8 Janvier 1454 : l’Église catholique et le Pape Nicolas V bénissent l’esclavage et la traite négrière !

samedi 2 mars 2024.
 

L’Église catholique a joué sur un triple registre négrier, en co-produisant une idéologie de légitimation de la traite et de l’esclavage des Africains et de leurs descendants ; en s’impliquant directement dans le partage des prédations négrières ; enfin en étant bénéficiaire économique et confessionnel de la traite négrière.

Extrait de la Bulle du Pape Nicolas V, du 8 janvier 1454, qui a eu pendant des siècles des conséquences désastreuses sur les Africains .

" Nous avions jadis, par de précédentes lettres, concédé au Roi Alphonse du Portugal, entre autres choses, la faculté pleine et entière d’attaquer, de conquérir, de vaincre, de réduire et de soumettre tous les sarrasins (c’est-à-dire les Africains), païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient, avec leurs royaumes, duchés, principautés, domaines, propriétés, meubles et immeubles, tous les biens par eux détenus et possédés, de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle, (...) de s’attribuer et faire servir à usage et utilité ces dits royaumes, duchés, contrés, principautés, propriétés, possessions et biens de ces infidèles sarrasins (Africains) et païens...

Beaucoup de Guinéens et d’autres Noirs qui avaient été capturés, certains aussi échangés contre des marchandises non prohibées ou achetées sous quelque autre contrat de vente régulier, furent envoyés dans les dits Royaumes ".

L’église catholique, accoudée à ses anciens coalisés de la période esclavagiste tente d’allumer des contre-feux médiatiques visant à faire pièce au puissant vent d’exigences de reconnaissance et de réparations qui a agité comme une lame de fond la Conférence Contre le Racisme de Durban en septembre 2001. La diversion toute trouvée a été la piteuse mise en scène en 2003 de prélats catholiques africains, qui plaidaient une responsabilité africaine dans la Traite négrière. Cette sortie inconséquente donnant volontairement ou non à s’absoudre aux associations négrières avérées : Lumières, Royautés, Industriels et Eglises. Il s’agit de rendre à l’Eglise catholique l’entièreté de l’empreinte déposée de son ensauvagement - incivilisation - négrier.

Il est important de saisir la traite négrière comme une énorme entreprise de pratiquement cinq siècles de barbarie pendant lesquels l’alliance criminelle et afrocide des puissants d’Europe a fonctionné comme un broyeur d’humanités. Prélats, aristocrates, industriels, savants se sont mutuellement soutenus et influencés pour fabriquer une an-Afrique à leur image : le lieu spécialisé d’une déportation sanglante de millions d’Africains esclavisés.

L’autorité morale de l’Eglise dans la société européenne était incontournable pour toute activité d’ampleur, elle régissait le quotidien, le spirituel, imbriquée au pouvoir qu’elle renforçait et à qui elle en imposait. La puissance d’évocation de la chrétienté, les territoires dominés par la religion et l’ordre chrétien relevaient de la diligence des hautes cimes de la société européenne.

Ainsi l’Eglise catholique a t-elle joué sur un triple registre négrier, en co-produisant une idéologie de légitimation de la Traite et de l’Esclavage des Africains et de leurs descendants ; en s’impliquant directement dans la partage des prédations négrières ; enfin en étant bénéficiaire économique et confessionnel de la Traite négrière.

D’un point de vue idéologique, l’Eglise a popularisé la légende de la descendance de Cham, fils maudit de Noé dans la Bible, condamné à n’être à jamais que l’esclave de l’esclave de ses frères, identifiant les Africains aux descendants de Cham…

Cette désignation arbitraire d’une couleur, d’une altérité à mettre sous les fers, permettait de contribuer à l’extinction en Europe de stades extrêmes d’asservissements, accordant les pratiques d’exploitation sociale des puissants avec le discours chrétien à usage interne. Les infidèles, païens, hérétiques et incroyants lointains devenaient des esclaves par nature pour les mélanodermes spécifiquement.

