Italie : Le référendum austéritaire refusé par 60% d’électeurs

vendredi 9 décembre 2016.
 

- D) Italie : un « non » pour dire « basta » à l’Europe (La Tribune)

- C) 60% de Non au référendum ! Mateo Renzi démissionne !

- B) En Italie avant le référendum sur la réforme institutionnelle : Renzi et ses attaques contre les droits sociaux

- A) Italie. Un référendum austéritaire pour affaiblir le Parlement

D) Référendum en Italie : un « non » pour dire « basta » à l’Europe

Source : http://www.latribune.fr/economie/un...

Le non massif des Italiens à la réforme constitutionnelle de Matteo Renzi révèle l’échec de la politique de réformes promue par la zone euro et, plus généralement, du fonctionnement actuel de l’Europe.

La victoire du « non » au référendum italien est sans appel. Près de 60 % des électeurs qui se sont exprimés ont rejeté la réforme constitutionnelle de Matteo Renzi. C’est bien davantage que ce que prédisaient les sondages : le rejet est franc et massif. Et ce rejet touche au cœur de la logique de la zone euro. Evidemment, on peut, comme à chacun des référendums où l’Europe était au centre des débats et où elle a perdu, trouver des voix de contournement pour pouvoir « continuer comme avant » : le débat ne portait pas sur l’Europe et l’euro, Matteo Renzi a trop personnalisé l’enjeu, les électeurs, dans les référendums, répondent, comme le notent dès ce matin un communiqué des presse du groupe des eurodéputés français, dans les référendums « à beaucoup de questions, surtout celles qui ne leur sont pas posées ». Bref, on peut essayer de regarder ailleurs et tenter de tout faire pour contourner le résultat comme après les trois autres référendums perdus par l’UE depuis juillet 2015 en Grèce, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

Pourquoi les Italiens ont répondu à la bonne question

Mais on peut aussi prendre au sérieux la décision nette du peuple italien. Ce « non » pourrait bien être un « non » à la réforme constitutionnelle elle-même. D’abord pour ce qu’elle contenait, ensuite pour ce qu’elle incarnait sciemment. Ce qu’elle contenait d’abord. La réduction du Sénat italien au rang d’une chambre secondaire « à la française » accompagnée d’une loi électorale (« l’italicum ») permettant de dégager des majorités à la chambre, a été perçu par les Italiens comme un déni de démocratie. Depuis vingt ans, l’Italie s’est engagée dans un difficile processus de décentralisation qui était, ici, réduit par un Sénat représentant les régions composés d’élus au suffrage indirect et réduit au rang de spectateur des grandes décisions. Ce renforcement du pouvoir central est mal perçu dans un pays qui s’en méfie naturellement et qui a mis bas en 1992 à la « partitocratie » pour obtenir plus de démocratie, pas moins.

Surtout, chacun savait pourquoi cette réforme était essentielle, pourquoi elle était en réalité « la mère de toutes les réformes ». C’est parce qu’elle était réclamée par les marchés et les autorités européennes. Voici des années que le Sénat est l’élément sur lequel les analystes et les économistes de marché se focalisent : ce serait lui qui empêcherait la « formation d’un gouvernement stable » en Italie. Les Italiens savent parfaitement pourquoi ces pouvoirs extérieurs souhaitent un « gouvernement stable », c’est pour imposer des « réformes » économiques et la politique économique d’ajustement unilatéral de la zone euro. Voici pourquoi ce référendum était bien un référendum sur la zone euro, même et surtout si l’on votait sur le contenu de la réforme elle-même.

