Des Cévennes au Sahel, la guerre de l’eau est commencée

mercredi 23 septembre 2020.
 

Des Cévennes au Sahel, les grands cycles de l’eau sont mondialement perturbés. Trop d’eau ou trop peu, ces deux alternatives sont le point de départ de catastrophes en chaîne. La guerre de l’eau est commencée. Cette analyse a été rédigée le 20 septembre 2020 par Manon Dervin, memebre du Monde en commun et auteure du livre "Abécédaire de l’écologie populaire".

Épisodes cévenols et bouleversements climatiques

Pluies diluviennes et violents orages dans les Cévennes ont mis le Gardon et l’Hérault en crue. Si on est habitués aux « épisodes cévenols », celui-ci est d’une intensité rare. Le gardon d’Anduze est passé d’un petit ruisseau de 15cm à un torrent de 6 mètres en l’espace de deux heures.

Si ce phénomène n’est pas nouveau, les bouleversements climatiques vont accentuer sa fréquence et son intensité. Plusieurs études scientifiques montrent que les pluies extrêmes dans les Cévennes ont connu une augmentation d’intensité de 20% environ en 60 ans, et que cela est directement attribuable au changement climatique.

L’eau est le problème numéro 1 de l’humanité

Cet épisode nous donne une idée de ce qui s’annonce à l’échelle mondiale. La catastrophe jaillit à l’intersection de deux phénomènes. D’un part, la hausse globale des températures augmente les masses d’air humide et chaud. Celles-ci se transforment en pluies torrentielles. D’autre part, la puissance des crues et des inondations est démultipliée par des sols et lits de rivières quasi à sec depuis des mois. Les activités humaines n’y sont pas étrangères. L’artificialisation et l’urbanisation débridée ainsi que l’agro-industrie achèvent de transformer des sols absorbant en dalles de pierre sur lesquels ruissellent des torrents.

Ainsi, dans toute la bande sahélienne, les périodes sèches sont devenues arides et la mousson se traduit par des pluies courtes et violentes. Ces dernières semaines, les pluies diluviennes ont fait déborder les affluents du Niger. La crue du Nil est d’une ampleur elle aussi inédite. Les morts et sinistres sont nombreux.

A Niamey, capitale du Niger, près de 6 000 hectares de cultures sont immergés, 448 greniers à céréales et 713 puits d’eau potable ont été détruits et au moins la moitié des récoltes de riz sera perdue, selon le dernier bilan gouvernemental. Des catastrophes qui n’ont plus rien de « naturel » et qui viennent se surajouter au grand désordre provoqué par le Covid19.

La guerre de l’eau est déjà commencée

Ces déluges épisodiques cachent un grand risque de manque d’eau. Les deux tiers de la population mondiale risquent d’être confrontés à des pénuries d’eau d’ici 2025. Mais la crise de l’eau est déjà commencée. Elle concerne aussi les pays développés qui se croyaient à l’abri, à commencer par le nôtre. En 2020, en pleine crise sanitaire, des français n’ont pas accès à l’eau. Les habitants des outre-mers subissent depuis des mois des coupures d’eau qui rendent le quotidien insupportable.

En France, le manque d’eau revêt aussi des aspects inattendus et non moins dangereux. Les centrales nucléaires sont mises à l’arrêt ou leur activité réduite parce que le débit et la température des fleuves ne permettent plus de les refroidir normalement. Ce sera la 17e fois depuis le 1er septembre pour la centrale de Saint Alban, située le long du Rhône. Le caractère irréversible du changement climatique doit conduire la puissance publique à engager une bifurcation écologique de nos modes de vie. Rénovation des réseaux comme transition énergétique en sont des grands chantiers incontournables.

Capitalisme financier et crise écologique : un cocktail explosif

Sur la voie de la bifurcation, les obstacles sont nombreux. On connaissait l’appétit des multinationales pour le commerce de l’eau en bouteille. Les traders anticipent aujourd’hui la guerre de l’eau et prévoient d’en tirer profit.

Pour faire fortune, ils vont désormais parier à l’avance sur les soubresauts de sa valeur, fonction de sa rareté à l’aune de la crise climatique et écologique et de ses symptômes : canicules, sécheresses, incendies géants, etc. Comme terrain de jeu, ils ont ciblé un endroit particulièrement concerné dans la période : la Californie.

L’eau est au point de départ de phénomènes d’engrenage conduisant à des crises globales. Le capitalisme financier exploite, pollue, assèche et privatise ce qui reste. Cet accaparement privé de la ressource et les bouleversements climatiques risquent de créer un cocktail explosif. Le rôle de détonateur joué par la question de l’eau dans les récentes révolutions citoyennes le démontre. Il est plus que jamais urgent de faire de l’eau un bien commun !

MANON DERVIN


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