Dans ce contexte de justification de l’injustifiable, de légitimation de l’illégitime par essence, le 8 janvier 1454, Nicolas V, de son vrai nom Tommaso Parentucceli [1398-1455], 208e pape, écrit au souverain du Portugal Alphonse V une bulle papale spéciale l’autorisant à soumettre en esclavage les "nègres" de Guinée et les "païens".

Cette position de l’Eglise catholique, accompagnée de la légende de Cham que la noble institution diffusait sans s’encombrer de son réel fondement textuel et théologique, trop contente de disposer de nouveaux territoires de croisades, d’évangélisation, ferait autorité balayant les réticences des négriers en herbes et traitants néophytes.

La position de l’Eglise catholique par rapport à la Traite négrière n’allait pas être un épiphénomène loin de là, ses encouragements à l’ensauvagement esclavagiste continueraient tout au long de la période négrière, à l’instar de l’activisme doctrinaire de l’éminent théologien français Bellon de Saint Quentin, qui se servait des "Saintes Ecritures" pour libérer la conscience des traitants qui s’en remettaient à sa science.

L’Eglise catholique fut aussi l’institution qui consacra, par l’intermédiaire de son représentant le pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia de son vrai nom, le partage du monde entre le Portugal et l’Espagne en 1494 par le traité de Tordesillas. Au Portugal, revenaient l’Afrique, l’Asie et le Brésil alors que l’Espagne se voyait octroyée le reste de l’Amérique. JPEG - 24.5 ko Traduction de l’affiche ci-jointe : "Vente d’esclaves !" dans la note de bas de page [1]

Théoricienne et organisatrice de la Traite négrière, l’Eglise allait s’activer pour en être un bénéficiaire direct et temporel, ne s’oubliant pas au festin des prédateurs. En effet lorsque le premier acte négrier fut posé par le rapt de dix Africains, perpétré par une expédition militaire portugaise menée par Nuno Tristan et Antam Gonsalves, les « meilleurs esclaves » furent offerts à Gabriele Condulmer dit Eugène IV, 207e pape de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. A cela s’ajoutent les esclaves qui travaillaient dans les abbayes, monastères et autres lieux de résidence des religieux, soumis à toutes les servitudes liées à leur double de statut de bien meuble et d’esclave par nature, convertible à souhait au christianisme.

Il ne faut pas oublier, en sus, le Code noir qui régissait dans les colonies françaises l’ensemble des soumissions et tortures légales des esclavisés, tous les instants de leur quasi-existence étant par décret orientés vers l’économie de plantation. Ce Code fait expressément référence à l’Eglise catholique, seule religion autorisée dans les colonies, monopole sur le marché du divin ...

Il convient par conséquent de rendre au christianisme négrier ce qui lui revient, de s’armer d’une intransigeante culture de veille devant les nouveaux assauts de évisionnisme décuplés depuis que la question des réparations à la Traite négrière est abordée dans les grands forums internationaux comme Durban. La soudaine publicité au Vaudou béninois se termine rituellement dans les médias occidentaux par l’allégation avec pseudo témoignages de la participation volontariste du Dahomey à la Traite négrière. De telles indigences intellectuelles programmées pour produire des effets de désagrégation des dynamiques afro-diasporiques en cours et pour insensibiliser les opinions publiques occidentales à leur culpabilité historique procèdent par compilations sélectives des faits relatifs à la Traite négrière.

Il est caractéristique que l’on ne se demande pas quelle était l’économie du Dahomey avant son entrée dans la Traite esclavagiste … Cette absence n’est pas neutre, elle s’explique par la nécessité de présenter des cas purs de collaboration volontaire d’Africains à leur démolition négrière. Or les historiens n’ignorent pas que avant que le Dahomey tombe pieds et poings dans les filets négriers, le roi Agaja Trudo avait déployé une énorme énergie résistante et politique pour arrêter la traite, proposant d’autres formes explicites de coopérations aux pays européens, faisant appel à leurs artisans, ainsi qu’il en fut des rois Ashantis, Kongo, etc…

Akam Akamayong

Source : AFRIKARA


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