Vers un enfermement massif des demandeurs d’asile

lundi 4 décembre 2017.
 

Immigration. Une proposition de loi des députés constructifs, soutenue par le gouvernement, veut instaurer une rétention «  préventive  » des étrangers. Entretien avec la Cimade.

Gérard Collomb et Édouard Philippe s’apprêtent à profiter d’une prétendue «  initiative parlementaire  » pour porter un coup sans précédent aux droits des étrangers. Alors que le gouvernement est en pleine préparation, pour le début de l’année 2018, d’un énième projet législatif destiné à «  réformer en profondeur  » le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, hier, un nouveau texte a pourtant été examiné en commission des Lois, à l’Assemblée. Il devrait être présenté en séance publique début décembre. Portée par les constructifs, cette proposition permettrait, selon ses instigateurs, une «  bonne application du régime d’asile européen  ». Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, dénonce, lui, une manipulation de l’exécutif pour permettre «  l’enfermement massif des demandeurs d’asile  » sous procédure Dublin. Entretien.

En quoi ce nouveau projet va-t-il porter atteinte aux demandeurs d’asile  ?

Jean-Claude Mas Ce texte représente une bascule inédite. L’intention des constructifs, visiblement téléguidés par le gouvernement, est de pouvoir utiliser la rétention comme une mesure de contrôle des personnes susceptibles d’être expulsées vers un autre État de l’Union européenne, avant même que leur réadmission, au titre des accords de Dublin, ait été acceptée. Dans la pratique, les forces de police pourraient constater par l’intermédiaire du système Eurodac de fichage des empreintes digitales qu’un demandeur d’asile est passé par un autre pays européen et l’enfermer, avant même de savoir s’il y sera renvoyé. C’est scandaleux  ! Et édifiant  : cela reviendrait à pouvoir enfermer une personne étrangère sans qu’aucune décision administrative d’éloignement n’ait déjà été prise. Ce texte établit un caractère préventif de la rétention des étrangers qui interroge le socle même de l’État de droit. On dépasse la limite de l’arbitraire.

La Cour de cassation, en septembre, a pourtant fermement condamné le placement en rétention des «  dublinés  »…

Jean-Claude Mas La plus haute juridiction française a considéré que «  le risque de fuite  » des personnes en procédure d’expulsion dans le cadre des accords de Dublin n’est pas établi et a condamné toute mesure d’enfermement à l’égard de ces demandeurs d’asile. Dans les faits, depuis fin septembre, des centaines de personnes ont été placées en centres de rétention administrative malgré cette décision. Les définitions de ce fameux «  risque de fuite  » envisagées dans le texte étudié, hier, par la commission des Lois englobent pratiquement tous les cas de figure pour permettre aux préfets d’enfermer un maximum de personnes étrangères. Le gouvernement ne se cachait pas de vouloir légiférer, courant janvier, pour permettre ce type de mesure coercitive. Il essaie aujourd’hui de prendre de l’avance, en catimini, en jouant sur l’effet d’aubaine d’une proposition parlementaire qui n’émanerait pas de sa propre majorité. Nous ne sommes pas dupes et condamnons fermement cette proposition de loi indigne  !

Jean-Claude Mas

Secrétaire général de la Cimade

Entretien réalisé par émilien Urbach, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message