AQUARIUS : LES BONS, LA BRUTE ET LES FAUX-JETONS

lundi 27 août 2018.
 

A) Lourde est la responsabilité des Etats qui ont obstinément refusé toute mutualisation de l’accueil

La décision du gouvernement italien de refouler l’ « Aquarius » et ses 629 réfugiés a placé sous les feux des projecteurs l’action exemplaire des bénévoles de « SOS Méditerranée ». C’est cette magnifique association qui réalise sans relâche des sauvetages en mer avec ce navire depuis 2016, l’année où plus de 4500 personnes (!) fuyant la Libye sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée . De nombreux autres anonymes financent par leurs dons ces onéreuses opérations. D’autres encore prennent le relai à terre en bravant le « délit de solidarité ». Chapeau bas à ces citoyens et ces citoyennes solidaires, modestes et courageux : ils et elles sauvent l’honneur de l’Europe.

A l’opposé, un pays fondateur de l’Union européenne, longtemps pays d’émigration, s’est donné comme nouvel « homme fort » un personnage abject, qui a promis d’expulser 500 000 « sans-papiers » et qui traite les ONG recueillant des rescapés de « vice-passeurs » , désormais bannis des côtes italiennes. Les Italiens se sont, pourtant, longtemps montrés particulièrement ouverts aux réfugiés. J’ai pu le constater naguère auprès de la population de l’île de Lampedusa, la plus directement confrontée à l’arrivée quasi-ininterrompue de rescapés de leur périlleuse traversée de la Méditerranée.

Lourde est la responsabilité des Etats qui ont obstinément refusé toute mutualisation de l’accueil, quitte à faire d’une partie des populations exaspérées et débordées des proies faciles des démagogues fascisants de « la Ligue » . La « patrie des droits de l’homme » n’est pas la dernière à avoir acculé l’Italie en instaurant le « verrou de Vintimille » et en renvoyant de l’autre côté de la frontière, par dizaines de milliers, des exilés africains, hommes, femmes -y compris enceintes- et enfants confondus !

Et maintenant ? Il faut sortir d’urgence de cette hypocrisie ! A défaut d’une contre-offensive démocratique et solidaire des principaux Etats européens, la gangrène risque de s’étendre rapidement. Déjà, un « axe » anti-migrants vient d’être constitué entre les ministres de l’intérieur italien, autrichien et allemand, décidés à ouvrir des… « camps d’accueil » de réfugiés à l’extérieur des frontières de l’UE ! Cessons d’attendre de « l’Europe » des décisions qui relèvent pour l’essentiel , dans les traités actuels, des seuls Etats membres ! Même l’exécrable « Règlement de Dublin » n’oblige aucun pays à renvoyer un demandeur d’asile vers le pays par lequel il est entré en Europe, comme l’avait montré Angela Merkel en 2015. Ne faisons pas non plus dépendre toute action d’un impossible consensus des 28 Etats de l’UE. Paris s’honorerait à décider tout de suite : d’abord de respecter les timides engagements de la France en matière de « relocalisation » des réfugiés bloqués dans les pays dits « de première arrivée » ; ensuite, de se résoudre enfin, avec tous les pays qui y sont prêts, à une gestion solidaire de l’accueil des réfugiés -les Etats refusant d’assumer cette co-responsabilité devant payer le prix de leur unilatéralisme- ; enfin de dissiper le fantasme de l’ « invasion » en rappelant par exemple que les 650 000 personnes ayant obtenu le droit d’asile en 2017 dans toute l’Union européenne représentent moins de 0,13% de la population des 28 Etats membres !

Source : https://franciswurtz.net/2018/06/20...

B) Août 2018 L’histoire se répète pour l’« Aquarius »

“Nouveau conflit politique autour de l’Aquarius”, déplore La Stampa. Le navire humanitaire, qui a secouru vendredi 141 migrants au large de la Libye – dont une moitié de mineurs et plus d’un tiers de femmes –, a demandé dimanche aux pays européens “de lui affecter un lieu de débarquement sûr et proche”.

L’Italie a été la première à lui opposer une fin de non-recevoir, fidèle à la ligne anti-immigration adoptée depuis juin par son gouvernement populiste. Dans un tweet, publié par le quotidien La Repubblica, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini écrit : “Propriété allemande, loué par une ONG française, équipage étranger, dans les eaux maltaises, battant pavillon de Gibraltar : l’Aquarius peut aller où il veut mais pas en Italie  !”

Soulignant lui aussi que l’Aquarius est immatriculé à Gibraltar, le ministre des Transports, Danilo Toninelli, a appelé pour sa part “le Royaume-Uni à prendre ses responsabilités en matière de protection” des migrants secourus par l’Aquarius, selon La Stampa.

C’est la “première fois que le gouvernement de Theresa May est confronté à une telle injonction de la part d’un autre pays membre de l’Union européenne”, observe The Guardian. Cela n’a pas empêché les Britanniques de botter en touche : selon un porte-parole du gouvernement, cité par le quotidien britannique, “il est établi que la responsabilité d’organiser le débarquement, dans un port proche et sûr, incombe à la coordination de secours maritime régionale appropriée, et en accord avec les souhaits du commandant de bord”.

Quant à Gibraltar, il a annoncé lundi qu’il allait retirer son pavillon à l’Aquarius, au motif qu’il est enregistré, depuis 2009, comme “navire de recherche alors qu’il est utilisé à des fins de secours en mer”, explique Sky News. La suspension sera effective le 20 août, et l’Aquarius passera alors sous pavillon allemand – la nationalité du propriétaire du navire. Mais pour SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, qui exploitent le navire, l’Autorité maritime de Gibraltar ne cherche qu’à “déguiser une manœuvre politique derrière un argument incohérent”.

Malte ayant aussi fermé ses ports au navire, les yeux se tournent maintenant vers la France et l’Espagne, qui avait sorti l’Aquarius de l’impasse en juin dernier, en accueillant ses 630 migrants après plus d’une semaine d’errance de port en port. Mais “le gouvernement de Pedro Sánchez ne semble pas disposé, du moins pour le moment, à réitérer l’expérience de l’Aquarius”, croit savoir El País.“Des sources officielles à la Moncloa assurent qu’en l’état actuel des choses, l’Espagne n’est pas le lieu de débarquement le plus sûr car elle n’est pas la plus proche, selon les règles du droit international.” La mairie de Barcelone s’est portée volontaire pour accueillir les migrants, si le gouvernement lui donnait le feu vert.

La situation est similaire en France, où le port de Sète a proposé de recevoir les migrants, “dès lors que les autorités françaises le lui permettront”, précise Le Soir. Mais l’Élysée n’a pas encore pris de décision, se contentant pour l’instant de discuter avec ses partenaires européens. Le président du port de Sète, l’ancien ministre communiste Jean-Claude Gayssot, a exhorté le gouvernement à lui donner son feu vert : “C’est la dimension humanitaire qui doit prévaloir, il s’agit de sauver des vies, des familles”, a-t-il dit.

Guglielmo Mangiapane

https://www.courrierinternational.c...


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