Union Européenne : Le futur de l’UE se joue aussi à L’Assemblée

mardi 30 mai 2017.
 

Dans une certaine indifférence générale, la Commission Européenne a publié le 1er mars 2017 son Livre Blanc sur l’Avenir de l’Union Européenne. À 60 ans de la signature du Traité de Rome, l’Union Européenne (UE) traverse une crise existentielle. D’une part, grand nombre de citoyens n’associent plus automatiquement l’UE avec la prospérité. La gestion catastrophique de la crise financière globale, avec sa dose d’austérité et de libéralisme, a plongé l’UE dans la récession faisant exploser le nombre de personnes au chômage, notamment en Grèce, Espagne, Portugal, Italie et en France. D’autre part, le Brexit montre que l’appartenance à l’UE peut être remise en cause, ce qui semblait inimaginable il y a quelques années. Dans ce contexte, la pérennité de l’Union n’est plus du tout assurée. Cette publication marque le premier jalon de la refondation de l’Union qui doit retrouver une certaine efficacité et de légitimité pour assurer sa survie.

5 chemins, tous mènent au libéralisme

Consciente que toute réforme institutionnelle passe par la signature d’un nouveau traité et que les traités sont ratifiés au niveau national, la Commission se garde de proposer un projet concret. Toutefois, elle ouvre le débat en proposant 5 voies alternatives. Les intitulés sélectionnés pour décrire ces alternatives : « la continuité avec la politique actuelle », « rien d’autre que le marché unique », « ceux qui veulent plus font plus », « faire moins de manière plus efficace » et « faire beaucoup plus ensemble ». En lisant entre les lignes on peut dire que la Commission ne croit plus au saut fédéral, qui reste le scénario préféré à Bruxelles, et semble se résigner au scénario de l’Europe à plusieurs vitesses.

Si les cinq scénarios proposés affichent des niveaux d’ambition différents, ils partagent tous un point commun : le marché unique et le libre-échange resteront le socle de la construction de l’UE. Même dans le scénario le plus défensif pour la Commission (« faire moins de manière plus efficace »), le marché unique est renforcé. Si les États sélectionnent ce scénario, la Commission souhaite que les normes communes soient réduites au strict minimum, mais que le contrôle de leur application soit renforcé et réalisé au niveau de l’UE. Plus inquiétant, « les négociations internationales [commerciales] seraient du ressort exclusif de l’UE ». Dans le monde rêvé par la Commission, il n’y aurait plus de moyen de résister aux traités de libre échange du type TAFTA et CETA au niveau national. L’exemple de la Wallonie pour s’opposer au CETA ne sera plus possible dans la nouvelle UE.

L’harmonisation fiscale et sociale, si nécessaires pour organiser la coopération plutôt que le moins disant social restent peu présentes dans le document de la Commission. Cette harmonisation est prévue exclusivement dans le contexte d’une Europe à plusieurs vitesses (« ceux qui veulent plus, font plus »). Ceci est insatisfaisant. Si l’harmonisation se fait exclusivement sur la base du volontariat, l’Irlande ou le Luxembourg pourront conserver leur stratégie de concurrence fiscale déloyale, encourageant les sièges des multinationales à se localiser là où la fiscalité est amicale pour les actionnaires. D’autres pays, refuseront d’entrer dans les mécanismes de coopération et d’harmonisation sociale, pour faire baisser les salaires afin d’encourager les délocalisations industrielles du reste de l’UE. Si la « concurrence libre est non faussée » n’existe que dans la mythologie bruxelloise, la Commission ne propose rien pour s’en approcher.

L’Europe de la défense, pilier du futur de l’UE

Si la centralité du marché dans la construction européenne n’est pas remise en cause, la Défense Européenne occupe une place de choix pour le futur de l’UE. Comme pour le marché unique, qui est approfondi dans les 5 scénarios, la mise en place d’une Défense Européenne est prévue dans quasiment tous les scénarios retenus par la Commission. En termes de coopération de défense et de politique étrangère, le statu quo est maintenu seulement dans le scénario « rien d’autre que le marché unique ». Ce scénario reflétant essentiellement la vision britannique de la construction européenne a peu de chances de voir le jour suite au Brexit.

Le renforcement désiré de la coopération militaire ne se fait pas au profit de l’indépendance stratégique de l’Europe. Dans le scénario fédéraliste, avec un parlement européen souverain doté d’un budget conséquent, où la légitimité démocratique devrait être plus importante on pourrait penser que la Défense Européenne serait pilotée depuis Bruxelles. La Commission ne voit pas les choses ainsi. Ainsi, dans ce scénario « en totale complémentarité avec l’OTAN, une Union Européenne de la défense est créée ». Ceci en dit long sur les ambitions de la Commission.

La crise de légitimité de l’UE est tellement grave que plus personne doute qu’il faut la réformer. La Commission propose cinq chemins alternatifs. Si la philosophie institutionnelle diffère selon les alternatives proposées, le champ des possibles est réduit sur deux points : le futur de l’UE se fera autour de la concurrence et de l’Europe de la Défense.

Un calendrier proposé

Au-delà de proposer des pistes de réforme, la Commission propose un calendrier. L’année 2017 sera centrale dans la réflexion sur le futur de l’UE. Ceci est d’autant plus surprenant que les principaux pays de l’UE auront des gouvernements faibles (Espagne, Italie) ou en campagne électorale (France, Allemagne). Par ailleurs, le calendrier sera occupé par les négociations du Brexit. Ceci donnera un poids grandissant à la technostructure à la fois de Bruxelles et des États Membres dans la réflexion.

Le processus a été lancé en mars avec la publication du livre blanc et s’est poursuivi avec la publication des documents de réflexion sur la dimension sociale de l’UE et celui de la maîtrise de la mondialisation. En mai des nouveaux documents seront publiés : un sur l’avenir de l’euro (mi-mai), puis un autre sur l’avenir de la défense (juin) et enfin un document sur l’avenir des finances de l’UE (fin-juin). Deux rencontres de chefs d’État ou de gouvernement sont prévues en 2017 : la conférence de Prague sur la sécurité et la défense le 9 juin et le Sommet social de Göteborg en novembre.

Avant la fin du quinquennat, les réformes institutionnelles accordées seront traduites dans un nouveau Traité. La ratification du nouveau Traité sera faite après les élections européennes de 2019. Selon le mode de ratification choisi par Emmanuel Macron, les députés qui seront élus le 11 et le 18 juin joueront un rôle clé pour déterminer le futur de l’UE. Pour que l’UE soit un espace de coopération et de paix, il faut se battre pour avoir une majorité insoumise à l’Assemblée.

Raul S.Alquier


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