L’échec politique de l’UE

La zone euro paie alors ici une série d’échecs. Le premier est politique. Les commentateurs européens ont soigneusement oublié de rappeler un événement qui a été en réalité au cœur de la campagne : le changement de gouvernement du 12 novembre 2011. Ce jour-là, Silvio Berlusconi, président du Conseil, bénéficiant de la confiance de la chambre et du... Sénat, était remercié de facto par la BCE. La Banque centrale menaçait en effet de ne plus soutenir l’Italie sur les marchés si le gouvernement ne changeait pas, si son successeur n’acceptait pas une « politique de réforme » soutenue par une « grande coalition ». Mario Monti, ancien commissaire européen, prit alors les rênes du Palais Chigi, le siège de la présidence du Conseil, dans un moment qui fut interprété par beaucoup comme un coup de force antidémocratique. La politique de Mario Monti fut un désastre qui maintint l’Italie dans sa pire récession de l’après-guerre. C’est précisément cela que les Italiens ont décidé d’empêcher à nouveau ce 4 décembre et voulant conserver un Sénat qui, certes, peut être une source d’instabilité, mais qui est aussi une garantie démocratique minimale contre un nouveau coup de force. La zone euro peut aujourd’hui se lamenter : elle est payée de retour de la monnaie de sa pièce versée voici quatre ans.

L’échec des « réformes »

Le deuxième échec de la zone euro révélé par ce « non » italien, c’est le désastre de la « politique des réformes structurelles » dont la réforme constitutionnelle, rappelons-le, n’avait pas d’autres fonctions que de faciliter la mise en œuvre future. L’Italie n’est pas davantage que la France, le pays « irréformable » que l’on veut bien présenter. Les gouvernements Monti, Letta et Renzi ont procédé à de vastes réformes institutionnelles et économiques. Et le résultat est pour le moins décevant : l’Italie demeure économiquement en panne. Le revenu disponible a reculé depuis 2008 de 12%, le chômage, jadis à moins de 8%, reste au-delà de 11,5% et demeure des plus préoccupants chez les jeunes. L’investissement est faible et l’outil industriel a été fortement réduit. Tout cela alors que le coût salarial a reculé de 5,7 % depuis 2010. Ces « réformes » n’ont contribué qu’à un affaiblissement de la demande intérieure italienne. Or, Matteo Renzi paie logiquement le prix fort de ce rejet, lui qui s’est présenté comme le chef de file européen de la « réforme » et de la « modernité » et qui est allé vendre en France son « Jobs Act » comme un modèle. Or, le Jobs Act a créé des emplois précaires et souvent mal payés. Surtout, il n’a pas été capable, une fois les subventions massives ôtées, de faire baisser suffisamment le chômage, ce qui est logique au regard de la faible demande intérieure alors précisément que ces emplois créés l’étaient dans les services, donc dans des activités « intérieures ». Pourquoi alors, les Italiens auraient-ils donné un blanc-seing à une politique de réformes aussi peu convaincante.

L’argument du seul « modernisme » ne suffit plus

L’argument creux du « modernisme » ne fonctionne plus, pas davantage que celui qui estime qu’il faut « plus de réformes » lorsque les « réformes » ne fonctionnent pas. Ici, c’est bien encore un des moteurs de la politique européenne qui est mis en cause par les Italiens : celui de l’ajustement unilatéral au sein de la zone euro. L’Italie est une des principales victimes de l’euro : son PIB nominal en euros constants est inférieur à celui de 2000, son PIB par habitant est proche de celui de 1997. Cette stagnation économique s’explique beaucoup par l’aspect non-coopératif de l’Allemagne, souvent un des principaux concurrents de l’Italie. La modération salariale excessive de l’Allemagne en 2000-2010 a pénalisé le secteur exportateur italien, conduisant, grâce à la bulle financière d’alors à une croissance financée par l’endettement privé et public. Puis, l’application de l’austérité a achevé l’incapacité de l’Italie à s’adapter, sauf au prix de sacrifices insoutenables, aux conditions de la zone euro.

