fascistes en Allemagne et stalinien en URSS ont marqué les mémoires.

Le passé de l’extrême droite n’est pas sans influence sur le rejet de certains électeurs du FN puis du RN.

De même, la proximité politique du PCF avec l’ex URSS a provoqué et provoque encore un rejet du vote communiste bien que les élus communistes n’aient jamais voté la moindre loi liberticide en France.

C’est aussi le résultat de la guerre froide qui a marqué les esprits. Les exactions commises par les communistes chinois et au Cambodge ont aussi contribué à cette peur du communisme largement exploité par les médias du « Monde Libre ».

Toute proximité idéologique réelle ou imaginaire d’un parti , d’un mouvement politique avec l’idéologie communiste d’État provoque un rejet de ces organisations par bon nombre d’électeurs.

C’est la raison pour laquelle un mouvement comme LFI doit expliquer clairement que sa vision économique n’est pas de type collectiviste ou étatique mais celle d’une économie plurielle ou hybride.

5–La ligne culturelle de la peur.

5.1 La crainte inspirée par les religions.

L’Islamisme politique, le catholicisme intégriste, les sectes inspirent à un large public un sentiment de rejet et de peur. Cette peur se manifeste par un regain d’intérêt pour un certain nombre de politiques pour la laïcité mais qui peut être instrumentalisée à des fins électorales.

5.2 La peur de la mixité culturelle.

a) La diversité ethnoculturelle.

La mondialisation des échanges culturels, la multiplicité des flux migratoires impliquent la présence de la diversité ethnoculturelle dans la société autant dans les dynamiques sociales que les manifestations artistiques. Elle interpelle donc la dimension éthique des rapports sociaux parce que la rencontre de l’Autre avec ses différences dites culturelles fait appel autant à la fascination qu’à la peur. Pourquoi ? Parce que la culture ne constitue pas un « en-soi » neutre, mais résulte de la conjugaison des rapports de force imposés par une classe dominante qui contrôle les mécanismes de développement de l’économie, des médias, des arts de masse, etc.

En somme, la « gestion » des différences relève autant de déterminants systémiques que de phénomènes de perception générés par l’amalgame qui résulte de la confrontation entre la fascination et la peur de l’Autre.

Depuis les années 1950–60, la France se déchristianise. En 1960, il y avait 35 % de catholiques pratiquants, il n’en reste plus que 5 % actuellement. Il y avait 20000 prêtres il y a 20 ans, il en reste 11 000 actuellement.

Pendant le même temps, la religion musulmane a augmenté ses effectifs et devient la seconde religion en France.

La France est devenue un pays multiculturel. En 2016, le nombre d’enfants recevant à la naissance un prénom d’origine arabe ou africaine s’est élevé à 18,8 %. (Source : L’archipel France l). Dans les sociétés dites modernes, l’identité culturelle d’une personne est souvent multiple du fait de l’héritage d’une culture différenciée entre la mère et le père et du système éducatif. Celle-ci peut être évolutive au gré des rencontres diverses qui constituent une vie. En même temps, la marchandisation de la culture peut aboutir aussi à une homogénéisation de la « culture de masse » qui constitue une menace pour l’identité culturelle des individus autant que pour l’identité culturelle des communautés. Il peut en résulter des réactions de résistance ou d’hybridation.

(Voir : identité culturelle. https://www.grainesdepaix.org/fr/re... ) Jean-Luc Mélenchon a raison de parler de « créolisation » de la population française.

b) La peur du métissage culturel.

Pierre André Taguieff, dans son livre La force du préjugé, montre que l’une des racines du racisme et de la xénophobie est la peur du métissage d’abord de nature raciale puis de nature culturelle. Cette peur alimente le fonds de commerce électoral des partis d’extrême droite.

Plus profondément encore, du point de vue anthropologique, les racines de cette peur sont de nature ethno tribale. Celui qui appartient à la tribu, au clan et respecte ses normes et l’autorité de son chef est considéré comme pur. Celui qui n’appartient pas à la tribu, ou encore celui qui appartient à la tribu mais qui se laisse contaminer par l’influence d’autres tribus, est considéré comme impur et une menace pour l’ordre de la tribu de référence.

La confiance en l’autre, au mieux, n’est accordée qu’à celui qui appartient à la tribu.

Cette vision clanique se retrouve dans la plupart des partis politiques actuels.

Cette attitude est souvent nommée dans le langage courant « repli identitaire » source de nombreux conflits et de peurs.

c) La notion d’insécurité culturelle.

On peut être conduit dans un tel contexte à parler d’« insécurité culturelle ».

Nous citons ici un extrait de l’article de Wikipédia sur cette question. « L’insécurité culturelle est un concept utilisé en sciences sociales, qui décrit le sentiment d’insécurité potentiellement éprouvé par un groupe social autochtone confronté dans son espace culturel historique à une présence ou à une influence extérieure. Ce groupe social autochtone peut alors se sentir menacé dans la pérennité de sa culture, de ses valeurs, de ses normes et de son mode de vie.

