Le monde paysan se meurt. La normocratie favorise le capitalisme agro-industriel

mercredi 7 mars 2018.
 

Ne soyez pas indifférent à ceux qui morflent actuellement : après les mineurs, les métallos, les paysans sont dans l’œil du cyclone, votre tour viendra.

Vous aimez les grands espaces, vous voulez fuir le tumulte urbain. Vous voulez être le réalisateur de votre vie professionnelle. Vous avez l’esprit d’entreprise, vous voulez semer, voir grandir votre projet et en récolter les fruits. Je vois, vous rêvez d’un retour à la terre. Bienvenue à vous. Et surtout bon courage : il vous faudra faire des sacrifices, ce sera le prix de votre liberté.

Un conseil, dépêchez-vous avant qu’il ne soit trop tard.

Le monde paysan se meurt. Disons qu’on le fait crever à petit feu. Le paysan se fait rare, l’agriculteur se suicide, les exploitants agricoles sont souvent des exploités. Le monde agricole est un monde déjà bien tourné vers l’avenir : à croire que c’est un laboratoire en plein champ, une expérimentation grandeur nature.

Pourtant nourrir ses semblables est une fonction honorable. Mais cette tâche fait à peine vivre une bonne partie de ceux qui s’y consacrent corps et âmes. Un suicide tous les deux jours, telle est la rançon de la modernité. À cause du libéralisme triomphant qui capte toujours plus de richesses, qui génère les inégalités sociales, la pauvreté et le chômage, il faut bien nourrir la population pour pas cher : ce n’est pas nouveau, il y a eu la suppression des Corn Laws en 1846, qui permit, grâce aux importations, d’abaisser le prix du pain en Angleterre, donc de maintenir le salaire des ouvriers assez bas, et, in fine, aux industriels de produire à bon compte...

Péremptoire, le deus ex machina s’est exprimé au salon de l’agriculture : « Quand on va au restaurant ou ailleurs, 70 % de la viande qu’on mange n’est pas ‘‘faite’’ en France. Mais on est mauvais. Et bien c’est nous, c’est pas le Mercosur » (24/02/18). J’invite ce sinistre histrion d’aller renouveler ses propos, les yeux dans les yeux, aux conjoints et aux enfants de ceux qui tous les deux jours se suicident parce qu’ils seraient « mauvais ».

Ce qui est sûr, c’est qu’il est un domaine où la France, enfin l’État français, est performant : les normes. Elles sont définies, imposées au nom de l’environnement, de la santé publique. Mais, les faits sont têtus, elles ne favorisent que la concentration, l’industrialisation. L’agriculture devient un secteur économique comme les autres où les profits sont entre quelques mains.

Avec les normes, les contrôles de l’administration parachèvent le travail de sape : le tatillon le dispute à l’arbitraire. A contrario, l’administration est tout miel avec les grands acteurs : et, oui, le chantage à l’emploi est un bon argument.

Les paysans sont toujours plus contraints : puçage obligatoire des animaux au nom de la traçabilité, alors que, dans l’agroalimentaire, on refourgue du « minerai » sans trace. Les contraintes pour les uns, le laisser-faire pour les autres.

La « normocratie », la puissance de la norme, pour contraindre le grand nombre et le libéralisme sans frontière pour quelques-uns, telle est notre réalité.

Vous n’êtes plus trop sûr de vous lancer dans l’aventure ?

Ne soyez pas indifférent à ceux qui morflent actuellement : après les mineurs, les métallos, les paysans sont dans l’œil du cyclone, votre tour viendra.

L’ordre doit régner : l’ordre économique s’entend.


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