Il faut que chute le gouvernement

mardi 17 mai 2016.
 

« J’appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inéluctablement, il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’un nom plus aimable : consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres. »

François Mitterrand, le Coup d’état permanent, 1965

La décision du Premier Ministre Manuel Valls d’utiliser le 49-3 pour imposer le projet de loi El Khomri, contre l’avis de la majorité des députés, est une nouvelle manifestation éclatante de la décomposition de la Ve République et de son caractère autoritaire. Elle bafoue le principe même de souveraineté du peuple pourtant au cœur même de la conception républicaine de notre Nation. J’exagère ? Jugez-en.

Voilà une loi qui nous concerne tous, c’est à dire des millions de salariés. Cette loi va bouleverser radicalement notre droit du travail forgé par des décennies de luttes sociales et de victoires électorales. La majorité de la population n’en veut pas, selon toutes les études d’opinion réalisées à ce jour. Cette loi va également ouvrir la possibilité de baisser les salaires en diminuant la rémunération des heures supplémentaires et elle va également faciliter les conditions pour licencier un salarié.

Cette loi n’a jamais été présentée et annoncée lors d’une campagne électorale, c’est même l’inverse. C’est en s’opposant aux attaques contre le code du travail menées par Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 que François Hollande s’est fait élire.

Cette loi voit se dresser contre elle la majorité des organisations syndicales. Qu’importe, ce pouvoir les méprise. Fait inédit, une pétition demandant son retrait a obtenu plus d’un million et demi de signataires en quelques jours. Qu’importe, ce pouvoir l’ignore. Des dizaines de manifestations ont eu lieu à travers la France pour obtenir son retrait. Qu’importe, ce pouvoir les insulte.

Et cette loi n’a même pas une majorité de députés pour la soutenir. Qu’importe, en accord avec le Président de la République, le Premier Ministre va l’imposer au pays en utilisant cet article 49-3, qui n’est que la face brutale d’un pouvoir faible. Il y a quelques années, un premier secrétaire du PS nommé François Hollande qualifiait cet article de « brutalité et déni de démocratie ». Comment est-ce possible, si ce n’est à cause d’une Constitution scandaleuse et autoritaire de la Ve République, héritée d’un moment trouble de notre histoire où l’armée française menaçait de se tourner contre le pouvoir politique, et qu’il est temps de mettre à bas.

Il y a un an, le 17 avril 2015, M. Wolfgang Schäuble, Ministre des finances allemand, avec la Kolossale finesse qui le caractérise toujours, déclarait devant la Brookings institution, un think tank basé à Washington aux Etats-Unis : « La France serait contente que quelqu’un force le Parlement, mais c’est difficile, c’est la démocratie ». Goguenard, il ajoutait « Si vous en parlez avec mes amis français, que ce soit (le ministre des Finances) Michel Sapin ou (de l’Economie) Emmanuel Macron, ils ont de longues histoires à raconter sur la difficulté à convaincre l’opinion publique et le Parlement de la nécessité de réformes du marché du travail ». En réaction, même Michel Sapin prit quelques distances avec le propos, regrettant officiellement le vocabulaire employé, mais précisait : « Connaissant bien Wolfgang Schäuble, c’était plutôt une forme d’encouragement ».

Avec le recul, cette déclaration de Schäuble, et les remarques de Michel Sapin (à propos duquel je ne ferai pas plus d’ironie concernant la brutalité) prennent tout leur sens. Qu’importe la volonté du peuple, ils passeront en force, coûte que coûte. Pire même, ils cherchent à mettre en scène leur prétendu autoritarisme, gonflant la poitrine, pour plaire au secteur du patronat le plus rétrograde, ou au segment de la société qui cherche une solution autoritaire au désordre dont ils sont les seuls responsables. Le travail idéologique qu’ils mènent est dangereux. Ils préparent les esprits au coup de force, au mépris de la vie parlementaire. Il faut donc qu’ils échouent. C’est un enjeu social et idéologique pour la suite. Il faut que chute le gouvernement qui agresse le droit du travail, sans la moindre légitimité. C’est pourquoi il faut voter la motion de censure, d’où qu’elle vienne. Si j’étais député, dans de telles circonstances, j’utiliserai le seul outil disponible pour empêcher la loi El Khomri de se mettre en œuvre, concrètement je voterai la Motion de Censure contre l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, annoncée par Manuel Valls.


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