Il faut noter que si le concept décrit le sentiment d’insécurité qui est alors éprouvé, il le distingue de la concrétisation de la menace et n’a pas vocation à analyser le bien-fondé de celle-ci. Le concept a été formulé en particulier en ligne par le spécialiste de science politique Laurent Bouvet (qui la considère davantage comme une notion que comme un concept) à partir des travaux du sociologue Alain Mergier et du géographe Christophe Guilluy1. Il est popularisé à partir de 2012, lorsque, à la suite d’élections majeures en France, les chercheurs analysent les mutations de l’électorat du Front national et souhaitent lui trouver une explication.

Lire la suite dans Wikipédia en utilisant la référence donnée en annexe.

5. 3 L’individuation et le délitement du lien social.

Un phénomène qui se développe avec le néolibéralisme depuis les années 1975 est la perte du sens d’appartenir à une communauté d’intérêts ou un groupe professionnel comme cela pouvait être le cas de la classe hier des petits commerçants.

Cela s’est accompagné d’une individuation sur les plans économiques, sociaux et psychologiques. Individualisation des contrats de travail au détriment des protections collectives, la volonté de se distinguer (le tatouage concernait 1 % de la population en 1960, actuellement c’est 13 % et un taux encore plus élevé pour les moins de 25 ans), diversification croissante du nombre de prénoms : 2000 jusqu’en 1970 environ et actuellement plus de 13 000.

On constate une très grande difficulté pour une famille idéologique à ne pas éclater en une multitude de petits groupes voir de groupuscules. Lors des élections professionnelles dans la Fonction Publique, on ne compte pas moins de 13 syndicats différents. Les réseaux sociaux permettent à des individus isolés de créer autour d’eux un micro réseau pour défendre telle ou telle cause.

Ainsi, on constate que le culte de l’ego inhérent à l’idéologie libérale a un fort impact sur le comportement y compris sur des individus appartenant à un mouvement oppositionnel au système en place. Cette individuation est propice à la création de rivalités elle-même génératrice de peurs envers les autres ou de mouvements rivaux.

5.4- La peur scolaire et universitaire

En France, le nombre d’élèves sortant du système scolaire sans diplôme est encore supérieur à 100000. En 2014, 1 élève sur 4 de troisième a doublé dans sa scolarité. En 2012,19% des élèves de seconde générale et 52% des élèves de seconde professionnelle ont doublé dans leur scolarité. Et ceci malgré les mesures d’assouplissement depuis la fin des années 1990.

La peur de l’échec scolaire ressenti à la fois par les élèves et par les parents ne repose donc pas sur un fantasme. Il ne s’agit pas ici d’analyser les causes de ces échecs qui ont été l’objet de nombreuses études.

Un certain nombre de parents exerce une certaine pression sur leurs enfants pour que ceux-ci réussissent leur scolarité. Cela ne va pas sans conséquences psychologiques néfastes dans certains cas, pouvant aboutir à des phobies scolaires.

La sélection à l’université est considérable : seulement 4 étudiants sur 10 franchissent avec succès la porte de l’université. Après 4 ans, 60% des étudiants sont en échec.

La peur de l’échec universitaire relaie la peur de l’échec scolaire. Mais ce n’est pas tout. Même les meilleurs étudiants arrivant au niveau d’un doctorat vont se retrouver dans une situation très anxiogène : nombre de postes insuffisants à l’université et dans le secteur de la recherche, grande difficulté à trouver un emploi ou un salaire correspondant à la qualification obtenue pouvant provoquer une « fuite » non négligeable d’étudiants vers un pays étranger.

Bien que le désir de s’expatrier ait baissé ces dernières années, il reste à un niveau élevé : 79% contre 62% pour une moyenne internationale.

III–Pouvoirs et politique de la peur.

Selon Wikipédia, « Politique de la peur est une expression qui désigne la politique d’un gouvernement qui utilise la peur collective de la population pour faire adopter des mesures réduisant les libertés individuelles »

Certes, mais la peur peut être plus généralement un moyen pour le pouvoir politique de pérenniser sa domination.

1–Aux origines de la politique de la peur.

La politique de la peur prend sa source dans une certaine conception de la « Nature humaine ».

L’Homo sapiens est par nature un être agressif, pouvant mettre en danger la vie d’autrui, un loup pour l’homme en quelque sorte. Pour assurer sa survie en coexistence pacifique avec ses semblables, il lui faut donc un pouvoir, notamment pouvoir d’État, capable encore d’une violence supérieure pour dissuader les individus d’utiliser la violence et porter atteinte à l’intégrité physique de ses semblables On appelle cela la violence légitime de l’État.

