Pour une appropriation populaire des médias (PCF)

mardi 29 mai 2007.
 

Tous les jours la libéralisation se poursuit. Il nous faut résister et construire sans attendre. Contribuer à la création d’un espace de confrontations, de débats, de démocratie et de luttes. La rencontre, l’échange, les forums, les luttes... cela passe par toutes les formes de « résistance » à la déréglementation, à la libéralisation, au démantèlement et aux privatisations des services publics. Résister pour conserver un secteur public fort en France et en Europe garantissant l’égalité, le pluralisme des expressions et des idées, les missions d’intérêt général...

1.Construire une nouvelle souveraineté populaire sur les médias

Les arts et la culture, l’information comme élément du débat public constituent un bien commun dont le partage nécessite qu’ils soient soustraits à la loi du marché. Les médias sont un lieu privilégié de cet échange. Ils doivent être mis dans l’obligation d’en respecter la fonction démocratique sous le contrôle des citoyens et des institutions garantes de l’intérêt général.

Le Droit à l’information doit être inscrit dans la Constitution .

La Constitution affirmera la nécessité que ce Droit à l’information, au divertissement et à la culture constitue une responsabilité qui incombe à l’ensemble des médias publics et privés.

Elle actera la création d’un Conseil Supérieur des Médias.

Elle mentionnera les grands principes de propriété et de financement des médias (audiovisuels, presse écrite, internet).

L’assemblée nationale établira et contrôlera le cahier des charges des médias publics et privés sur avis du Conseil Supérieur des Médias.

Création d’un Conseil Supérieur des Médias .

Chargé du contrôle du respect des obligations en la matière, sa composition sera tripartite : Élue-s, Professionnels et Citoyens dans les représentations qu’ils se donnent (syndicats, associations...) ; son président ou sa présidente sera élu-e par le Conseil sur proposition du président ou de la présidente de l’Assemblée Nationale.

Il assurera les fonctions actuelles du CSA (Conseil supérieur des médias) du BVP (bureau de vérification de la publicité) et des autorités de régulation : attribution des canaux et des fréquences, respect du pluralisme de l’information, élaboration d’une « charte de la publicité »...

Il travaillera à l’élaboration de statuts des médias (audiovisuels, presse) publics, privés et associatifs en relation étroite avec les organisations professionnelles concernées.

Par ailleurs, il assurera une mission de mesure qualitative et quantitative de l’audience des médias audiovisuels dont il définira les indicateurs.

Il rendra compte de son travail devant les Etats généraux des médias et sollicitera le Parlement autant que de besoin.

Assurer la souveraineté populaire .

Des États généraux des médias, constitués de professionnels (journalistes, salariés, auteurs...), d’élus de la représentation nationale et de citoyens (syndicats, associations...) constituera un espace de dialogue permanent et de suivi de l’activité des médias, de leur fonctionnement, du respect des conventions et des engagements. Ces États généraux disposeront d’un droit d’interpellation du Conseil supérieur des médias ou des Conseils d’administration des entreprises du pôle public avec une Information publique de ces échanges.

Démocratiser les entreprises, donner de nouveaux droits aux salariés .

Le droit des salariés et leur représentation dans les conseils d’administration seront accrus dans les entreprises de presse, dans l’audiovisuel public et privé.

Dans les structures du secteur public, la représentation des salariés sera portée à 50%, un collège associé des usagers sera institué et régulièrement consulté, le/la prédisent-e sera élu-e par le conseil d’administration sur proposition du Conseil supérieur des médias et sur présentation d’un projet d’entreprise débattu par le conseil.

2. Refonder le service public

Pour cela, il faut tout à la fois élargir son périmètre, le soustraire à la logique financière, le rénover, démocratiser sa gestion, sécuriser les statuts de ses personnels, redéfinir les contenus de la formation, étendre ses missions et renforcer sa coopération à l’échelle européenne et internationale.