Rejet de la stratégie Renzi

Les Italiens sont conscients de cette situation et le « non » est aussi une sanction à la stratégie politique de Matteo Renzi, celle qui considère que les réformes sont un moyen de renforcer l’Italie dans la zone euro et de la faire changer. Le président du Conseil a maintes fois échoué dans ce but : sa présidence européenne en 2014 s’est révélé un désastre et il n’est pas parvenu, comme il l’avait promis à sortir les investissements publics du calcul du déficit dans les critères de Maastricht. Ses nombreux bras de fer avec Bruxelles ont parfois été gagnés, mais ils relevaient surtout du spectacle. Les quelques milliards d’euros gagnés sur le budget n’effaçaient pas les effets des « réformes » ou la paralysie du système bancaire à laquelle conduit l’application de l’union bancaire. Chacun sait en Italie que la seule réforme d’importance de la zone euro est celle où l’Allemagne acceptera de recourir aux investissements publics, y compris de transferts, et de réduire son excédent courant de plus de 8 % du PIB qui asphyxie ses partenaires. Or, les gros yeux de Matteo Renzi et la bonne volonté réformatrice des Italiens n’ont rien changé de ce point de vue. Pourquoi alors accepter une réforme qui inscrirait dans le marbre constitutionnel cette stratégie ? Matteo Renzi a échoué où François Hollande a échoué et où, s’il suit son programme, François Fillon échouera : croire que l’on peut amadouer l’Allemagne avec des réformes ne saurait conduire qu’à des désastres politiques, sans vrai changement pour la zone euro.

Réfléchir sur le « basta » italien

La défaite de la réforme constitutionnelle italienne a donc bien une logique. Et cette logique est le fruit des erreurs répétées des dirigeants européens et italiens. Ce « non » envoyé à la face de l’Europe déchire encore un peu plus le voile de la pseudo-magie des « réformes » et prouve encore un peu plus que la zone euro s’est engagée sur un chemin dangereux. Les Italiens ont dit « basta » à une logique politique et économique à l’œuvre depuis 2010. Traiter ce vote comme un simple risque financier que la BCE devra contenir ou comme une simple crise gouvernementale italienne serait une nouvelle erreur. Le « non » ne conduira pas immédiatement à l’éclatement de la zone euro. Mais détourner la tête ou, encore, une fois, vouloir casser le thermomètre pour casser la fièvre comme le suggérait récemment Jean-Claude Juncker, qui recommandait d’en finir avec les référendum, serait prendre un risque considérable. Jadis le pays le plus europhile du continent, l’Italie est désormais un des plus europhobes. Si la zone euro ne s’interroge pas sérieusement sur les raisons de cette métamorphose, ses jours sont en danger.

Romaric Godin

C) 60% de Non au référendum ! Mateo renzi démissionne !

Les Italiens ont voté en masse ce dimanche contre la réforme constitutionnelle de Matteo Renzi.

« Mon expérience de chef de gouvernement s’arrête là », a déclaré Matteo Renzi après sa défaite au référendum sur la réforme constitutionnelle, le non l’emportant avec près de 60 % des voix, précisant qu’il remettrait sa démission lundi à l’issue d’un conseil des ministres.

« Aujourd’hui, le peuple italien a parlé sans équivoque. J’embrasse fort mes amis du oui, on a essayé », a-t-il ajouté en adressant ses « félicitations au front du non et en lui souhaitant d’œuvrer pour le bien de l’Italie et des Italiens ».

« Sympathie » de François Hollande

Les Italiens ont massivement rejeté dimanche, par référendum, la réforme constitutionnelle portée par le jeune chef du gouvernement, âgé de 41 ans, arrivé au pouvoir en février 2014.

François Hollande a pris acte « avec respect » de la démission de Matteo Renzi, auquel il a adressé « toute sa sympathie » après la défaite dimanche du président du Conseil italien lors d’un référendum sur un projet de réforme constitutionnelle.

Période d’incertitudes

La démission de M. Renzi ouvre une période d’incertitude à la fois politique et économique en Italie. Après le choc du Brexit et la montée des mouvements populistes, une nouvelle phase d’instabilité dans la troisième économie de la zone euro est possible.

L’euro fléchissait lundi face au dollar, tombant au plus bas depuis 20 mois dans les premiers échanges asiatiques après cette victoire sans appel du non.

Matteo Renzi a été désavoué par les électeurs italiens lors d’un référendum qui ouvre une nouvelle période d’incertitude politique en Italie et menace la zone euro dans son ensemble d’une nouvelle crise.

Source : Ouest France http://www.ouest-france.fr/europe/i...

B) En Italie avant le référendum sur la réforme institutionnelle : Renzi et ses attaques contre les droits sociaux

Source : http://www.europe-solidaire.org/spi...

