La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau avec l’aval du pouvoir politique.

mercredi 18 juillet 2018.
 

Nous avions rédigé une chronique du pillage des biens publics dont un numéro spécial était la privatisation des biens naturels où nous abordions la privatisation des cours d’eau. L’enquête qui suit va encore au-delà puisqu’il s’agit de la dispute pure et simple d’un bien naturel.

Le site Reporterre a réalisé deux articles – enquêtes très intéressants sur ce sujet peu médiatisé.

Premier article

Quand le gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau

Source : Lorène Lavocat et Fabrice Nicolino

https://reporterre.net/Quand-le-gou...

La loi sur l’eau de 2006 vise à retrouver un « bon état » écologique des masses d’eau douce. Mais discrètement, pour complaire à la FNSEA, le gouvernement a entrepris de soustraire une partie des cours d’eau à l’application de la loi. Premier volet de la grande enquête de Reporterre

C’est l’histoire d’un incroyable coup de force. Dans le secret de quelques bureaux, une coalition de politiques et de lobbyistes de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a décidé de changer la carte géographique et physique de la France. En voici le déroulé, tel que reconstitué par Reporterre.

Quand François Hollande a été élu président de la République en 2012, la FNSEA n’en éprouve aucune crainte. Ce « syndicat » paysan règne sur la politique agricole depuis plus de soixante ans. La Quatrième République, puis le régime gaulliste après 1958, ont en effet accepté de cogérer avec ses dirigeants les dossiers agricoles essentiels. Un nouveau virage a été pris quand Jacques Chirac, ministre de l’Agriculture dans les années 1970, a instauré la cogestion des politiques publiques agricoles avec la FNSEA, le syndicat ultramajoritaire dans la profession.

L’industrialisation des campagnes, les élevages concentrationnaires, l’irruption des pesticides, la destruction des haies et des talus boisés, le remembrement, le recalibrage des rus, ruisseaux et rivières, sont une œuvre partagée. Essentiellement entre le ministère de l’Agriculture, les directions départementales de l’Agriculture (DDA), où règnent les Igref — ingénieurs polytechniciens chargés des « eaux et forêts » —, et la FNSEA, qui contrôle les puissantes chambres d’agriculture.

Le désastre qui s’ensuit est donc le leur, qu’ils présentent pourtant comme un triomphe de la modernité. En 2007, quand Sarkozy lance son Grenelle de l’environnement, promettant une « révolution écologique » qui n’aura jamais lieu, les chefs de la FNSEA s’inquiètent. À tort. Après avoir copieusement brassé le vent, Sarkozy lance en novembre 2011 sa fameuse phrase : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi, ça commence à bien faire. »

L’élection de Hollande n’est pas une mauvaise nouvelle

La FNSEA aurait sans problème fait affaire avec un Sarkozy réélu président, mais la gauche gouvernementale ne lui a jamais fait défaut. Faut-il rappeler qu’un Henri Nallet, jadis ministre de l’Agriculture de Mitterrand — 1985-1986, puis 1988-1990 —, a commencé sa carrière comme chargé de mission de la FNSEA ? Qu’Edgard Pisani, devenu socialiste sur le tard et vice-président de la Commission européenne en 1984, a été le ministre de l’Agriculture de De Gaulle entre 1961 et 1966, lançant réforme sur réforme en compagnie de Michel Debatisse, futur président de la FNSEA ?

En bref, l’élection de Hollande n’est pas une mauvaise nouvelle. Et d’autant que la présidence se révèle d’une grande faiblesse politique, donc bien plus impressionnable. La FNSEA de Xavier Beulin — il est devenu son président en 2010 — sent rapidement qu’elle peut espérer beaucoup de la gauche, peut-être davantage que d’une droite sarkozyste. Beulin devient en quelques mois un interlocuteur privilégié de Hollande, ce qui permet de mieux comprendre la suite.

Lire la suite sur le site (après la deuxième photo) en cliquant ici

Deuxième article

La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau de nos cartes

Source : Lorène Lavocat et Fabrice Nicolino

 https://reporterre.net/La-FNSEA-veu...