2–le double emploi de la violence légitime.

2.1 Usage répressif de la violence légitime.

C’est dans cette conception idéologique que les pouvoirs capitalistes et socialistes étatiques totalitaires vont justifier leur violence à l’encontre des opposants économiques et politiques aux intérêts de la classe dominante.

La technique utilisée par le pouvoir en place est toujours la même : faire passer des manifestants opposants pour des êtres violents même lorsqu’ils sont pacifiques. Le pouvoir utilise alors toutes les techniques possibles pour faire dégénérer les manifestations et en donner une image violente.

Cela permet de justifier aux yeux d’une majorité de la population la violence des répressions.

2. 2 L’usage protecteur de la violence légitime.

Mais un tel système de répression politique ne pourrait être pérenne si la violence légitime utilisée par la Justice et la Police n’était pas justifiée par des institutions républicaines par exemple. Cette violence légitime sert à lutter et réprimer la délinquance, la criminalité et le terrorisme, ce qui est nécessaire à la vie en société. Comme nous l’avons vu, tout individu a besoin de vivre en sécurité.

On comprend ainsi que pour justifier une répression politique réprouvée par les différentes associations de défense des droits de l’homme, le pouvoir tente de criminaliser l’action syndicale et politique.

3––Diviser, fracturer la société et faire circuler la peur dans les fissures.

3.1 L’instrumentalisation politique de la variété des situations économiques, sociales, culturelles et géographiques existant dans la population.

De fait, la population est hétérogène sur différents plans. a)Sur le plan économique on peut distinguer, les salariés du public et du privé, les retraités, les jeunes travailleurs, les ouvriers, les employés les cadres, les chômeurs,les allocataires du RSA ou autres prestations sociales, réfugiés, travailleurs immigrés, etc. b) sur le plan ethno culturel, coexistent des populations issues des cinq continents.

c) Sur le plan religieux coexistent des musulmans, des catholiques, des protestants, des juifs pouvant avoir des coutumes différentes.

Or que constate-t-on ? Le pouvoir essaie avec l’aide des médias de mettre en opposition toutes ces catégories sociales entre elles. Par exemple, les salariés nantis du secteur public, les salariés du privé, les assistés contre ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler, les retraités nantis contre les jeunes à faible revenu, les musulmans contre les catholiques, les ouvriers notamment les syndicalistes, contre les commerçants, etc.

On utilise aussi des clivages géographiques : les banlieues contre les zones pavillonnaires, l’immeuble contre la maison individuelle, le petit-bourgeois qui mange bio et le smicard qui mange chez McDo, etc.

Dans une ambiance générale de consumérisme, de compétition et de performance , chaque individu est considéré comme un capital humain qui doit s’autogérer, gérer sa famille comme on gère une entreprise, les distinctions sociales de tous ordres sont exacerbées pour être ressenties comme des rivalitéspouvant ainsi provoquer jalousie, peur et même haine.

Peut apparaître alors une société d’auto surveillance généralisée. Voir article :

La construction psycho–étatique de l’autosurveillance et de la délation. Un processus de fascisation de la société. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

d) La fracturation géographique sur fond de précarité et de misère.

Il est intéressant de citer ici un extrait de l’article : La zone entre classes laborieuses et classes dangereuses. : Les ravages de la pauvreté matérielle et morale. Le mot zone est ici utilisé dans le sens « habiter la zone », c’est-à-dire un endroit peu recommandable, « mal famé », où « ça craint », misérable.

« Les significations sociales et géographiques de la zone ont ainsi évolué à l’instar des représentations que le terme a véhiculées. Une constante cependant  : l’idée de misère, presque toujours sous-jacente. En effet, tandis que les uns ont associé la zone avec une population de petits truands et d’escrocs, d’autres y ont vu des ouvriers pauvres, certes mal logés, mais respectueux de la loi. Pour d’autres encore, il s’agit d’un lieu hautement pittoresque hanté par des individus originaux mais inoffensifs. À certains moments, la zone s’est profilée comme une force d’appoint aux grands mouvements révolutionnaires – voire comme le berceau de ceux-ci  ou, au contraire, a fait rêver d’une société utopique où la lutte des classes serait inconnue. Aujourd’hui, c’est sans doute l’image d’une zone inquiétante et dangereuse dont ceux qui la constituent seraient d’autant plus remplis de haine et portés sur la violence qu’ils se sentiraient relégués aux marges de la société, qui prévaut dans la culture de masse. Aussi avons-nous décidé de nous focaliser sur les représentations négatives que le terme a accumulées au fil des ans, pour mieux comprendre l’opprobre et la peur qu’isl continuent à susciter. De quoi est faite, historiquement, la mauvaise réputation de la zone  ? … »

L’étude de l’auteur s’étend du XIXe siècle à 1970 mais son analyse reste avec par exemple la notion de banlieue, de périphérie des grandes villes ou ont été construits des immeubles de mauvaise qualité, « des cités » qualifiées de « zones de non-droit » où notamment le trafic de drogue et de voitures volées alimente la délinquance juvénile. On évalue environ à 200 000 le nombre de personnes vivant d’économie souterraine des stupéfiants. On y trouve une coexistence entre des ménages des classes populaires à faible revenu ayant un emploi précaire, des titulaires du RSA et des chômeurs.