Depuis de nombreuses années, la situation politique italienne se caractérise par une offensive patronale contre les travailleurEs qui ont perdu une partie importante des principaux acquis arrachés pendant le cycle de luttes des années 1960-1970.

Toutes sortes de contrats précaires ont été introduits, avec lesquels une partie de plus en plus importante de la classe ouvrière a été soumise au chantage du chômage. La croissance du rapport entre la dette publique et le PIB d’une part et l’augmentation du chômage d’autre part, ont été les arguments qui ont servi à justifier aux yeux de l’opinion publique l’austérité et les prétendues réformes structurelles libérales.

Émergence de la droite populiste

Cette politique, avec une gauche politique et sociale subordonnée au Parti démocratique (PD) a permis d’une part l’installation d’une droite populiste et raciste (la Ligue du nord de Matteo Salvini) et d’autre part le développement d’un mouvement interclassiste comme le Mouvement cinq étoiles (M5S) de Beppe Grillo, qui a gagné en très peu de temps un tel soutien populaire qu’il met en question l’hégémonie du plus grand parti politique italien depuis l’époque de Berlusconi, c’est-à-dire le PD.

C’est dans cette situation que s’est mise en place en 2014 le gouvernement de Matteo Renzi. Cela a changé le visage du PD avec son style populiste, cherchant le rapport direct avec les citoyens-électeurs et rompant les liens historiques du parti avec la CGIL, le principal syndicat italien. Ainsi, pendant que de petites sommes d’argent ont été données à quelques secteurs sociaux, en réalité les travailleurEs se sont appauvris (les contrats des travailleurs du secteur public n’ont pas été renouvelés depuis 2009) et leurs droits fondamentaux ont été attaqués. Le gouvernement a réussi aussi à supprimer l’article 18 du code du travail qui garantissait le droit de réintégration des travailleurs licenciés de manière abusive. C’était une revendication historique du patronat... que même Berlusconi n’avait pas réussi à faire passer.

Un autre résultat important pour le patronat italien a été en 2015 le projet de la « Bonne école », une réforme fondamentale de l’école publique qui met fin à la liberté d’enseignement des professeurEs, qui se trouvent totalement soumis aux chefs d’établissement, qui ouvre l’éducation aux intérêts privés et rend obligatoire l’alternance entre école et travail, ce qui permet d’offrir aux entreprises des millions d’heures de travail gratuites.

Un gouvernement en quête d’autorité

C’est dans ce contexte que Renzi a pensé, début 2016, qu’il pourrait mettre en place un plébiscite avec le référendum sur la réforme institutionnelle. Le cœur de cette réforme consiste au renforcement des pouvoirs du gouvernement par rapport aux institutions électives, en réussissant à supprimer l’élection des sénateurs. Le Sénat a été en effet une épine dans le pied du gouvernement qui, à plusieurs reprises, a risqué d’être battu.

Néanmoins, la profonde crise sociale (neuf millions de pauvres, trois millions de chômeurs, et trois millions de personnes qui ont renoncé à chercher du travail...) a entamé le soutien au gouvernement et au PD, comme l’ont montré les élections municipales de 2016 où le M5S a réussi à gagner dans des villes très importantes comme Rome et Turin.

Le M5S a récupéré une grande partie du vote d’opposition à Renzi, de droite et de gauche, d’une partie de la classe ouvrière, mais aussi et surtout d’une partie de la petite bourgeoisie appauvrie à qui sont adressées beaucoup des propositions de cette formation politique. Aujourd’hui le mouvement se trouve dans des conditions difficiles pour gouverner ces villes. Leurs représentantEs ont été élus sur des programmes qu’ils/elles n’ont pas la force de mettre en pratique, puisqu’ils n’ont pas les structures sociales qui garantissent l’efficacité de l’action politique. Une des principales contradictions à laquelle le M5S s’est trouvé confronté est la question de la privatisation des services publics municipaux qu’ils avaient promis d’interrompre et d’inverser. Ils ont été obligés de mettre de côté cette proposition une fois qu’ils se sont trouvés confrontés aux pressions des intérêts des multinationales et des groupes de pouvoir économique (y compris des bureaucraties mises en place à la tête des entreprises communales par les administrations précédentes), et qui, dans ces villes, sont dominants dans le secteur des services publics.