Alors que l’État cartographie les cours d’eau du pays, la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, a mobilisé ses troupes pour en faire déclasser le maximum. Enjeu : échapper aux règles sur la lutte contre la pollution. Deuxième volet de l’enquête de Reporterre.   Cet article est le deuxième de l’enquête que Reporterre consacre à la définition de la carte de France des cours d’eau. Vous pouvez lire, ou relire, le premier ici : « Quand le gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau ».   Le ru du Pommeret dans les Yvelines, le ruisseau ariégeois de Paradis, le ru de Beauvais en Seine-et-Marne pourraient bien disparaître, effacés des cartes hydrographiques d’un trait de gomme. Une gomme tenue par la FNSEA, qui « veut refaire la géographie de la France suivant ses intérêts », comme le dit Gilles Huet. Pour le président d’Eau et rivières de Bretagne, ce qui est en train de se passer dans l’indifférence générale relève ni plus ni moins d’une « vaste escroquerie ». Voici la suite de l’histoire que Reporterre a commencé à vous raconter hier.   Nous sommes en juin 2015. Pressé par le syndicat des exploitants agricoles, Valls fait signer par Ségolène Royal une Instruction officielle. Il s’agit de faire réaliser par les services de l’État une identification et une cartographie complète de tous les cours d’eau de France. Incapable de contenir sa joie, le président de la commission environnement de la FNSEA, Éric Thiroin, triomphe dans un éditorial du 3 juillet 2015 : « Aujourd’hui, grâce au travail syndical du réseau FNSEA, une définition claire des cours d’eau est en train d’être intégrée. »   Joint par Reporterre, Éric Thirouin s’explique : « Cette procédure était une demande partagée par beaucoup de monde, pas uniquement des agriculteurs. Comme aucune loi ne définissait clairement ce qu’est un cours d’eau, on était arrivé sur le terrain à des situations extrêmement conflictuelles. » En effet, avant 2015, aucune cartographie n’existe en France. Ou plutôt, il en existe plusieurs, parfois contradictoires. Car, discerner un ruisseau d’un fossé ou d’une ravine peut relever du dilemme cornélien. Mais cette distinction est d’une importance cruciale : autour d’un ruisseau, épandage des pesticides et travaux sont interdits. Il appartient alors aux juges de trancher, à partir des observations de la police de l’eau. Une situation insoutenable, d’après Eric Thirouin : « Il faut que les choses soient claires dès le début, qu’un agriculteur sache ce qu’il a le droit de faire ou pas. »

Les sections locales de la FNSEA se mobilisent, notamment via les chambres d’agriculture   Mais en fait de clarification, c’est un déclassement d’un certain nombre de cours d’eau qui est en cours. Pas la Loire, l’Aude ou l’Allier, dont l’existence ne fait aucun doute, mais les rus, ruisseaux et talwegs (petit cours d’eau en fond de vallée), qui serpentent par milliers sur nos territoires. « La stratégie de la FNSEA est de forcer la route pour inscrire les cours d’eau dans une cartographie fixée, et se battre au niveau départemental pour que, dans un maximum d’endroits, on réduise le nombre de cours d’eau », explique Bernard Rousseau, spécialiste de l’eau à France nature environnement (FNE).   Pour être sûre de peser, la FNSEA a même publié à l’été 2015 un formidable Guide d’appui à l’identification des cours d’eau. Le syndicat enjoint à ses adhérents locaux de mouiller la chemise et de faire leur propre inventaire des cours d’eau, car autrement, « ce que nous avons vécu au niveau national, vous risquez de le vivre au niveau local avec vos administrations : refus de réaliser les cartographies par manque de moyens, volonté incessante de revenir à un faisceau d’indicateurs, arbres de décision qui conduisent à tout classer en cours d’eau… ».   Lire la suite sur le site après la première carte en cliquant ici

Annexe

Voir aussi notre article : le privativisme français : la privatisation des biens naturels http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006. Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_s...

La gestion de l’eau en France. Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mère http://www.developpement-durable.go...

Hervé Debonrivage


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