Cette situation est ignorée des médias sauf quand surviennent des actes de violence ou des émeutes. Les banlieues sont alors l’objet d’une stigmatisation mettant dans le même sac de la dangerosité tous les habitants.

Un volet complémentaire existe concernant les zones urbaines dangereuses et la présence de la mafia dans certaines grandes villes comme Marseille qui a été l’objet notamment d’un documentaire historique de la chaîne Arte 2017.

Y sont décrites les interpénétrations entre des élus politiques locaux ou nationaux et la mafia.

On peut retrouver différentes sources documentaires dans mon article : la politique entre banditisme et oligarchie financière. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Dans la même ville, on peut trouver des zones pavillonnaires dont les habitations et les terrains ont été achetés à crédit sur 15- 25 ans par des ménages ouvriers qualifiés, des cadres du tertiaire de l’industrie, des petits artisans, des petits commerçants, des professions libérales. Un phénomène relativement nouveau est le développement de zones périurbaines autour de villages dans les zones rurales plus ou moins abandonnées par les petits commerces et les services publics. Ce déplacement s’explique notamment par le prix de plus en plus élevé des logements dans les grandes villes et les villes moyennes. C’est dans ce genre de zones urbaines en milieu rural qu’a pris naissance le mouvement des gilets jaunes.

On assiste depuis 40 ans à une dévitalisation de villages dans le milieu rural. Café, petits commerces, services postaux et autres ont disparu. Les lieux de rencontre pour les jeunes se font rares.

Heureusement, le milieu associatif, bien qu’affaibli, n’a pas disparu et assure encore entre les habitants des liens de sociabilité. La petite délinquance a pénétré les zones suburbaines des campagnes et petites villes par des cambriolages, des vols de véhicules et des nuisances sonores complétant les nuisances courantes des bruits de voisinage.

Cela constitue évidemment un terreau favorable pour le vote d’extrême droite.

Sur cette fragmentation, on peut se référer au livre : « l’archipel français » : (voir annexe) https://www.youtube.com/watch?v=g8d...

Ce livre est intéressant mais parle des rapports de domination de classe à partir d’une vision classique de la stratification en sociologie dont on a montré dans l’un de nos articles les limites.

Mais par-delà cette atomisation du tissu social baigné par la peur, d’autres clivages apparaissent construits ou entretenus par des politiciens professionnels pour masquer les rapports de classe et d’exploitation.

Voir notre article : « Construire ou instrumentaliser des clivages d’opinion comme méthode de marketing politique pour affirmer son existence. » http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

On cultive alors les antagonismes idéologiques pour se faire élire ce qui renforce la fragmentation de la société.

3.2 Un agent anthropologique de fracturation sociale : le désir mimétique.

On utilise ici un outil conceptuel fondé par René Girard, exposé dans son livre la violence et le sacré, celui de « désir mimétique » censé expliquer la violence sociale et l’émergence de boucs émissaires.

Un individu peut éprouver le désir de s’approprier un objet, un bien éventuellement possédé par un autre individu.

René Girard, en observant les jeunes enfants en train de jouer et disposant d’un nombre de jouets suffisants remarque qu’un enfant éprouve le désir de s’emparer d’un jouet possédé par un autre. Il imite le désir éprouvé par l’autre enfant. Un objet est désirable s’il est désiré par un tiers. C’est le désir mimétique.

Ce désir peut conduire à la rivalité, à la jalousie, au conflit et donc à la violence.

La violence au sein d’un groupe d’humains est aussi mimétique : la violence appelle la violence. Pour faire cesser cette violence, le groupe la projette sur une personne .C’est le bouc–émissaire ou le sacrifié qui a donc fonction de faire s’éteindre le feu de la violence au sein du groupe. Le bouc émissaire n’est pas forcément réduit à un individu mais peut être l’élément représentatif d’un groupe ou communauté stigmatisée.

Le bouc émissaire se situe à la marge de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur du groupe. C’est en quelque sorte un marginal qui ressemble à la fois aux membres du groupe stigmatiseur et qui en est en même temps différent par ses caractéristiques physiques, morales ou culturelles.

Ce marginal peut être un pauvre, un immigré, un « assisté » qui désire pouvoir profiter des mêmes conditions de vie que le groupe, notamment en termes de d’utilisation de produits de consommation et d’accès aux droits : cela explique, du moins en partie, la xénophobie, le « racisme anti- jeunes de banlieue », etc. Mais le bouc émissaire peut jouir de conditions de vie très favorables : il fait alors partie de l’élite et devient alors l’objet d’une haine anti–élite.

