Le CETA à la poubelle... vite !

dimanche 5 février 2017.
 

- A) Traité Europe – Canada : résister pour le rejet (Confédération Force Ouvrière)
- B) La Belgique ne signera pas le CETA. L’UE doit renoncer au traité et réinventer sa politique commerciale (Collectif Stop TAFTA)
- C) Le CETA et la protection des investisseurs : Lettre ouverte d’universitaires canadiens au Parlement de la région wallonne et aux Belges

Le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) n’aura pas lieu (Jean-Luc Mélenchon)

CETA, le traité Cheval de Troie du TAFTA (Jean-Luc Mélenchon)

A) Traité Europe – Canada : résister pour le rejet (Confédération Force Ouvrière)

Pour Force Ouvrière, le Ceta ne doit pas être ratifié, le parlement wallon ayant eu le courage de le refuser puis de confirmer ce refus malgré les pressions internationales.

FO a alerté et dénoncé, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat et de l’Europe, aux côtés des autres organisations syndicales ou associations et de millions de citoyens rejetant cet accord, sur les multiples dangers de ce texte : déni de démocratie, harmonisation des normes vers le moins-disant, absence de transparence des négociations, refus d’études d’impacts sérieuses sur les conséquences en matière d’emploi et de social. Sans compter la mise en place d’une justice d’arbitrage qui, bien que réformée, reste une justice parallèle privée au service des multinationales.

Le Ceta, qui garantirait bien des droits aux investisseurs en réduisant ceux des citoyens, servirait de référence aux futurs accords, acceptant ainsi de voir primer les libertés économiques sur les libertés fondamentales, le social et l’environnemental.

FO appelle aujourd’hui à l’arrêt des négociations en cours sur le TTIP et sur le Tisa : au-delà du Ceta, c’est toute la philosophie commerciale libérale actuelle qui doit être remise en cause.

B) La Belgique ne signera pas le CETA. L’UE doit renoncer au traité et réinventer sa politique commerciale

Charles Michel a officiellement confirmé que la Belgique ne pourra pas signer le CETA jeudi prochain 27 octobre. Au terme de tractations multiples, le Parlement wallon, le gouvernement bruxellois et le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne lui en ont pas donné l’autorisation telle que l’exige la Constitution belge pour tout accord international.

C’est une grande satisfaction pour tous les citoyen·ne·s, les organisations de la société civile et les syndicats qui travaillent depuis des mois pour démontrer les menaces du CETA sur la démocratie, l’emploi, l’alimentation et l’agriculture, les territoires, le climat et l’environnement.

Pour Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, « la Commission et les gouvernements favorables au CETA présentent depuis des mois ce traité comme inéluctable et largement consensuel au sein des États membres. Mais la détermination des parlementaires wallons est un exemple dont nous espérons qu’il sera suivi par d’autres parlements d’Europe, à commencer par celui de France, où de nombreux députés et sénateurs ont publiquement exprimé craintes et réticences à l’égard du traité. Nous espérons maintenant que le gouvernement en tirera les leçons, et renoncera à soutenir ce traité. Loin d’être une défaite, cela l’honorerait. »

Nicolas Roux, des Amis de la Terre, poursuit : « L’ensemble du processus d’élaboration et d’approbation du traité a été une farce : négociation dans la plus grande opacité, intoxication massive sur le contenu du traité, réécriture du chapitre Investissement pour désamorcer la critique, ajout à la dernière minute d’une déclaration interprétative sans la moindre consistance... Le traité, finalisé depuis deux ans, n’en finit pas de soulever oppositions et controverses. Aux côtés d’experts internationaux en droit et en économie et de personnalités politiques de tous bords, des millions de personnes ont alerté leurs gouvernements européens et canadien sur les risques qu’il comporte. Au lieu de reporter une décision qui déplaît aux promoteurs du CETA, il est temps de prendre acte du fait que ce traité est un échec, et d’y mettre fin. »

Célia Gautier, du Réseau Action Climat, ajoute : « La compatibilité du traité avec l’accord de Paris sur le climat n’a jamais été démontrée. Au contraire, il se traduirait par une hausse des gaz à effet de serre, comme le reconnaît l’étude d’impact de la Commission européenne. Alors que l’accord de la COP 21 entre en vigueur le 4 novembre et que s’ouvre la COP 22 à Marrakech, l’approbation du CETA porterait un coup grave aux acquis de l’accord de Paris ».

Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch, insiste : « Non seulement l’accord CETA ne garantit pas le principe de précaution et menace nos normes sociales et environnementales, mais en plus il porte atteinte à la Constitution française. Le présenter comme "à prendre ou à laisser" n’est pas digne de la démocratie européenne ».

