La résistance internationale contre le lawfare se consolide avec son 1er forum mondial

vendredi 14 août 2020.
 

En septembre 2019, des représentants du mouvement de la France insoumise rencontrent Teresita Quinto Deles, l’ancienne coordinatrice nationale de la Commission de lutte contre la pauvreté et conseillère de la présidente Gloria Macapagal-Arroyo pour le processus de paix aux Philippines.

Au même moment, une tribune internationale pour condamner les pratiques de lawfare à travers le monde, réunit des centaines de personnalités – ce qui ne manqua pas d’intéresser celle qui était devenue, depuis 2017, l’une des chefs de file des comités de soutien pour la libération de la Sénatrice Leila de Lima, emprisonnée injustement aux Philippines depuis bientôt 3 ans. Inspirée par cette initiative, et enthousiasmée par l’idée de construire une lutte mondiale contre l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, l’idée a émergé de créer un forum international sur la lawfare en Asie.

Cinq mois plus tard, les 21 et 2 février 2020, se tenait à Manille le premier Forum mondial sur la lawfare grâce à l’engagement et au travail de coordination et d’organisation entre les différents acteurs de la société civile des Philippines.

Leila De Lima, victime de lawfare

La date choisie pour cette première rencontre internationale était symbolique : il s’agit de l’anniversaire des 3 ans d’emprisonnement de la sénatrice Leila De Lima, l’un des cas les plus emblématiques de lawfare en Asie.

Leila de Lima a été désignée Présidente de la Commission des droits de l’Homme aux Philippines en 2008. Dans l’exercice de ses fonctions, elle enquête sur le Maire de Davao, un certain Rodrigo Duterte pour des exécutions extrajudiciaires perpétrées dans la ville. En 2016, malgré ces accusations, Duterte devient Président des Philippines et Leila de Lima est quant à elle, élue sénatrice dans le groupe d’opposition au Sénat.

Au début de son mandat, Duterte annonce une « guerre contre la drogue » consistant à débarrasser les Philippines des vendeurs et consommateurs de drogue. Selon lui, cette guerre est nécessaire pour protéger la population. « Notre intention n’est pas de tuer. Notre intention est de protéger des vies humaines. (…) Donner des zones sûres pour vivre. Des rues sécurisées pour marcher. Des lieux sécurisés où travailler ».

Dès lors, il encourage ouvertement à « éliminer » en toute impunité des vendeurs ou des consommateurs de drogue pour la sécurité de tous. Alors que les assassinats se multiplient, la sénatrice De Lima, devenue Présidente de la Commission Justice, va déposer une résolution pour enquêter sur ces meurtres extrajudiciaires commis ou couverts par le gouvernement Duterte dans sa « guerre contre la drogue ». Le Président Duterte réagit e annonçant dans plusieurs médias vouloir « détruire la sénatrice Leila de Lima ». Quelques semaines plus tard, la sénatrice est accusée, par des trafiquants emprisonnés, d’être à la tête d’un « trafic de drogue ». Suite à ces accusations, elle sera emprisonnée le 23 février 2017 sans aucun procès. Après 17 mois en prison, elle est mise en accusation. D’autres accusations viendront se rajouter au dossier pour atteinte à l’« éthique » concernant des détails de sa vie privée.

Depuis 2017, de nombreuses voix à travers le monde se sont élevées contre cet emprisonnement arbitraire. Le Parlement européen et le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme ont notamment demandé la libération immédiate de la sénatrice philippine. Une enquête des Nations Unies est par ailleurs ouverte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) sur les meurtres extrajudiciaires commis aux Philippines. En guise de réponse, le Président Duterte a retiré les Philippines des membres de la CPI.

Cette « guerre contre la drogue » aurait déjà fait 40 000 morts selon plusieurs ONG. Pour Duterte : aucune inquiétude, il s’agit uniquement d’une guerre contre des riches barons de la drogue, mais dans les faits les victimes sont à 95% des pauvres. Parmi les personnes assassinées prétendument liées au trafic de drogue, 40 juges, 49 dirigeants syndicaux, 2 professeurs abattus en pleine classe…

Dans un tel contexte, la détention de cette sénatrice revêt un caractère particulier. En tant que défenseur des droits humains et de l’État de droit, la France insoumise s’est toujours tenue aux côtés de ceux et celles qui partout dans le monde luttent contre les pratiques de lawfare.