La sécession des classes intellectuelles supérieures par rapport aux classes populaires décrites récemment par Emmanuel Todd et Juan Branco renforce ce processus.

Ainsi les différences de statut social, de culture, d’habitat, etc. vues précédemment avec différentes fracturations de la société peuvent donner naissance à des rivalités mimétiques génératrices de violence et de peur.

Cela permet de gouverner par la peur une société divisée et aux mouvements politiques réactionnaires, de construire des boucs émissaires responsables de tous les maux dont peuvent être victimes les dominés notamment par les politiques néolibérales.

Il faut néanmoins se garder de trop généraliser l’approche de René Girard avec le désir mimétique qui ne peut en aucune manière être considéré comme universel et être considéré à lui seul comme seule clé explicative de toutes les formes de violence.

René Girard effectue des confusions entre différents niveaux de réalité. Il confond désirs et besoins ; objet et représentation de l’objet. Le désir d’appropriation ne peut se réduire au simple désir mimétique.

Pour plus de détails voir l’article de Wikipédia sur le désir mimétique https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%...

4–La politique de la peur et la servitude volontaire.

« …Cette nécessité et cette exigence sont d’autant plus impérieuses pour les classes populaires que, dans cette société atomisée, où les solidarités de métiers, de groupes et de voisinages ont disparu avec la décomposition des anciennes formes de sociabilité créées dans le combat contre les patrons et les autres aspects de l’oppression, ou ont été détruites ou dévitalisées (syndicats, associations, partis, etc., réduits à leur squelettes bureaucratiques ou confinés dans des revendications catégorielles), ne restent plus que l’État et sa force publique pour se protéger contre les violences produites par l’individualisme et sa forme dégénérée de guerre de tous contre tous.

Telle est du moins la doxa à laquelle il faut croire, à défaut d’avoir réellement fait l’expérience de cet état de menaces, pour adhérer à la politique de la peur, c’est-à-dire à la gestion des passions phobiques, compatible avec le développement de l’ordre marchand et de sa domination sur l’ensemble de la vie sociale. Cette nouvelle « gouvernance » correspondant à l’âge de la marchandisation globale du monde suppose et impose la mainmise la plus totale possible sur l’imaginaire. C’est pourquoi la politique de la peur n’implique nullement qu’il existe un danger réel, encore moins que la mort violente rôde à tous les coins de rue. Il suffit de faire croire que toute agression tend vers une mise à mort et que la violence diffuse exprime une guerre à l’état latent, une insécurité généralisée. C’est précisément ce que peut provoquer la phobie, qui n’a aucun besoin d’un objet réel pour exister, à qui il suffit, pour qu’elle apparaisse et se développe, que l’image d’une menace, d’un danger, d’une agression, soit suffisamment prégnante ; elle occasionne alors les mêmes effets et les mêmes comportements que si cette menace, ce danger, cette agression s’étaient réellement produits.

On saisit pourquoi politique et médias ne font plus qu’un, si tant est que pouvoir et image se soient jamais distingués, puisqu’on ne voit jamais que ce que l’on croit, alors que tout (le pouvoir) est fait pour faire croire que l’on ne croit que ce que l’on a vu. La politique de la peur repose sur un axiome : l’obéissance est d’autant plus facilement obtenue de la part des sujets que ceux-ci pensent pouvoir être débarrassés de leur peur par un pouvoir qui leur accorde protection à proportion de leur accord volontaire. C’est le secret de la servitude volontaire. Le prince est tout-puissant de l’impuissance acceptée de tous. Ce consentement à l’impouvoir est le prix à payer quand la conservation de soi – le narcissisme primaire selon Freud – devient le suprême bien. Le narcissisme de masse, qui affecte nos sociétés dites improprement de consommation, où les marchandises deviennent les fétiches et les prothèses de l’incomplétude structurelle humaine, déniée par un rêve de toute-puissance du moi, en quoi se résume et se résout l’individualisme. Cette fiction imaginaire produit, comme son double obligé, la servitude volontaire de tous.

La phobie d’une mort fantasmée produit la réalité d’un pouvoir assujettissant des assujettis consentants. Tel est le ressort de la politique de la peur ! Plutôt vivre à genoux que de mourir debout ! Est-ce ainsi que les hommes vivent ! » (Source : la politique de la peur

5–La dialectique et la cascade de la peur.

Nous analysons ici un processus déjà constaté concrètement dans différents mouvements sociaux ou situations. Par exemple les 14 manifestations qui se sont mobilisées contre la loi travail, le mouvement des Gilets jaunes, la contestation contre la loi sur les retraites, les manifestations contre la loi sur la sécurité globale, etc.

