Il faut exclure la Turquie de l’OTAN !!!

vendredi 16 mars 2018.
 

Hadrien Desuin* dénonce l’inaction de l’OTAN, qui se révèle incapable de mettre un frein aux massacres commis par les Turcs et leurs alliés djihadistes à l’encontre des Kurdes de Syrie réfugiés à Afrin. Cette complaisance des Occidentaux à l’égard de leur allié ralentit pourtant la lutte contre Daech.

Tandis que la plupart des regards occidentaux étaient fixés sur la poche tenue par l’opposition islamo-djihadiste dans la Ghouta orientale, l’armée turque continuait son offensive plus au nord, dans le canton kurde d’Afrin. L’aviation et l’artillerie d’Erdogan pilonnent la ville et ses troupes sont désormais tout proches, prêtes à lancer l’assaut final.

Si, d’un point de vue tactique, le combat en zone urbaine pourrait permettre aux Kurdes syriens de rééquilibrer le rapport de force, il est évident que la chute d’Afrin aurait des conséquences humanitaires tragiques. Il semble par ailleurs que l’armée syrienne ait limité son appui aux milices kurdes faute d’obtenir des contreparties territoriales dans la province de Der Ezzor. Les tentatives russo-syriennes sur la rive gauche de l’Euphrate, là d’où sont partis les renforts pour Afrin, ont été stoppées nette par la coalition américaine. Quant à l’aviation de Bachar Al-Assad, elle ne peut pas rivaliser avec la chasse turque sans l’appui des Russes.

L’armée turque prend le risque d’entretenir à l’infini cette guerre civile syrienne

Mais c’est au niveau stratégique que la situation est la plus préoccupante. Laisser l’armée turque descendre tout le long de sa frontière avec la Syrie, c’est donner à Ankara un ascendant au centre du Moyen-Orient. Avec ses supplétifs djihadistes qu’elle croit manipuler mais qui finissent toujours par lui échapper, l’armée turque prend le risque d’entretenir à l’infini cette guerre civile syrienne. Pour éviter que ses conquêtes militaires ne dégénèrent en conflagration régionale, tout devrait être fait pour rétablir la souveraineté de la Syrie dans toute sa diversité. Qui peut croire en effet qu’Erdogan, enivré par ses tentations impériales, se retirera de lui-même et sans contreparties, une fois son nettoyage anti-Kurde terminé ? Depuis 1974, au nord de Chypre, l’armée turque est toujours là, rendant impossible la réunification de l’île. Le dirigeant islamo-nationaliste turc pratique la politique extérieure comme sa politique intérieure : par des coups de force. Brimés en Anatolie, il faudrait que les Kurdes soient aussi brutalisés en Syrie ? L’autonomie Kurde n’est pas une option, c’est une nécessité politique. La complaisance occidentale (mais aussi russe) avec le « grand Turc » doit cesser rapidement avant qu’il ne soit trop tard. L’exclusion de la Turquie de l’OTAN est une mesure qui doit être envisagée de toute urgence à Bruxelles.

Parce que la Turquie serait une alliée indispensable de l’OTAN dans le cadre d’une réactivation absurde de la guerre froide en Russie, nous serions incapables de faire pression sur elle ? Jamais avare de provocations verbales, Erdogan a tancé ses alliés atlantistes et critiqué l’inaction de l’OTAN contre l’agression kurde... Inaction coupable en effet. Mais inaction face aux djihadistes d’Erdogan qui menacent d’égorger les Kurdes pendant que nos troupes manœuvrent tranquillement dans les plaines des pays Baltes. Pourtant un simple périmètre d’interdiction de survol (« no fly zone ») avait été imposé aux Turcs pendant toute la guerre de Syrie, soit par les Russes depuis Lattaquié, soit par les Américains depuis leur base turque d’Incirlik. Les Kurdes, qui ont résisté héroïquement à Daech, à Kobané et ailleurs, jusqu’à conquérir leur capitale de Raqqa, sont aujourd’hui abandonnés.

L’OTAN voudrait redonner à Daech le contrôle de Raqqa, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.

Hadrien Desuin, Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin est essayiste. Il vient de publier La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (éd. du Cerf, 2017).


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