Intervention sur le projet d’orientation budgétaire 2017

jeudi 17 août 2017.
 

Transcription écrite de l’intervention présentée à l’Assemblée nationale.

Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues

Vous nous parlez de rupture à propos de ce projet d’orientation budgétaire. Très franchement, je ne vois rien d’original et rien de nouveau.

On retrouve la baisse des dépenses publiques : 4,5 milliards dès cette année, 18 milliards annoncés pour l’an prochain.

On retrouve une « réforme » structurelle du marché du travail : en réalité, dérégulation et exonérations.

Et bien sûr la baisse des recettes de l’Etat.

En réalité, vous proposez d’aggraver ce qui ne marche déjà pas. Ce n’est pas une révolution copernicienne pour reprendre les propos de Mr Darmanin, c’est le malade imaginaire de Molière. Vous savez, le docteur Diafoirus, celui qui estimait que pour soigner son malade, il fallait toujours faire plus de saignée, même si en réalité cela l’affaiblissait. On peut penser qu’avec cette politique, le malade mourra peut-être guéri.

Je voudrais ici évoquer le volet recettes :

La première chose, c’est que vous continuez d’affaiblir le rôle redistributeur de l’impôt qui est le garant du consentement qui fonde notre république. On observe que la part des foyers fiscaux qui participe à l’impôt sur le revenu ne cesse de baisser depuis des années. Et qu’est-ce que vous proposez ? Vous proposez en réalité de transférer toujours plus cet impôt vers des impôts à taux fixe. CSG, la flat tax (que vous inventez) la TVA, qui a augmenté pour compenser en partie le coût de la CICE.

Vous dites que vous voulez baisser les impôts. En réalité, vous enrichissez les riches. Ça n’est pas nouveau, ça remonte à la politique de madame Thatcher : soit une contre-réforme fiscale qui en réalité a consisté en une baisse tendancielle du taux d’imposition maximum puisqu’environ 25 points ont été perdus depuis ces années là.

Vous dites que c’est pour augmenter le pouvoir d’achat. J’en déduis donc que vous comptez sur les riches pour augmenter la consommation populaire. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’OFCE qui explique que 46% des baisses d’impôts que vous proposez vont bénéficier aux 10 % les plus riches. Pourquoi ? il n’y aurait pas assez de riches, en France ? ils souffrent, dans ce pays ? C’est curieux car ce pays est le 3e pays au monde, après les Etats-Unis et le Japon, en nombre de millionnaires

L’an dernier, les milliardaires ont vu leurs revenus augmenter de 21%. Tout ça non plus n’est pas nouveau : en 20ans, les 10 plus grosses fortunes de France ont vu leur richesse multipliée par 12 alors que la richesse nationale n’a été multipliée que par 2.

Est-ce que cela récompense ceux qui se lèveraient plus tôt et devraient leur richesse à leur travail ? Les chiffres là aussi disent l’inverse. La part du patrimoine hérité dans le patrimoine global n’a en effet pas cessé de croitre : elle était de 40% en 1970, elle est aujourd’hui de 70%. Avec cette politique en réalité, la noblesse d’argent devient une nouvelle noblesse de sang. Vous affaiblissez l’Etat, vous affaiblissez l’impôt, uniquement pour enrichir les plus riches

M. Darmanin, vous avez dit qu’il faut prendre le mal à la racine. Moi je vous propose de pointer ce qui est le mal aujourd’hui : c’est la rente et la finance, et vous la gavez encore plus.

La part du gâteau pourtant n’a pas cessé de croître : la richesse nationale est bien plus importante qu’en 46, quand on a inventé la sécurité sociale et d’autres mécanismes de solidarité nationale. Donc pour tous ceux qui nous disent qu’en réalité, les retraites couteraient trop cher, la santé couterait trop cher, je dis que le problème dans ce pays comme dans d’autres pays industrialisés, c’est qu’il y a un transfert toujours plus important des revenus du travail vers les revenus du capital.

On l’a constaté ces jours-ci avec le CICE dont, je l’ai dit, il est difficile d’indiquer et de repérer le nombre d’emplois créés. En tous cas, il coûte très cher, entre 300 à 600 000 euros par emploi. Et cette fois ci, vous proposez de le transformer en exonération des cotisations sociales, plus la suppression des cotisations maladies et chômage. Vous nous dites : « c’est pour augmenter les salaires », mais c’est une arnaque ! vous proposez en réalité de prendre dans la poche des salariés leur salaire socialisé pour faire mine de la mettre dans l’autre

Et le bilan de cette politique, M. Le Maire, vous qui n’avez pas cité le mot chômage tout à l’heure dans votre introduction, c’est qu’il n’y a que deux courbes qui ne cessent de monter : celle des dividendes, et celle du chômage. Parce que ce qui coûte cher dans notre pays, comme partout ailleurs, nous le disons très clairement, ce n’est pas le travail. C’est le capital.

Alors moi je m’interroge, devant un tel constat : soit c’est de la complicité avec l’oligarchie financière. Et je dis très clairement, je pense que pour certains c’est exactement ça. Soit c’est de l’ignorance, et dans ce cas-là il vous reste l’été, chers collègues, pour réfléchir à cette orientation budgétaire qu’on nous propose.

Car cette orientation budgétaire, pour les riches, c’est toujours plus d’été. Et pour les pauvres, c’est la saison 7 de Game of Thrones : l’hiver arrive, toujours plus vite.


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