Etape 1 : le gouvernement prépare un projet de loi ou a fait voter une loi antisociale.

Cela provoque chez les salariés une crainte de perte de droits sociaux et une hostilité à ces mesures gouvernementales.

Étape 2 les salariés organisent une manifestation accompagnée éventuellement de grèves contre ces mesures antisociales.

Étape 3 : le gouvernement apeuré mobilise les forces dites de l’ordre et instrumentalise via les médias les « casseurs » pour justifier une répression violente pour terroriser les manifestants. Différents contrôles d’identité et fouilles sont réalisés pour intimider et dissuader les personnes de manifester.

Étape 4 : les salariés toujours insatisfaits et pour protester éventuellement contre la violence des forces de l’ordre organisent de nouvelles manifestations.

Étape 5 : le gouvernement en émoi renouvelle une fois de plus la répression contre les manifestants.

Étape 6 : le gouvernement constatant sa relative impuissance à contrôler le mouvement social fait voter des lois liberticides pour limiter ou interdire localement le droit de manifester et pour mettre en place différents systèmes de surveillance, et de contrôle. Ces mesures résultent de la peur du pouvoir d’être débordé par le mouvement revendicatif.

Étape 7 : Ces mesures finissent par avoir un impact sur un certain nombre de manifestants potentiels qui craignent pour leur intégrité physique et leur liberté mais ces mesures n’arrivent pas à anéantir le mouvement protestataire, qui, bien qu’affaibli, continue sa course. En outre la crise sanitaire s’accompagne de nouvelles tensions sociales liées au confinement et à la mise au chômage de plusieurs centaines de milliers de salariés et de travailleurs indépendants.

Étape 8 : le gouvernement aux abois, renforce le matériel de police, crée de nouvelles unités de répression et fait voter début décembre 2020 des lois liberticides sur le fichage des opinions syndicales, politiques et religieuses. Cela complète les articles 21 et 24 de la loi sur la sécurité globale très contestée.

On constate donc une escalade de la peur et une dialectique de la diffusion de la peur entre dominants et dominés. Cette peur des bourgeois actuels ne date pas d’aujourd’hui comme le relate le célèbre livre de Louis Chevalier (1958) : « Classes laborieuses et classes dangereuses » . La croissance de la pauvreté va encore accroître cette peur de classe.

6–La peur et l’État.

On ne reviendra pas ici sur la nature générale de l’État qui est très bien décrite et expliquée dans cet excellent site d’éducation populaire : « La Toupie ». On peut utiliser le lien : http://www.toupie.org/Dictionnaire/...

Mais si l’on veut aller plus loin, la nature d’un État dépend de la nature du système économique sur lequel il s’est érigé.

Pour comprendre toutes les formes d’État, on peut se reporter à l’ouvrage de Robert Fossaert « La Société ». Les États. Tome 5. http://classiques.uqac.ca/contempor...

L’État peut aussi bien inspirer la confiance, la sécurité que la peur, voire la terreur. Tout dépend de la nature de l’État en question. En général, la fonction régalienne de l’État disposant de la violence légitime et de la coercition pour faire respecter les lois est source de craintes De même pour sa fonction de collecteur d’impôts. En même temps, l’État en assurant la sécurité des citoyens contre les agressions physiques, les cambriolages, terrorisme, etc. est considéré comme protecteur et rassurant.

Mais un État peut être oppressif en abusant de son pouvoir. Dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la sûreté et la résistance à l’oppression (article 2) sont des droits fondamentaux, ce qui n’est pas le cas de la sécurité qui est régie par la loi.

La sûreté et la protection du citoyen contre les abus de pouvoir de l’État.

Dans la république française cet article devrait contribuer à ce que l’État ne soit pas ressenti comme une menace oppressive par le citoyen.

Un état qui intervient très peu dans la régulation économique du marché capitaliste entretient une instabilité économique source d’anxiété En revanche, « l’État-providence » ou « L’État social » qui assure une certaine redistribution des richesses et de la justice sociale est considéré comme protecteur et source de sécurité économique.

IV–Les peurs spécifiques liées à la propagation de la COVID 19.

Les peurs décrites précédemment restent valables dans le contexte de la pandémie mais certaines d’entre elles se trouvent aggravées du fait de la crise économique qui lui est consécutive. Peur du chômage, de sombrer dans la pauvreté, de ne pouvoir être soigné…

Il existe néanmoins des peurs spécifiques liées notamment à l’impréparation, l’absence de stratégie cohérente sur un fond de pénurie de moyens matériels et humains. On peut remarquer une chose curieuse : chaque peur que l’on va énumérer se renforce par une incertitude.

1) Crainte de ne pas avoir assez de masques. Mais chaque masque est-il efficace ? Dans quelles circonstances faut-il utiliser ou ne pas utiliser tel ou tel masque ? Ainsi à la crainte d’une pénurie se greffent des peurs fonctionnelles supplémentaires.

