Refondons notre République sociale sur le programme de Jean-Luc Mélenchon

mercredi 26 avril 2017.
 

par Françoise Bosman, conservateure honoraire du patrimoine

La République sociale par Françoise Bosman, conservateure honoraire du patrimoine

Le tournant politique socialiste de 1983-1984, l’effondrement du bloc de l’Est en 1989-1991, le scrutin volé de 1992 du non au traité de Maastricht forment un ensemble d’événements considérables qui a des conséquences négatives aujourd’hui, avec un effet retard habituel dans la société. Peu à peu, la République sociale de plus d’un siècle s’est déconstruite dans sa réalité et dans l’imaginaire collectif. La plupart des forces politiques du pays ont vécu d’ambitions à la portion congrue, de logiques du plus petit dénominateur commun et de stratagèmes de pouvoir. Au moment où la République sociale marquait le pas, le FN est devenu une formation légitimée et utilisée, ce qui n’aurait jamais dû être accepté à gauche. Parallèlement, les tenants du capital ont accéléré leur mutation, faisant de la France le plus gros distributeur de dividendes en Europe, ce qui doit tous nous interpeller jusque dans nos pratiques militantes. Personne ne peut contester, même si la culture révolutionnaire reste un marqueur incontournable de notre pays, qu’une progressive et insidieuse glissade à droite s’est effectuée dans les consciences par la mise en cause des acquis des luttes, le mépris de classe et le poids des travestissements dans les médias comme dans le langage. Le débat sur cette glissade déplaisante n’est d’ailleurs pas mené dans maints cercles militants.

La France insoumise propose à la gauche de se ressaisir de la République sociale dont le pays est menacé de devenir orphelin. Depuis un an maintenant, c’est la force de proposition, ouverte à tous, non-politisés et dépolitisés, membres d’un parti politique ou non, d’une association ou non, salariés ou pas, actifs ou retraités, etc. C’est une large union à la base qui n’interfère pas dans la vie des partis de gauche. Il est choquant de voir qu’on lui fait des leçons d’unité au motif d’une responsabilité historique à prendre contre le FN. La France insoumise défend un programme, travaillé très en amont et très collectivement, très crédible par son chiffrage et très révolutionnaire dans sa vision globale.

Il faudrait déjà l’abandonner pour du moins-disant concocté à la dernière minute  ? Ce serait se moquer du suffrage universel et de l’intelligence des citoyens de croire que le rassemblement de Jean-Luc Mélenchon devrait rejoindre ceux qui, à gauche, sont sévèrement disqualifiés par leur bilan bien au-delà de ces cinq dernières années. D’abord, travaillons pour le premier tour de la présidentielle en confiance avec le vote direct de la population, puisque ce vote a été inventé comme un plébiscite et un coup d’État permanent. Car enfin, il est bien trop tard pour louvoyer avec la Constitution en vigueur. Plus de trente ans d’alternance politique en France n’ont pas conduit à établir le suffrage universel proportionnel rêvé par les Communards, ainsi que la révocation des élus indélicats ou inefficients. Aujourd’hui, le FN se plaint à juste titre du vol de ses 80 députés en 2012. Renoncer, quand il le fallait, à interdire un parti ennemi de la République une et indivisible, c’est renoncer à un principe issu de notre histoire, c’est contribuer à masquer les dangers ou les minimiser, réalité qui explose habilement aujourd’hui dans des sondages de la peur, si savants qu’on ne saurait les croire manipulés.

Le stratagème des compromis sur les principes républicains se retourne toujours contre les plus faibles, qui à leur tour sont tentés de se retourner contre leurs propres intérêts. La première fonction des partis d’extrême droite est d’annuler la conscience de la lutte de classe (Italie, Allemagne, Espagne, Amérique latine…). La demande actuelle à gauche de rechercher les points de convergence n’est plus à la hauteur de la situation  : ce serait légitime, si les points de divergence n’étaient gommés ou sous-évalués car ils révéleraient aussitôt l’impossibilité même de faire fructifier avantageusement cette unité incantatoire.

Refondons notre République sociale avec le programme le plus accompli, bien qu’il soit en permanence sur le métier, celui de Jean-Luc Mélenchon. Il mérite de rencontrer l’adhésion la plus résolue des républicains de la sociale et, à ce titre, ne saurait être écarté du suffrage à venir. Ne faisons surtout pas ce cadeau au FN.

Le glissement à droite de la vie politique entraîne une fracturation sévère des partis politiques traditionnels, droite et gauche confondues. Il incombe à eux seuls de construire leur avenir, car leur existence est primordiale pour aujourd’hui et demain comme hier. C’est une réalité de la République sociale. Mais il n’est pas sûr qu’ils représentent pour les scrutins de 2017 le décalque pertinent de la population.

Il faut donc en passer par le suffrage universel de 2017, où coexisteront partis politiques et nouvelles formes citoyennes de lutte et de représentation. Certes, la situation du pays s’est aggravée depuis l’alternance de 1981, car l’histoire ne repasse pas les plats à l’identique. Mais ne sommes-nous pas tous comptables – d’une manière ou d’une autre dans ce que nous consommons, dans ce que nous pensons, dans notre vie au travail, dans nos activités diverses, dans ce que nous avons dû voter – de la montée du FN en abandonnant trop longtemps la République sociale aux mains des technocrates et des comptables pour le seul profit des multinationales  ?


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