En Italie, l’inquiétante prolifération de maisons de retraite illégales

vendredi 22 mai 2020.
 

La Péninsule, qui compte une importante population âgée, a vu apparaître un phénomène inquiétant, dénonce le Corriere della Sera. De simples structures se présentent abusivement comme des maisons de retraite médicalisées, et des hospices totalement illégaux sont créés dans des appartements privés, dans des conditions souvent déplorables.

Dans un pays où 22,6 % de la population a plus de 64 ans (soit le pourcentage le plus élevé de l’Union européenne), l’assistance aux personnes âgées est forcément une question sensible. Toutes les familles italiennes ne pouvant pas prendre soin elles-mêmes de leurs seniors, elles font souvent appel à des établissements spécialisés.

Or, selon le Corriere della Sera, ces dernières années, l’augmentation de la demande a donné lieu à de nombreux abus. “En Italie, le manque de places dans les maisons de retraite et leur coût élevé ont favorisé la naissance de structures clandestines. Des ‘hospices’ illégaux ont ainsi proliféré dans tout le pays”, dénonce le quotidien de référence, qui a mené une enquête sur ce phénomène aussi méconnu qu’inquiétant.

Du fait de l’insuffisance structurelle de services, les familles italiennes (surtout celles qui ont des moyens limités) sont tentées de faire appel à des établissements illégaux, explique le Corriere della Sera. Le journal détaille les rouages de ce système au travers du témoignage du général des carabiniers Adelmo Lusi :

“Il s’agit d’établissements qui ne sont autorisés à fournir que des prestations d’assistance, mais qui promettent également des soins de santé, alors que très souvent ils ne disposent pas de personnel spécialisé. Cela peut avoir des conséquences sur des seniors qui présentent des pathologies telles que la maladie d’Alzheimer, la démence sénile, les handicaps moteurs ou l’instabilité psychique.” Des hospices “faits maison” improvisés dans des appartements

Pour schématiser, on peut parler de maisons de retraite transformées illégalement en maisons de soins, ou Ehpad. Un phénomène qui prend des proportions énormes, puisque, selon les statistiques des services de police relayées par le quotidien milanais, “en Italie, au moins 30 % des maisons de retraite transformées en maisons médicalisées sont irrégulières”.

Mais il ne s’agit pas que de ça. Dans certains cas, l’irrégularité ne se limite pas à faire passer un type d’établissement pour un autre, mais consiste à mettre sur pied de véritables “hospices improvisés” dans des appartements privés, et où le séjour est payé en noir. Ainsi, le Corriere della Sera présente une sélection des cas les plus extrêmes qui ont émergé dans la presse italienne ces derniers temps :

“À Pistoia, en Toscane, le propriétaire d’un immeuble avait improvisé un hospice ‘fait maison’ en accueillant sept femmes dépendantes âgées de 78 à 79 ans, en les confiant à deux aides à domicile étrangères. À Ferrare, en Émilie-Romagne, un couple de seniors s’était fait convaincre d’en accueillir dix autres à son domicile. […] Enfin, à Palerme, en Sicile, un octogénaire a été retrouvé errant dans la rue. Il vivait dans un hospice totalement illégal, qui avait été créé par l’abattement d’un mur et qui abritait onze vieillards.” Régulariser les aides à domicile étrangères pour résoudre le problème ?

Il s’agit souvent, en outre, d’endroits insalubres, dénonce le journal italien, et qui, en plus de ne respecter aucun standard de sécurité sanitaire, baignent dans des conditions d’hygiène déplorables. “Certaines structures ont même des fenêtres condamnées, comme s’il s’agissait de maisons inhabitées”, s’indigne le quotidien milanais.

Il ne sera pas facile de résoudre ce problème structurel, qui retire toute dignité à une partie conséquente des aînés italiens, prévient le Corriere della Sera. Lequel avance tout de même une proposition :

“Dans une situation comme celle-ci, où l’État éprouve les plus grandes difficultés devant le nombre croissant de personnes âgées dépendantes (on en compte 3 millions actuellement mais ce chiffre pourrait doubler durant la prochaine décennie), ne faudrait-il pas régulariser ces aides à domicile étrangères qui vivent dans la clandestinité ? Aujourd’hui, elles assistent déjà un million d’Italiens. Des seniors qui, s’ils n’étaient pas aidés par ces personnes, pèseraient encore davantage sur nos structures d’accueil.” Corriere della Sera


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