Crainte de ne pas avoir assez de tests. Mais chaque test est-il fiable ? Quel est le pourcentage de faux positifs et de faux négatifs ?

Crainte de ne pas avoir assez de lits d’hospitalisation. (100 000 lits supprimés en 20 ans par les néolibéraux). Mais a-t-on suffisamment de personnels soignants pour s’occuper des malades alités ?

Crainte de ne pas avoir assez de matériel respiratoire en réanimation. Mais ce matériel est-il vraiment adapté à la pathologie traitée ? Crainte de ne pas avoir assez de vaccins. Mais chaque vaccin est-il sans effets secondaires graves ? Quel est le pourcentage d’effets secondaires graves constatés parmi les millions de gens vaccinés ? Remarquons que le fait d’être vacciné n’empêche pas la propagation du virus et peut même provoquer l’apparition de variants. Ainsi la vaccination peut elle-même générer d’autres craintes.

Un autre facteur particulièrement anxiogène a été de répandre l’idée qu’il n’existerait aucun traitement efficace utilisable pour atténuer la gravité de la COVID 19. Or, des centaines de spécialistes et généralistes ont démenti cette affirmation gouvernementale. Cela a provoqué la constitution de collectifs de praticiens pour démentir cette affirmation.

Mais alors, certains médecins jugés trop critiques ont été l’objet d’intimidations. À la peur des malades s’ajoute alors la peur des praticiens !

Des informations biaisées ou incomplètes provoquent aussi des craintes.

Incertitude sur le nombre exact de décès causés exclusivement par le coronavirus.

Il en est de même des informations « dignes de confiance » qui peuvent être totalement contradictoires sur un sujet très important comme par exemple la réponse à la question : le confinement diminue-t-il vraiment le nombre de décès dus au Coronavirus ?

Dans une vaste étude, John Ioannidis, un épidémiologiste américain assure que les mesures de restrictions n’ont pas d’effet sur le nombre de cas de covid 19.

Mais cette étude de cet épidémiologiste de renommée internationale est elle-même contestée par d’autres épidémiologistes.

Ce genre de contradiction est évidemment anxiogène pour un large public. On a eu une situation du même genre concernant l’efficacité de l’hydroxychloroquine.

Faute d’une étude scientifique de grande envergure et fiable mettant tous les spécialistes d’accord, l’avis de l’expert est alors entaché d’une forte incertitude.

À tout cela s’ajoute un manque de cohérence dans les mesures de protection décidées par le gouvernement. On laisse par exemple les aéroports ouverts et on décide de fermer systématiquement tous les commerces dits de non première nécessité. On ne fera pas l’inventaire de toutes ces incohérences qui ont été l’objet d’un nombre incalculable de discussions dans différents médias.

Il serait abusif et intellectuellement malhonnête de rendre le gouvernement actuel responsable de 100 % des déficits graves dans la gestion de la crise sanitaire car la pénurie de matériel, de lits d’hôpitaux, de personnel médical est aussi de la responsabilité des gouvernements précédents. Néanmoins Macron partage le même aveuglement idéologique que ses prédécesseurs et continue à supprimer des lits d’hôpitaux en pleine crise sanitaire, un comble !

Pour illustrer le climat de panique engendré par cette politique gouvernementale inappropriée, on peut citer un extrait d’une pétition signée par 35 scientifiques à destination du gouvernement en septembre 2020 , intitulée : nous ne voulons plus être gouvernés par la peur

« Nous, scientifiques et universitaires de toutes disciplines, et professionnels de santé, exerçant notre libre arbitre et notre liberté d’expression, disons que nous ne voulons plus être gouvernés par et dans la peur. La société française est actuellement en tension, beaucoup de citoyens s’affolent ou au contraire se moquent des consignes, et nombre de décideurs paniquent. Il est urgent de changer de cap. […]

C’est pourquoi nous appelons les autorités politiques et sanitaires françaises à cesser d’insuffler la peur à travers une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes.… »

Source : Le Parisien. Voir le texte complet de la pétition avec le lien suivant : https://www.leparisien.fr/societe/c...

En résumé, ces pénuries de moyens, ces carences organisationnelles, ces informations contradictoires et incomplètes ont créé un climat très anxiogène sans même parler des effets psychologiques négatifs du confinement.

V–Quels sont les obstacles pour fédérer le peuple ?

Nous avons vu précédemment différents processus de fragmentation de la société française dans différents espaces : économique, social, écologique, culturel, politique, géographique.

On constate que les différentes fissures fragmentant la classe dominée sont infiltrés par la peur dont nous avons décrit les différents mécanismes.

Cette peur créée à la fois volontairement ou non par la classe dominante et les dominés eux-mêmes empêche de combler ces fissures par un ciment idéologique permettant de recoller les fragments d’un peuple ainsi divisé et affaibli.