La refondation du service public s’appuiera sur les orientations suivantes :

* assurer une maîtrise publique des infrastructures, des centres de production, de diffusion de recherche et des réseaux d’information, protéger et défendre les droits des créateurs et de la propriété intellectuelle, permettre l’accès de toutes et de tous au patrimoine commun de l’écrit, du son et du visuel ;

* garantir dans leur fonctionnement les médias alternatifs et associatifs dont l’existence et l’action concourent au service public ; .à partir de ce socle d’un secteur public renforcé, diversifié et démocratisé, définir des missions et obligations de service public pour les entreprises privées, en matière de développement durable, de production, de création, de pluralisme etc, par le biais de cahiers des charges votés par la représentation nationale sur proposition du Conseil supérieur des médias après consultation des états généraux permanents des médias ;

* instaurer des coopérations européennes entre services publics pour développer de grands projets industriels de recherche, des coproductions ou des échanges culturels, permettant de résister à l’hégémonie du marché, de relancer la croissance et l’emploi, de préserver l’exception culturelle pour développer la diversité culturelle et le pluralisme de l’information. Notons qu’une telle perspective nécessite la remise en cause des critères de Maastricht et la transformation du rôle de la BCE ;

* renforcer l’investissement public et dégager de nouveaux moyens pour financer ces mesures.

Une conception étendue du service public

Notre conception du service public, qui s’écarte délibérément de la logique financière, ne nous conduit pas à un retour en arrière vers le monopole d’État. Nous voulons prendre en compte les évolutions du combat démocratique. Le service public aujourd’hui, c’est à la fois le secteur public et les médias associatifs. Nous nous prononçons pour qu’ils constituent ensemble un pôle public des médias, ce qui inclut le développement non monopolistique, mais réel du secteur public lui-même.

Un pôle public des médias

Trop souvent, malgré la résistance des professionnels, des syndicats, le secteur public n’apparaît plus comme vraiment différent du privé. Même si les chaînes du groupe France Télévision, notamment France 3 ou Arte, peuvent susciter des sympathies, le secteur public dans son ensemble est considéré comme un « tuyau » de plus. Il se distingue d’autant moins de l’offre privée qu’il en adopte tous les principes de gestion. Cela se ressent dans sa programmation comme dans le traitement de l’information.

Son renouveau n’est pas un retour à l’ORTF, mais doit permettre le développement de l’intervention publique au sein d’un « pôle public » élargi et recomposé qui rassemblerait les réseaux de diffusion et de communication, des moyens de production, France Télévisions, Radio France, RFI, France 5, CFI, Euronews, l’INA et l’AFP.

Les réseaux de diffusion et de communication

Dans le cadre de la convergence des technologies (satellites, câbles, TNT, ADSL, UMTS, Wimax...), nous affirmons que le déploiement cohérent et universel de ces réseaux découle d’une responsabilité nationale.

Dès lors, il convient de reconstituer un pôle industriel de télécommunication de grande envergure, garant d’une couverture universelle du territoire pour l’ensemble des technologies disponibles et d’une politique de recherche et d’innovation technologique ambitieuse. Ce pôle public dont le noyau sera constitué par les entreprises TDF et France Telecom aura vocation à gérer les infrastructures financées ou subventionnées par les fonds publics (existantes ou à venir), à fédérer les initiatives publiques ou non-marchande en matière de création de déploiement des réseaux de télécommunication et à développer des politiques de coopération industrielle au niveau européen et mondial.

Un service public de production

La disparition de la SFP n’a pas détruit toute capacité de production audiovisuelle. Les moyens du groupe France Télévisions et notamment ceux de France 3 et de RFO, doivent être augmentés.

Un périmètre élargi

Pour sa part directement rattachée au secteur public, le pôle public des médias sera constitué de France Télévisions, Radio France, RFI CFI, Euronews, l’AFP et l’INA.

