Le Pen va bien, merci pour elle

vendredi 13 septembre 2019.
 

L’extrême droite peaufine sa rentrée. Et s’assure de faire parler d’elle tout au long du mois de septembre et plus loin encore : municipales en ligne de mire.

Ce week-end, alors qu’on ne l’entendait plus, Marine Le Pen paradait dans les rues d’Hénin-Beaumont à l’occasion de la traditionnelle braderie. À la fin de la semaine, les 14 et 15 septembre, le rassemblement national réunira ses militants à Fréjus pour ses universités d’été. Enfin, le magazine L’Incorrect (ligne conservatrice et identitaire), organisera une grande convention de la droite le 28 septembre et réunira autour de Marion Maréchal tout ce qui se fait de plus tendance en matière de néoréacs, anti-immigré, antisocial, anti-PMA (naturellement), bref anti-beaucoup-de-choses, parmi lesquels une bonne dose de testostérone : Laurent Alexandre, Eric Zemmour ou encore Ivan Rioufol. Même Raphaël Enthoven est annoncé pour ce premier rendez-vous « qui a vocation à devenir le lieu incontournable des débats philosophiques et politiques de demain ». Rien que ça. Le philosophe « viendra en adversaire loyal », précise-t-il au Monde.

Si cette rentrée de l’extrême semble si bien soignée et organisée au millimètre près, c’est que le parti de Marine Le Pen espère bien mettre toutes les chances de son côté pour aborder l’échéance de l’année qui vient : les municipales. Le RN est déjà solidement implanté dans de nombreux territoires (PACA, Occitanie, Hauts-de-France) et espère a minima sauver ses mairies – dont il ne cesse de vanter les bilans – comme à Hénin-Beaumont, Fréjus, Beaucaire, Mantes-la-Ville, Camaret-sur-Aigues, Cogolin, Hayange, Béziers, Villers-Cotterêts ou le Pontet. Certains discrets sondages donnent le RN en bonne position dans près de 150 villes de France, dont des villes de plus de 100.000 habitants, à l’instar de Perpignan qui pourrait tomber dans l’escarcelle de l’extrême droite, à la faveur d’une quadrangulaire – comme ça risque d’être le cas dans de très nombreuses communes. Marine Le Pen a prévenu : elle veut être l’alternative à Emmanuel Macron. Et pour elle, ça commence par l’ancrage local. Ne pas laisser l’extrême droite à Macron

De son côté Emmanuel Macron joue de ce duo politique infernal. Il joue avec le feu. Pour lui, c’est « moi ou le chaos ». Donc vous n’avez pas le choix : « Votez pour moi ». Ça vaut à la présidentielle comme aux européennes et ça vaut désormais pour les municipales. Macron devait être le rempart à l’extrême droite : on se retrouve aujourd’hui avec une Marine Le Pen quasi-impériale. Et un succès du RN aux élections municipales remettrait inévitablement Marine Le Pen en selle pour l’échéance présidentielle de 2022. Or comme le rappelle Eric Fassin : « Qui peut être certain que dans la prochaine élection présidentielle, voter Macron contre Le Pen ce sera voter pour la démocratie ? C’est bien ça le problème aujourd’hui. Quels arguments va-t-on trouver pour s’opposer au Front national quand on a l’impression qu’en matière d’immigration, en matière de violences policières et en matière économique, finalement, les différences ne sont pas si grandes ? » Fort juste. Et ça fait froid dans le dos…

Macron a une responsabilité immense dans la progression de l’extrême droite. Mais la gauche n’est pas en reste. Parce qu’il ne suffit plus de dénoncer que le Front national, même dans sa version relookée en Rassemblement national, est un parti raciste, pour lutter contre sa progression. C’est toujours utile et nécessaire de le rappeler mais ça n’est plus suffisant. Le mouvement d’extrême droite a changé : sur l’Europe, sur la laïcité, sur l’écologie. Il ne s’agit pas de lui donner raison, il s’agit de viser juste. Il suffit de lire l’article de Cyril Lecerf-Maulpois dans le dernier numéro de Regards où il dénonce l’imposture écologique. Ou encore d’y lire l’analyse du sociologue Ugo Palheta qui rappelle que sur bien des sujets, le RN « opère un va-et-vient qui renvoie à des choix tactiques selon la conjoncture politique et les objectifs du moment ». Et si son fonds de commerce reste « l’immigration » et « l’islamisme », il faut bien reconnaître que le parti de Marine Le Pen a désormais investit tous les champs.

Viser juste, ça commence sans doute par s’appuyer sur les attentes populaires et sur le mouvement critique existant pour redonner sens à des majorités populaires de gauche centrées non sur le combat contre « l’élite » mais contre un « système » social qui produit la division entre dominants et dominés. Enfin, il s’agirait également pour la gauche de ne pas s’égarer sur les thèmes et terres de prédilection de l’extrême droite. Comme la question migratoire. Ou celle de l’islam par exemple…

Pierre Jacquemain


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