Les médias jouent un rôle important dans la distillation et l’amplification de la peur qu’il est nécessaire de connaître et de combattre. Une multitude de mouvements sociaux se sont produits depuis 2013 dans un très grand nombre de corporations, d’associations, de syndicats.

Le mouvement des gilets jaunes en est une expression originale. Ces différents mouvements ne sont pas arrivés à se coaguler en une action globale unitaire.

Les fragmentations décrites précédemment expliquent cette situation.

L’objectif est en effet, comme l’affirme La France Insoumise, de fédérer le peuple sur des causes communes en lui offrant des perspectives, des moyens d’action réalisables et efficaces.

Cette perspective de transformation sociale est proposée par le programme en évolution : l’Avenir en commun.

Une tâche prioritaire est donc de faire connaître l’existence et le contenu de ce programme à la population, programme qui pourrait alors constituer un ciment idéologique pour recoller les fragments. Mais ce travail ne pourra aboutir sans une analyse des peurs faisant obstacle à la prise de ce ciment.

Il faut donc dissoudre la peur avec des solvants appropriés éventuellement adaptés aux différentes catégories de population. Il y a certes des peurs communes qui impliquent des causes communes mais il existe aussi des causes et peurs spécifiques auxquelles il faut donner des réponses spécifiques.

La crainte d’un étudiant de ne pouvoir poursuivre ses études faute de moyens financiers n’est pas la même que la crainte d’un ouvrier de perdre son emploi qui n’est pas non plus la même que celle d’un petit commerçant obligé de fermer boutique.

Mais en même temps que l’on répond à des peurs particulières de fractions de la société, il faut montrer qu’il existe une communauté générale de destin résultant d’un partage inapproprié et injuste des richesses produites par la population active.

Via une sixième république, il faudra instaurer un État au service de l’intérêt général, défendant les biens communs, les libertés publiques et les droits sociaux. L’État doit retrouver une dynamique d’investisseur et créateur d’emploi dans l’économie réelle. Il faudra passer d’un état néolibéral autoritaire au service des multinationales à un état réellement démocratique et protecteur au service du peuple. Cette reconfiguration de l’État permet de faire fonctionner une économie beaucoup plus stable et assurant une réelle sécurité sociale au sens large.

On retrouve ici la dialectique entre le particulier et le général. Comme vu plus haut, la peur est un obstacle à l’usage de la Raison et au désir de changement.

Il faut donc se montrer à la fois calme, rassurant redonner de l’espoir et du sens, redonner de la confiance en proposant du commun pour construire un Avenir en commun.

LFI possède tous les outils intellectuels et politiques pour répondre à ses peurs et satisfaire cet espoir. Mais encore faut-il que LFI arrive à obtenir une audience suffisante pour que ses idées soient connues et comprises par une grande majorité de la population.

**Ressources

Dynamiques sociales et forme de la peur. (Nouvelle revue de psychosociologie)

https://www.cairn.info/revue-nouvel...

La politique de la peur. Jean Paul Dollé. Cairn info. Revue Ligne. https://www.cairn.info/revue-lignes...

La zone entre classes laborieuses et classes dangereuses  : les marges parisiennes de la Belle Époque à la fin des années 1970 James Cannon

Dans Espaces et sociétés 2017/4 (n° 171), pages 37 à 54 https://www.cairn.info/revue-espace...

Différer le mal : la logique du bouc émissaire Stéphane Vinolo Dans Sens-Dessous 2011/2 (N° 9), pages 56 à 66

https://www.cairn.info/revue-sens-d...

Conférence (vidéo) sur l’anthropologie de la peur. https://www.youtube.com/watch?v=E5m...

Peur. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Peur

Les peurs collectives. Wikipédia https://fr.wikipedi fait mal a.org/wiki/Peur_collective

Politique de la peur. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Polit...

Culture de la peur https://fr.wikipedia.org/wiki/Cultu...

Quand la peur prend les commandes : peur, anxiété, angoisse. Aspects neurophysiologiques https://lecerveau.mcgill.ca/flash/a...

Pourquoi avons-nous peur de la technologie ? https://www.lefigaro.fr/economie/le...

Techno critique et techno phobies. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Techn...

L’insécurité culturelle. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Ins%C...

25 métiers qui ont totalement disparu https://www.je-change-de-metier.com...

Livres : ’Archipel français Naissance d’une nation multiple et divisée . Éd. Seuil Jérôme Fourquet présentation du livre et débat (vidéo) https://www.youtube.com/watch?v=EPs...

Le mystère français Emmanuel Todd et Hervé Le Bras

Le savoir et la peur de Denis Duclos. Éd. La découverte

L’état, la peur et le citoyen par Nicolas Arpagian (Auteur) -Du sentiment d’insécurité à la marchandisation des risques.

Hervé Debonrivage


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