L’AFP agence de presse internationale indispensable au pluralisme de l’information dans le monde pourrait être associée au pôle public des médias dans un GIE à part égale avec France Télévision pour développer des projets communs sur la vidéo ou l’image animé sur le web et des projets de coopération avec l’INA (vidéo forum par exemple) en associant d’autres structures comme le CNRS. L’investissement public doit permettre de conforter et de développer la présence de l’agence dans le monde (165 pays), un collège associé au CA de l’AFP, regroupant des entreprises de presse internationales, permettrait de conforter le pluralisme dans les sources de l’information. L’ensemble de ce processus de regroupement sera contrôlé par les États Généraux Permanents et le Conseil supérieur des médias.

Et T F 1 ?

TF1 bénéficie d’une concession jusqu’en 2012. Ce renouvellement s’est effectué alors que cette chaîne ne respecte pas le cahier des charges sur lequel elle s’est engagé et notamment le fameux « mieux disant culturel » qui avait présidé à la privatisation de ce média.

Faut-il renationaliser TF1 ? La question se pose. A tout le moins, il faut donner un cours délai à cette chaîne pour respecter ses engagements faute de quoi la résiliation de la concession s’imposerait, ouvrant vers un nouvel appel d’offre ou vers la nationalisation.

Les chaines associatives

Elles sont aujourd’hui légalisées par la nouvelle loi sur la liberté de communication. Il faut désormais leur assurer une existence véritable dans le paysage audiovisuel français et les moyens de leur indépendance.

Il faut leur réserver une part suffisante des ressources en fréquences, des créneaux satellites et sur le câble ; créer un Fonds de soutien à l’expression audiovisuelle citoyenne alimenté par une taxe sur les chiffres d’affaires des entreprises qui exploitent les ressources hertziennes à des fins commerciales (chaînes privées, mais aussi opérateurs de téléphonie mobile)

Les collectivités territoriales peuvent contribuer au financement des chaînes associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité sur les questions de diffusion et de production. Un cahier des charges garantira l’indépendance de ces chaînes. Elles pourront bénéficier de commandes publiques. La coopération avec France 3 et ses moyens de production sera recherchée.

Les moyens d’une telle politique

Le financement de ces propositions nécessite un complet retournement de la tendance actuelle qui s’en remet toujours davantage au privé. La refondation d’un service public des médias passe par un ré-investissement public, une véritable politique industrielle publique nationale, des coopérations européennes et internationales soutenues par des organismes bancaires associés et une taxation élargie de la publicité.

Ces dispositions nécessitent la remise en cause du pacte de stabilité européen et la transformation du rôle de la BCE. Les investissements nécessaires seront assurés grâce aux ressources suivantes :

- 1. La politique industrielle nationale et de coopération déjà évoquée.

- 2. La réforme de la redevance pour augmenter son rendement en la modulant en fonction des revenus des citoyens. Le service de la redevance sera maintenu et conforté pour lui permettre de mener à bien cette réforme et son exécution.

- 3. Un élargissement du prélèvement sur les recettes publicitaires (chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros en 2004) pour alimenter un fond de répartition géré par l’État en faveur : - du pôle public des médias - de la presse écrite d’information générale indépendante (fonds de modernisation de la presse aide aux journaux disposant de peu de rentrée publicitaires), - de l’AFP. - des éditeurs indépendants - Une taxation de 5% des dépenses de publicité représenterait 1,5 milliards d’euros. Pour comparaison, les ressources publicitaires de France Télévisions représentent actuellement 700 Millions d’euros et les besoins de l’AFP s’élèveraient à 300 millions...

- 4. La création d’un Fonds de Soutien à l’Expression Audiovisuelle Citoyenne alimenté par une taxe parafiscale sur les chiffres d’affaires des entreprises qui exploitent les ressources hertziennes (bien public inaliénable) à des fins commerciales.

- 5. Déductions fiscales en faveur des citoyens qui s’abonnent à des journaux quotidiens ou qui participent aux souscriptions organisées par les journaux pour tenter d’équilibrer leur budget.

Nous pensons indispensable de libérer les médias publics du diktat de l’audimat et pour cela d’interdire en l’espace de trois ans toute publicité sur les médias publics. Nos propositions permettent de conserver les revenus de la publicité nécessaire au fonctionnement du pôle public des médias et à la presse indépendante.