Une fois aux affaires, le M5S s’est empressé de donner une image rassurante afin de gagner une crédibilité aux yeux de la bourgeoisie en tant qu’alternative globale au PD. Évidemment, à l’heure actuelle, il apparaît difficile qu’un mouvement antieuropéen et populiste comme le M5S, dont le programme contient des propositions contre les privatisations, contre les grands travaux comme le TAV, puisse être utilisé par la bourgeoisie pour se substituer à un instrument politique comme le PD qui s’est montré particulièrement efficace dans la mise en place des « réformes » structurelles...

En toile de fond, la crise de l’UE

C’est dans ce contexte que Renzi a préparé la loi de finances de l’année prochaine en demandant à la Commission européenne une plus grande souplesse pour les comptes, c’est-à-dire un déficit jusqu’à 2,3 %, tout en ne respectant pas les limites imposées par le « pacte fiscal », se présentant comme celui qui veut mettre fin à l’austérité afin de reconquérir une nouvelle popularité et d’avoir quelques chances en plus de gagner un référendum qui est devenu pour lui beaucoup plus difficile que prévu.

Cette « confrontation » avec la Commission européenne constitue une véritable négociation entre les différentes bourgeoisies mais aussi un jeu entre les partis. Toutes les forces économiques et politiques européennes de la bourgeoisie ont intérêt à ce que le Oui l’emporte au référendum et que Renzi reste en place. Surtout, ils connaissent bien l’état critique de l’économie italienne et ne peuvent certainement pas se permettre le risque d’une crise financière dans un pays aussi grand que l’Italie, ce qui pourrait faire sauter l’équilibre fragile de l’Union européenne.

Renzi veut cacher le vrai contenu de sa manœuvre financière en faveur des entreprises et des patrons. En effet, pendant que quelques aumônes sont accordées par la finance à certains secteurs sociaux particulièrement démunis, silence radio sur les énormes cadeaux qui sont faits aux capitalistes à travers la réduction drastique des impôts sur les entreprises et les amnisties fiscales qui sont accordées aux fraudeurs qui ont transféré des capitaux à l’étranger de manière illégale. On parle pour l’année qui vient d’environ 8 milliards d’euros, qui monteront jusqu’à 20 ou 30 milliards et qui s’ajouteront à tant d’autres qui ont été donnés aux capitalistes ces dernières années.

La loi de finances reste dans le cadre de la logique libérale et les ressources publiques sont transférées aux entreprises. Il aurait été nécessaire de construire cet automne une forte bataille politique et sociale contre cette loi en même temps que le refus de la contre-réforme des institutions, mais les grandes forces syndicales n’ont pas voulu l’organiser et les forces sociales et politiques radicales de la gauche n’ont pu le faire que très partiellement.

Francesco Locantore

* Traduit par Ross Harrold.

A) Italie. Un référendum austéritaire pour affaiblir le Parlement

Le président du Conseil, Matteo Renzi, cherche à faire approuver par plébiscite dimanche une réforme constitutionnelle austéritaire. En cas d’échec, il pourrait démissionner.

La « gouvernance européenne » a besoin de gouvernements forts, capables de faire plier les Parlements récalcitrants pour adopter à la va-vite des réformes « structurelles ». Alors que la Constitution de 1948 accorde de larges pouvoirs au Parlement, Matteo Renzi, le président du Conseil, cherche, ce dimanche, à faire adopter une réforme constitutionnelle par référendum. Cette révision, déjà appuyée par les commissaires européens Pierre Moscovici et Jean-Claude Juncker, par les agences de notation de la dette, vient de recevoir mercredi le soutien du ministre des Finances allemand… Wolfgang Schäuble.