La France insoumise a exposé son cas

Ainsi, lors du premier Forum international sur la lawfare à Manille, la France insoumise était représentée, d’abord par Jean-Luc Mélenchon qui a adressé depuis Paris un message vidéo à l’ensemble des participants et intervenants internationaux. Puis Marina Mesure, secrétaire générale de la délégation LFI au Parlement européen, présente sur place, a pu revenir en détails sur les cas des lawfare qui ont touché l’Europe et l’Amérique Latine. Elle est notamment revenue dans ses interventions sur les pratiques de lawfare en France visant le mouvement France insoumise puis sur le cas de Lula au Brésil.

Ce premier forum a rassemblé plus de 1000 participants et a été couvert par tous les principaux organes de presse indépendante du pays ainsi que des médias internationaux. Un véritable succès ! L’ensemble de l’opposition aux Philippines était représenté, du sénateur d’opposition Francis Pangilinan au Président de la Commission des droits de l’Homme, José Luis Gascon. Au niveau international, des intervenants du Cambodge, de Malaisie, des messages de solidarité de Hong Kong, de Thaïlande et d’Indonésie. Les participants ont convenu à la fin du forum de continuer le combat, d’élargir les réseaux mondiaux contre la lawfare en Afrique, en Amérique Latine et en Europe. De belles perspectives de lutte à venir.

Les principaux intervenants internationaux lors du Forum

Joyanathi Devi Balagaru de Malaisie Présidente du réseau international des femmes libérales. Réseau défendant les droits humains, les libertés individuelles, l’égalité des chances, la justice sociale et l’État de droit. Elle a présenté des cas de lawfare en Chine et à Singapour. Alors que Singapour est considéré comme un modèle économique pour toute l’Asie, ce succès cache une triste réalité de violations récurrentes des droits de l’homme. Plusieurs attaques ont été perpétrées, notamment contre le leader d’opposition Chee Soon Juan du Parti démocratique de Singapour (SPD), plusieurs fois emprisonné et interdit de quitter le territoire. Emi Lau dirigeante du Parti démocrate de Hong Kong dont le parti condamne avec force les violences policières envers les manifestants. Plus de 7000 manifestants ont été arrêtés mais aucun policier n’a été poursuivi. Le Parti démocrate ainsi que la société civile demande une commission d’enquête indépendante sur ces arrestations et violences policières. Ils attendent beaucoup de la communauté internationale pour soutenir cette revendication. Mu Sochua ancienne Ministre et députée du Cambodge[1] a commencé par exposer le cas de la Thaïlande puisque le 21 février 2020, la Cour Constitutionnelle du pays a dissous le principal parti d’opposition Future Forward Thailand. Les 87 parlementaires de ce parti doivent trouver un autre parti politique afin de ne pas perdre leurs sièges au Parlement. Les dirigeants de ce parti sont désormais inéligibles pour 10 ans. Au Cambodge, Mu Sochua est Vice-Présidente du parti CNRP, principal parti d’opposition. En 2013, le parti a obtenu 44% des votes lors des élections nationales. Aux élections communales de 2017, ils ont obtenu également 44% des votes (3 millions de votes). Le Premier Ministre Hun Sen a dissous le parti CNRP à la veille des élections générales de novembre 2017 depuis les dirigeants sont en exil (Sam Rainsy en France, Mu Sochua aux États-Unis) ou incarcérés comme le dirigeant Kem Sokha. Mu Sochua vit en exil depuis novembre 2017. [1] Cambodge : Monarchie constitutionnelle, Roi : Norodom Sihamoni et Premier ministre Hun Sen. Colonie française de 1863-1953, Guerre Vietnam, Khmer rouge 1975-1978, Guerre Vietnam puis restauration monarchie 1993

MARINA MESURE


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