L’ensemble de ce processus se fera sous le contrôle du Conseil supérieur des médias, de même que la suppression de la publicité sur toutes les émissions destinées aux enfants.

3. Développer la création, la diffusion, renforcer la diversité culturelle, assurer le pluralisme de la presse pour le pluralisme des idées et de l’information

Nous sommes entrés en France, en Europe et dans le monde dans une nouvelle ère médiatique.

Elle a des implications économique, politique, culturelle, sociale, redoutables pour les professions de la presse. Elle menace à terme un acquis démocratique jusque là communément admis en France : celui du pluralisme de la presse pour le pluralisme des idées. Elle menace aussi le débat social, politique, la reconnaissance de l’exception culturelle comme moyen de développement de la diversité culturelle.

Les groupes qui se constituent n’ont pas pour seule activité les médias et la communication. On a vu, en quelques années, des entreprises, dont la vocation était la diffusion de l’information, devenir des groupes combinant presse écrite, son, images communication, distributions de produits culturels et de divertissement. Puis, par le jeu des fusions acquisitions, ces groupes se sont agglomérés à des entreprises dont les métiers d’origines sont le bâtiment, l’armement, l’aviation ou les produits de luxe. Une partie de ces activités existe grâce à la commande publique, émanent de l’État ou des collectivités territoriales. Ces groupes cherchent à faire passer les lecteurs et les téléspectateurs du statut de citoyens à celui de consommateurs. L’information, la culture deviennent des marchandises. Si la priorité des médias devient la captation de recettes publicitaires et la rentabilité du capital investi, toute critique du système, dont ils vivent et dépendent, sera anesthésiée.

Tout cela pousse au formatage des supports de l’information, de la création et de la diffusion culturelle.

Les mots, les sons et les images ne sont plus proposés aux citoyens de façon contradictoires pour permettre le jugement, ils s’inscrivent, la plupart du temps, dans un discours unique à partir de la recherche du sensationnalisme, de sujets racoleurs qui font vendre ou monter l’audimat.

Le marketing pèse d’un grand poids sur les choix éditoriaux et artistiques. Ainsi par exemple, TF1 exige que les créations artistiques, les films ou les séries, tiennent compte de rythmes imposés s’adressant aux pulsions des téléspectateurs et programmés en fonction des coupures publicitaires.

Ces codes deviennent de fait des obligations pour l’ensemble de la production télévisuelle, y compris publique. L’extension de cette culture « marketing » déborde la télévision pour peser sur l’ensemble des représentations et des comportements.

Au bout de ce chemin se profile une véritable aseptisation culturelle et démocratique. La fonction de contre-pouvoir des médias, est renvoyée au rang des utopies d’antan. Nous entrons dans une période nouvelle où les groupes de médias vont cumuler puissance économique et hégémonie idéologique, précisément pour s’inscrire dans la guerre économique mondiale et pour pérenniser le capitalisme mondialisé qui connaît pourtant une crise exacerbée.

Des phrases comme « TF1 vend à Coca Cola du temps de cerveau disponible » de Patrick Le Lay ou « un journal doit diffuser des idées saines » de Serge Dassault ne sont pas des écarts de langage, c’est la pensée profonde des milieux du capital.

Nous proposons de rendre à la création sa liberté, de défendre et promouvoir le pluralisme de la presse, de construire un espace public d’information et de débats réellement pluraliste.

