Versailles ou Le caprice de Jupiter

jeudi 6 juillet 2017.
 

Manu 1er, caprice à Versailles. Après l’échec d’un sommet européen du 24 juin, Jupiter a fait sa photo. Comme nombre de quadralescents, il poste ce selfie officiel sur son compte Twitter.

Le cliché évoque une publicité d’après-rasage, ou une réclame pour Hugo Boss. L’Élysée annonce ensuite que Jupiter ne fera d’interview le 14 juillet. Cette tradition lancée par Valéry Giscard d’Estaing n’avait certes aucun intérêt. Mais la justification avancée par les services de Jupiter est ridicule. Ou inquiétante. Jupiter renonce à l’exercice car sa pensée serait « trop complexe ».

Sans rire.

Sa « pensée complexe » s’accommode mal des questions de journalistes, fussent-ils adoubés par l’Élysée comme par le passé.

Jupiter convoque le Parlement en Congrès à Versailles pour le 3 juillet.« Emmanuel Macron fait congrès, mais ne répondra pas aux questions des journalistes présentateurs de journaux le 14 juillet. » explique indulgemment l’éditorialiste Bruno Roger-Petit, l’un des invités du dîner de pré-victoire à la Rotonde au soir du premier tour. Députés et sénateurs sont invités à écouter la parole présidentielle, sans pouvoir répondre, et avant même que le premier ministre Edouard Philippe n’ait pu faire son propre discours de politique générale. Les premiers à annoncer le boycott de ce caprice sont … les centristes de l’UDI, pourtant si macron-compatible. Jean-Christophe Lagarde, leur président, dénonce la manœuvre à chaud. Les élu de la France insoumise, tout comme les sénateurs écologistes et quelques députés socialistes ne seront pas non plus présents.

Ce caprice de Jupiter coutera un demi-million d’euros aux contribuables. Rien que ça. Avant, le président élu se contentait de faire lire un mot sur ses orientations aux parlementaires. Sarko, qui a fait voter une modification constitutionnelle pour permettre l’adresse directe du monarque aux élus de ses sujets, a usé une fois de la possibilité quand son quinquennat était déjà à bout. Hollande aussi, mais pour des circonstances dramatiques qui réclamaient de l’union nationale. Macron emboite les pas de Sarko, il n’a d’autre envie que de se montrer, et d’incarner ce quinquennat.

Ce caprice révèle aussi un trait de caractère aussi inquiétant qu’archaïque. Le progrès, nous explique-t-on, s’illustre dans la collaboration, le partage, le collectif, dont les échanges sont portés par les innovations numériques. Jupiter lui-même a tenté d’incarner ce changement, cette nouvelle version de la démocratie participative chère à Ségolène Royal il y a 10 ans. Porte-à-porte en tous genres, réunions tupperware, castings des candidats à la députation, etc., les premiers moments de l’histoire du mouvement En Marche sont un story-telling réussi sur un mouvement « populaire« . L’effet de contre-balancier par le comportement capricieux, archaïque, monarchique du jeune monarque est désastreux.

L’image qui se dessine de cette macronista au pouvoir est celle d’une majorité d’élus où les classes aisées sont sur-représentées, où quelques brebis galeuses qui trafiquent avec l’éthique sont protégées par l’indulgence du Roi, où une campagne financée comme une start-up fut organisée par un conseil d’administration pour aboutir à un pouvoir sur-concentré entre les mains d’un jeune Bonaparte.

La convocation du Parlement à Versailles est logique, à l’image de ce début de quinquennat.

La Vème République est monarchique, ce n’est pas nouveau. Le scrutin majoritaire aggrave cette caricature faussement démocratique puisqu’il suffit de remporter la première place, qu’importe le nombre de suffrages, pour remporter la quasi-totalité du pouvoir législatif. L’Assemblée a été élue par un processus démocratique mais elle ne représente pas le peuple, loin s’en faut. Et Jupiter ne fait preuve d’aucune humilité, d’aucune compréhension à cet égard.

Back to the Future ? La Macronista se dévoile enfin, tardivement. Un éditocrate s’étonne de l’inexpérience de bon nombre de députés. A l’Assemblée, les postes de direction se répartissent entre hommes, y compris et surtout dans la majorité macroniste. A l’étranger, le ministre Le Maire s’emmêle les pieds dans ses références antiques : « Emmanuel Macron est Jupiter. Je suis Hermès, le messager« . Hermès, dieu de l’opportunisme chez les Grecs, Jupiter, Dieu tout puissant chez les Romains…

François de Rugy, l’homme qui a retourné sa veste fois en 4 ans, est élu président de l’Assemblée nationale par un groupe majoritaire au pas.

Richard Ferrand, dont le Canard Enchaîné continue de révéler les détails de ses affaires (l’embauche de sa compagne par les Mutuelles de Bretagne et … une propriété publique du département dont l’élu présidait le conseil général), est élu à main levée, sans opposant, chef des députés macronistes.

La ministre du Travail est inquiétée dans une affaire de favoritisme.

La ministre de la Défense cache sa représentation pour la banque Edmond de Rotschild au conseil d’administration de Zodiac Aerospace. Et le député François Ruffin (France Insoumise) paraphrase Jean Gabin : »ce n’est plus un gouvernement, c’est un gigantesque Conseil d’administration ! »

« Entre l’intérêt national et l’abus de confiance, il y a une marge. » Jean Gabin, Le Président (1961), écrit par Michel Audiard.

Petite joie, la Justice délivre enfin sa mise en examen à Marine Le Pen pour abus de confiance « en sa qualité de députée européenne de 2009 à 2016 pour utilisation de fonds du Parlement européen« . On lui réclame quelques millions d’euros pour emplois fictifs au Parlement européen. La même accusation qui vient de décapiter le gouvernement de ses ténors Modem.

Manuel Valls réalise qu’il n’est plus socialiste. Benoit Hamon lance son mouvement et quitte aussi le PS. Ces temps ont des moments touchants.

Source Sarkofrance


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