Le parti de Marine Le Pen vote à Bruxelles le contraire de ce qu’il prône à Paris

mardi 21 mai 2019.
 

Soutien aux multinationales, désintérêt pour l’écologie, mépris pour les travailleurs… nous avons passé au crible le bilan des eurodéputés du Rassemblement national  : un démenti cinglant de leurs promesses de campagne.

« On arrive  !  » C’est le slogan belliqueux choisi par le parti de Marine Le Pen pour les élections européennes. Pourtant, avec 24 eurodéputés élus en 2014, le Front national (désormais Rassemblement national) était déjà la première délégation française au Parlement européen. Alors qu’ont-ils fait de leur mandat  ? La liste menée par Jordan Bardella, donnée en tête dans les sondages, se pique de vouloir renverser la table face à une Union européenne qui «  n’est plus qu’un cimetière de promesses trahies  », affirme Marine Le Pen. En la matière, elle sait de quoi elle parle, tant l’exercice du pouvoir de son parti a systématiquement démenti ses promesses électoralistes. Si elle se targue de défendre les intérêts des classes populaires, son action à Strasbourg raconte une tout autre histoire et révèle l’incroyable imposture idéologique d’un parti qui prétend protéger les plus faibles.

En octobre 2015, alors qu’un enfant européen sur quatre est aujourd’hui menacé de pauvreté ou d’exclusion sociale, le rapport Zuber rappelle les États à leurs responsabilités en matière d’accès à des services publics de qualité et préconise de renforcer «  l’efficacité, la quantité, les montants et la portée des aides sociales destinées spécifiquement aux enfants, mais également aux parents chômeurs ou aux travailleurs pauvres, comme les allocations-chômage et un revenu minimal adéquat  ». Que votent les eurodéputés FN  ? «  Contre…  » Le cas de la protection des lanceurs d’alerte est également symptomatique. «  Ce sont des personnes courageuses qui révèlent des agissements illégaux ou contraires à l’intérêt général  », affirme le parti d’extrême droite. Pourtant, le 24 octobre 2017, les eurodéputés FN s’opposent au rapport de Virginie Rozière, qui vise à protéger les lanceurs d’alerte. Pire, le 13 avril 2016, ils s’allient au PS et à LR pour voter en faveur de la directive «  Secret des affaires  », une bombe contre les lanceurs d’alerte et le droit d’informer, au profit des lobbies industriels et des multinationales.

Quand le Rassemblement national se couche devant les multinationales

Sur la lutte contre l’évasion fiscale, le Rassemblement national n’a pas non plus brillé par sa combativité. Le 16 décembre 2015, après le scandale des LuxLeaks, une résolution est adoptée «  en vue de favoriser la transparence, la coordination et la convergence des politiques en matière d’impôt sur les sociétés au sein de l’Union  ». Les eurodéputés FN s’abstiennent… sans avoir porté le fer dans la bataille d’amendements pour donner plus de portée au texte. Idem sur la désindustrialisation. En 2016, l’annonce de la fermeture des usines Caterpillar en Belgique et Alstom à Belfort avait suscité le vote d’une résolution pour des solutions de lutte contre la désindustrialisation. À l’exception de Florian Philippot, tous les élus FN avaient voté contre.

Même fiasco sur les accords de libre-échange, pourtant en contradiction totale avec le concept de «  localisme  » rabâché par la tête de liste Jordan Bardella. Au printemps 2015, Marine Le Pen se présente comme la principale opposante au Tafta, affirmant qu’elle sera «  la force motrice du débat public  ». Pourtant, dix jours plus tard, lors d’un vote stratégique entérinant des mécanismes d’arbitrage qui instituent une justice privée à la solde des multinationales, la dirigeante d’extrême droite est aux abonnés absents. Même double discours en 2017, au sujet du fameux Ceta, l’accord de commerce entre l’Europe et le Canada. Si Marine Le Pen consent cette fois à se déplacer pour s’y opposer en plénière sous l’œil des caméras, elle ne mènera aucune bataille au sein de la commission Commerce international, dont elle est pourtant membre. En 2015, le Dieselgate, scandale industriel et sanitaire lié aux fraudes du groupe Volkswagen, fait l’effet d’une bombe. Le Parlement décide alors de lancer une commission d’enquête. Là encore, les élus FN s’y opposent. Pas touche aux intérêts de l’industrie automobile  !

Interdiction de la pêche électrique, de l’épandage de pesticides nocifs ou encore des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles… les eurodéputés FN ont toujours voté contre, en dépit de leur volonté affichée de repeindre en vert leur projet politique. Sur le glyphosate, alors que Marine Le Pen s’est publiquement prononcée contre son utilisation en janvier dernier, aucun eurodéputé de son parti n’a voté en faveur de l’amendement qui proposait d’interdire immédiatement «  la production, la vente et l’usage du glyphosate  ». Quant aux droits des femmes, là aussi, l’imposture du RN se révèle au grand jour. Qu’il s’agisse du congé maternité à 20 semaines partout dans l’UE ou de l’égalité salariale, ses eurodéputés ont voté contre tous les rapports présentés depuis 2014 renforçant les droits des femmes.

Le RN a aussi été rattrapé par ses incessantes guerres intestines. Entre exclusions et départs tonitruants chez les concurrents, en cinq ans, ses effectifs ont fondu de 24 à 15 élus. «  La postérité vous maudira !  » lançait Jean-Marie Le Pen, il y a un mois, pour sa dernière intervention à Strasbourg, après 35 années passées à siéger au Parlement. Le bilan de son parti politique en faveur des peuples européens ne passera pas non plus à la postérité.

Maud Vergnol

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