Adopter une véritable loi anti concentration

* Réformer les dispositifs anti-concentration et interdire, notamment pour les grands groupes financiers, industriels et de services, les situations de quasi monopole national ou régional dans la presse, l’audiovisuel et l’édition. D’une manière générale, il faut garantir la diversité des filières de production dans le domaine de l’image, du son et de l’écrit ;

* prévoir une réforme de l’actionnariat des principaux groupes privés de communication en progressant dans le sens d’une appropriation sociale basée notamment sur la réévaluation de la place des salariés de ces entreprises ;

* assurer l’égalité de traitement des territoires par une couverture nationale s’appuyant sur une intervention publique reconstituée (TDF, flotte de satellite, adsl...) ;

* garantir une égalité de traitement des émetteurs en particulier pour le secteur non marchand, les médias locaux et associatifs ;

* interdire la brevetabilité des logiciels, garantir la liberté des internautes respecter le droit des auteurs et des oeuvres par la taxation des fournisseurs de services et d’accès commerciaux ;

* rendre gratuitement accessible à tous le patrimoine culturel numérisé et dégagé des droits d’auteurs en permettant une réappropriation sociale progressive des catalogues d’oeuvres détenus et exploitées par le privé grâce à une réduction de la durée des droits d’exploitation ;

* réglementer la diffusion publicitaire en limitant l’envahissement de l’espace public ; dans toutes les entreprises de médias, renforcer le rôle des syndicats ;

* donner un statut légal aux sociétés de personnels et de journalistes ;

* prévoir l’association des sociétés de téléspectateurs, de consommateurs et d’usagers aux projets des entreprises de l’audiovisuel ;

* défendre le pluralisme dans la presse écrite payante quotidienne, magazine et régionale d’information générale ; rénover les principes coopératifs mis en place à la Libération notamment par un soutien accru au réseau de distribution et de vente des journaux, en particulier aux dépositaires de presse dont le rôle doit être considérablement revalorisé ;

* accompagner cette loi cadre par une loi de programmation financière pluriannuelle permettant de définir les investissements publics nécessaires, la redistribution des produits fiscaux de la publicité, les indemnisations fiscales aux citoyens « souscripteurs » et les coopérations souhaitées en France, en Europe et dans le Monde.

Libérer la création, respecter le pluralisme

La culture et l’information, participent de l’intérêt général. Ils constituent des biens communs à partager. Le pluralisme des médias est un pilier fondamental de l’exercice de la citoyenneté réelle. Il doit être considéré comme un bien culturel au sens plein du terme.

L’accès à une information honnête, pluraliste, c’est-à-dire contradictoire, à la culture, au savoir, doit être considéré comme un droit.

Les « décrets Tasca » doivent être abrogés, pour permettre la reconstitution d’un vrai pôle de production publique.

Les cahiers des charges des entreprises publiques ou des entreprises privées délégataires de missions de service public seront débattus aux états généraux permanents des médias, par le Conseil supérieur des médias et adoptés par l’Assemblée Nationale. Ils prévoiront :

* les mesures déjà évoquées permettant un fonctionnement démocratique des grandes missions d’information et de communication ;

* la réalisation d’oeuvres de création et leur diffusion aux heures de grande écoute ;

* le contrôle, par les Conseils d’Administration, du recours à des producteurs privés, l’internalisation de la production des émissions du « flux » et l’élargissement des commandes de production aux petites et moyennes structures indépendantes ;

* le respect du pluralisme de l’information : sa présentation de façon contradictoire, la diversification des éditorialistes, la programmation d’émissions ouvertes aux acteurs de la vie sociale ;

* la suppression progressive de la publicité dans le secteur public, son interdiction partout selon qu’elle s’adresse à certains publics (enfance) ou dans certains domaines (culture, livre, presse) tout en mettant en place une véritable information des consommateurs.

La question des droits d’auteurs

La numérisation de l’information et de la connaissance, par son traitement informatique, avec des capacités presque illimitées de stockage, la révolution de l’acheminement quasi instantané des données, la réduction quasiment à zéro du coût de reproduction de la connaissance forment une révolution technologique et sociétale (la diffusion de l’ordinateur personnel et de l’accès à l’internet) qui ouvre de gigantesques possibilités.

Le passage à une économie qui se fonde essentiellement sur le savoir et la coopération impose, de fait, la nécessité d’une mutation du concept de « propriété intellectuelle ». Le contrôle sur les sources même de l’innovation, sur les gisements de connaissances et les stocks de données devient un enjeu majeur.