Pour Amélie Canonne, de l’AITEC, « Les défenseurs du traité vont tenter de le sortir de l’ornière, même si, pour réellement répondre aux préoccupations wallonnes, il serait nécessaire de rouvrir le texte du traité et renégocier avec les Canadiens ; aucune assurance ne peut être fournie unilatéralement par l’UE dans des déclarations qui ne font que ressasser les éléments de communication de la DG Commerce. Quoiqu’il en soit, le CETA s’impose désormais comme un naufrage, qui remet en cause l’ensemble de la politique de commerce et d’investissement de l’UE. Et c’est une chance pour l’UE et les 28 : celle d’engager un aggiornamento complet de sa stratégie commerciale afin de négocier enfin des traités coopératifs, solidaires, qui placent en leur centre les droits des peuples et la protection de la planète. »

Mais le CETA n’est pas abandonné pour autant. Le Collectif Stop TAFTA craint que les États membres et la Commission poursuivent leurs manœuvres politiques pour le faire aboutir et qu’ils n’offrent que des réponses cosmétiques aux demandes des millions de citoyens inquiets de ses implications.

Ses membres, organisations de solidarité internationale, de protection des consommateurs, de défense de l’environnement, syndicats, groupes de citoyens... - considèrent toutefois le report du sommet de signature (prévu ce 27 octobre) comme une victoire, qui consolide leur analyse : le CETA doit être rejeté.

C) Le CETA et la protection des investisseurs : Lettre ouverte d’universitaires canadiens au Parlement de la région wallonne et aux Belges

LETTRE OUVERTE AU PARLEMENT DE LA RÉGION WALLONNE ET AUX ÉLECTEURS BELGES A PROPOS DU CETA ET DE SON SYSTEME DE PROTECTION DES INVESTISSEURS ÉTRANGERS (ISDS)

Octobre 2016

Au Parlement de la Région wallonne et aux électeurs belges :

Nous sommes des universitaires canadiens possédant une vaste expertise collective dans le règlement des différends investisseurs-État (ISDS) et les questions connexes relatives aux accords de commerce et d’investissement du Canada. Nous appartenons également au petit groupe d’experts canadiens dans ce domaine qui ne travaillent pas comme juges arbitres ISDS dans des cabinets d’avocats ou pour le gouvernement.

Nous écrivons après avoir lu les articles de presse du week-end passé faisant état des tactiques d’intimidation utilisées par les politiciens canadiens et les représentants des entreprises pour influencer vos processus législatifs et gouvernementaux. Nous ne pensons pas que ces voix rendent compte fidèlement de l’expérience du Canada dans le cadre du système de protection des investisseurs étrangers que le CETA voudrait étendre. Il faut savoir que de nombreux Canadiens ont exprimé leur profonde préoccupation au sujet de ce système de protection des investisseurs étrangers en raison de l’expérience du Canada avec un système similaire, l’Accord de libre- échange nord-américain (ALENA), et lors des débats sur le FIPA (Canada-China Foreign Investment Promotion and Protection Agreement), parmi d’autres accords.

Alors que nous nous concentrons ici sur les conséquences néfastes de l’ISDS dans le CETA, il faut aussi souligner que ce traité imposerait de nouvelles contraintes dans de nombreux autres domaines des politiques publiques, notamment la réglementation pharmaceutique, la santé publique, l’agriculture, les marchés publics, les services publics, le droit du travail, et l’accès au marché. Nous signalons que d’autres universitaires ont soulevé des préoccupations majeures au sujet du CETA dans ces domaines.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA en 1994, le Canada a été et reste le seul pays développé occidental qui a accepté l’ISDS sur une base globale alors que sa situation était des plus vulnérables à l’égard des pays importateurs de capitaux. Le Canada a signé l’ALENA sur cette base avec les États-Unis et, depuis, il a été confronté à davantage de plaintes d’investisseurs étrangers que n’importe quel autre pays, il a versé de nombreux dédommagements suite à ces plaintes, il a modifié des décisions du gouvernement ou des processus décisionnels afin de tenir compte des intérêts des investisseurs étrangers et pour réduire les risques de responsabilité potentiellement énormes.

Les porte-parole du monde des affaires qui ont défendu ces concessions à la démocratie et à la souveraineté du Canada représentent souvent des sociétés étrangères, ou encore des sociétés canadiennes qui possèdent des entreprises à l’étranger et qui ont un intérêt à introduire des plaintes contre le Canada. Que les grandes entreprises soient enthousiastes à l’idée d’acquérir des droits exclusifs et un accès privilégié à l’argent public via l’ISDS, on peut le comprendre, mais c’est terriblement déplorable.