L’argumentation de Renzi est simple. Le pays a connu 63 gouvernements depuis la proclamation de la République en 1946. Il faut mettre un terme à cette instabilité. Pour ce, la réforme prévoit la fin du bicaméralisme parfait. Une loi ne devrait plus, comme c’était le cas auparavant, être adoptée dans les mêmes termes par la Chambre des députés et le Sénat. De même, le gouvernement n’aurait plus à obtenir un vote de confiance des sénateurs. Par ailleurs, ceux-ci seraient désignés par les élus locaux et non plus choisis, comme aujourd’hui, au suffrage universel. Enfin, la réforme constitutionnelle organise la répartition des compétences entre régions et État. Pour vendre sa réforme, Renzi chevauche le thème, agité par les berlusconiens ou les démagogues du Mouvement cinq étoiles (M5S), de la réduction des « coûts » de la politique en vantant une diminution du nombre de sénateurs.

Une réforme jugée «  dangereuse  »

Les sondages évoquent une défaite pour le premier ministre. Le M5S appelle à voter non, tout comme la droite et l’opposition interne à Renzi au sein du Parti démocrate. D’avoir, en début de campagne, annoncé sa démission en cas d’échec – il s’est ravisé depuis –, Renzi a renforcé le camp du non. À gauche, les milieux syndicaux, politiques, culturels et associatifs mènent bataille. « Cette réforme concentre le pouvoir dans les mains du gouvernement et réduit les pouvoirs du Parlement, résume sur la chaîne La7 Sabina Guzzanti, réalisatrice du film Draquila. Elle est antidémocratique. Elle arrive après des pressions de la droite européenne qui vont toutes dans la même direction. Il faut aller vite, parce qu’ainsi, on peut décider rapidement de vendre des morceaux de l’Italie au privé, sans trop discuter. »

Cette réforme « est dangereuse pour la vie démocratique du pays », explique à l’Humanité Luciano Guerzoni, vice-président de l’Anpi, l’association d’anciens résistants, qui compte plus de 120 000 membres depuis qu’elle s’est ouverte à la jeunesse pour faire vivre les valeurs de la Constitution antifasciste. « Les citoyens n’éliront plus les sénateurs », reproche-t-il. « Nous ne croyons pas qu’il s’agisse d’un progrès pour la démocratie qu’un parti, seul, soit patron du Parlement. On n’aura plus affaire au gouvernement de la République, mais au gouvernement d’un chef. » En effet, le gouvernement ne recevra plus la confiance que de la seule Chambre des députés. Or, selon la nouvelle loi électorale adoptée en 2015, l’Italicum, « un parti obtenant 20 % des voix aura 55 % des députés », qui devront leur poste au fait d’avoir été désignés par le secrétaire de leur parti.

Avec cette majorité, dénonce Luciano Guer-zoni, les « institutions de garantie » seront affaiblies. Le parti majoritaire aura les mains libres pour désigner le président de la République, les membres du Conseil constitutionnel ou de la magistrature. Faute de contre-pouvoirs, cette réforme, « qui attribue à la majorité un pouvoir énorme, aura des effets lourds sur la première partie de notre Constitution, à travers un redimensionnement des droits sociaux », dénonce dans une tribune publiée dans Il Fatto Quotidiano Lorenzo Fassina, responsable du service juridique de la CGIL, le premier syndicat du pays, l’un des fers de lance de l’opposition à la réforme. « Au nom de la vitesse (...), il sera possible d’imposer l’approbation d’une loi en 70 jours. On veut empêcher que les personnes puissent s’organiser et lutter », relève le Parti de la refondation communiste, qui rappelle que cette réforme répond aux vœux de J.-P. Morgan. En 2013, dans une note, la banque états-unienne déplorait que les Constitutions sud-européennes privilégient des « exécutifs faibles » et que leur esprit continue de refléter « la force politique des partis de gauche obtenue lors de la défaite du fascisme ».

Les yeux de la planète finance tournés vers Rome

La pression est forte sur les électeurs italiens. Rien ne leur est épargné. En prévision du référendum, qui pourrait conduire à une démission du premier ministre, Matteo Renzi, en cas d’échec, et à des élections anticipées ou la formation d’un gouvernement technique, les taux d’intérêt sur la dette italienne ont commencé à grimper depuis trois mois. La presse économique anglo-saxonne estime qu’un vote non pourrait  : accélérer la sortie de l’Italie de la zone euro, selonle Financial Times, ou relancer la crise bancaire dans la péninsule, si l’on en croit le Wall Street Journal.

Gaël De Santis journaliste


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