Les biens « savoir et information » ne présentent plus les caractères d’exclusivité, de rivalité, de divisibilité, de cessibilité, de difficulté de reproduction et de rareté qui permettaient de marchandiser leur usage et donc de rendre applicables effectivement les droits de propriété intellectuelle. Il est vain, anachronique et inadmissible de poursuivre en justice les internautes qui téléchargent sur la toile musiques, films ou textes. Cette liberté décuple en effet le pouvoir d’innovation et de coopération pour la production de savoir. Mais cette liberté qui doit être préservée de la loi du marché doit être compatible avec la liberté et la nécessaire rémunération de celles et ceux qui produisent des oeuvres et des idées.

Celles et ceux qui vivent de leur art sont rétribués. Mais à la différence des artisans leur revenu ne s’éteint pas dans la vente du produit de leur activité ; ils ont des droits sur toutes les formes de reproductions qui sont tirées de leur « oeuvres », le droit patrimonial. Ils conservent également un autre droit (le droit moral) qui leur permet de s’opposer à des adaptations, à des formes de reproductions qui dénatureraient le produit de leur art ou de leur intelligence. L’interprétation ordinaire du droit moral tend à en faire une sorte de droit patrimonial renforcé, offrant des garanties que le copyright américain n’offre pas.

L’oeuvre créée n’est pas séparable dans sa consommation d’une activité de connaissance qui lui confère chaque fois son sens. Ce qui décide du droit moral d’un créateur ou auteur à s’opposer à tel ou tel usage de son activité, c’est la destination, l’intention patente de l’oeuvre. Le droit matériel de propriété se trouve subordonné au droit de savoir, de connaître. À la différence du brevet industriel qui marchandise simplement la reproduction des procédés de fabrication ou des processus originaux des inventeurs, le droit moral concédé aux créateurs leur laisse un droit de suite indéfini de leur vivant étendu ensuite à leurs héritiers.

L’auteur ou le créateur isolés s’avèrent, à la différence de l’entreprise, incapables de peser sur le marché. C’est là qu’apparaissent divers intermédiaires, véritables entreprises marchandes, qui se proposent contre cession des droits d’exploitation, de commercialisation de recouvrer les revenus découlant des droit patrimoniaux. Mais avec les NTIC et le réseau du WEB, le compromis juridique qui visait à rémunérer le créateur, l’inventeur se trouve lui aussi remis en question.

Renvoyer au marché les auteurs, les créateurs, les compositeurs, les artistes (ce qui ne vaut déjà que pour une toute petite partie d’entre eux) est une fausse solution. Sans redéfinition complète des droits de la nouvelle propriété publique, on en restera au régime tout puisant du marché, tempéré çà et là de subventions se bornant à soigner les symptômes.

Le web a créé un marché non marchand de la connaissance et de la reconnaissance, ainsi que de l’interaction mondialisée, tant mieux !

Les créateurs, les artistes, les inventeurs et chercheurs, doivent faire valoir leurs droits de propriété et réclamer que le marché paye toutes consommations intermédiaires cachées qu’il incorpore dans ses produits.

Nous proposons d’explorer des voies nouvelles :

* redéfinir l’assiette des taxes permettant de prélever des « droits d’auteur » en taxant notamment les fournisseurs d’accès et de services commerciaux sur Internet ;

* une gestion transparente de ces recettes fiscales par des sociétés civiles sous contrôle citoyen ;

* une redistribution de ces taxes non annexée au seul pourcentage des « ventes » des produits culturels ;

* la mise en place et la valorisation de réseaux d’échange de savoirs techno-scientifiques et culturels ;

* l’interdiction de brevetabilité des logiciels et la promotion des logiciels libres ;

* l’aide à la production de contenus culturels par le biais d’agences publiques et l’encouragement à toutes les formes de coopération et de mutualisation des savoirs ;

* le développement national et européen « d’industries culturelles à but non lucratif », qui assure la rétribution des auteurs et producteurs de contenus.


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