Les réformes de l’ISDS dans le CETA, invoquées trompeusement par les responsables canadiens pour qualifier le CETA de « progressiste », sont inadéquates pour répondre aux problèmes majeurs posés par le CETA. Ces problèmes sont : l’affaiblissement de la régulation démocratique, le privilège spécial des investisseurs étrangers, les manques d’indépendance judiciaire et d’équité procédurale dans les processus de décision, et le manque de respect pour les institutions et tribunaux nationaux. En particulier, dans le CETA, l’ICS (Investment Court System) ne supprime pas la menace financière qui pèse sur la réglementation démocratique, en raison des plaintes des investisseurs étrangers ; il ne réduit pas le privilège énorme et injustifié qu’ont les investisseurs étrangers sur quiconque aurait un droit ou un intérêt conflictuel ; enfin, il ne crée pas une réelle juridiction munie des garanties habituelles d’indépendance et d’équité.

La récente déclaration interprétative conjointe publiée par le Canada et l’Union européenne (dans toutes les formes différentes sous lesquelles cette déclaration a été rendue publique) ne résout en rien ces problèmes gigantesques.

Que vos processus démocratiques, en Wallonie, aient permis l’examen étroit et attentif des défauts du CETA dans le cadre d’un véritable débat argumenté nous encourage. Nous aurions aimé que les Canadiens aient pu avoir un débat similaire dans le cadre d’un vote au Parlement du Canada et dans les assemblées législatives provinciales, mais cela n’a pas été le cas ni sous le gouvernement Harper ni sous le gouvernement Trudeau. Contrairement aux vues peu diplomatiques exprimées par certains politiciens canadiens et par les représentants des entreprises, il nous semble que la démocratie belge a été exercée de façon responsable, comme il se doit, pour permettre le vote des parlementaires sur les structures quasi-constitutionnelles créées par des accords de protection des investisseurs étrangers comme le CETA.

Chez nous, au Canada, notre démocratie a souffert parce que le gouvernement fédéral a fait le forcing pour imposer des accords comme l’ALENA et le CETA sans votes législatifs aux niveaux fédéral et provincial. Par conséquent, sans l’approbation des représentants élus, nous nous sommes retrouvés avec un ISDS liant tous les niveaux de gouvernement et qui liera encore très longtemps tous les futurs gouvernements élus au Canada. Notre expérience montre clairement les dangers auxquels est confrontée la démocratie européenne dans le cas du CETA.

Quelles que soient les décisions que vous prendrez, nous vous demandons de ne pas succomber aux mêmes tactiques que celles qui ont été utilisées pour manipuler et effrayer les Canadiens, jusqu’à saper leur démocratie pour le compte des investisseurs étrangers. Le Canada et la Commission européenne connaissent depuis des années l’importante opposition citoyenne et universitaire au CETA en raison des protections qu’il accorde aux investisseurs étrangers. Pourtant, ils ont refusé de supprimer ces éléments non-commerciaux du CETA.

Dans un contexte où il n’y a aucune justification crédible pour inclure l’ISDS ou l’ICS dans le CETA - compte tenu de la grande fiabilité, de l’indépendance et de l’équité des processus démocratiques et judiciaires canadiens et européens -, nous sommes sidérés de constater à quel point les grands groupes d’affaires - et les gouvernements qui agissent pour leur compte - s’accrochent si férocement à un modèle aussi profondément vicié et antidémocratique.

Pour plus d’informations sur l’ISDS et l’ICS, vous trouverez ci-dessous une liste de publications. Nous avons également listé une série de publications pertinentes des signataires de cette lettre ouverte.

D’après ce que nous avons pu lire, vous avez fait preuve d’un grand courage dans votre opposition au CETA et, sachant comment l’ISDS a été imposé aux Canadiens au fil des années, nous tenons à exprimer notre soutien à vos choix démocratiques.

Cordialement,

David R. Boyd Adjunct Professor University of British Columbia and Simon Fraser University - Vancouver, British Columbia

John R. Calvert Associate Professor - Faculty of Health Sciences Simon Fraser University Vancouver, British Colombia

Marjorie Griffin Cohen - Professor

Simon Fraser University Vancouver, British Columbia

Stephen Gill Distinguished Research Professor York University Toronto, Canada

Ronald Labonté Professor and Canada Research Chair School of Epidemiology, Public Health and Preventative Medicine University of Ottawa Ottawa, Ontario

David Schneiderman Professor of Law and Political Science University of Toronto Toronto, Ontario

Dayna Nadine Scott Associate Professor Osgoode Hall Law School and Faculty of Environmental Studies York University Toronto, Ontario

Kyla Tienhaara Research Fellow School of Regulation and Global Governance Australian National University Canberra, Australia

Gus Van Harten Professor Osgoode Hall Law School York University Toronto, Ontario

Stepan Wood Professor and York Research Chair in Environmental Law and Justice Osgoode Hall Law School York University Toronto, Ontario


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