Sur un bilan désastreux, Rebsamen quitte le ministère du Travail

jeudi 13 août 2015.
 

François Rebsamen démissionne du ministère du travail pour retrouver la mairie de Dijon, au nom du non-cumul des mandats.

C) Une très mauvaise loi et puis s’en va

François Rebsamen est redevenu hier maire de Dijon et devrait finalement démissionner 
de son poste ministériel le 19 août, lors du Conseil des ministres de rentrée.

François Rebsamen n’en finit pas de partir. Du Journal du dimanche au Parisien, le toujours ministre du Travail recule, avance sa date de départ… et continue ainsi d’occuper bien malgré lui les pages politiques. Aux dernières nouvelles, le 19 août tiendrait la corde, jour où se réunira le premier Conseil des ministres de la rentrée. «  Je n’ai jamais envisagé de cumuler les charges de maire de Dijon et de ministre du Travail  », a-t-il assuré hier au Parisien, ajoutant  : «  Je sais très bien qu’on ne peut pas faire les deux et je ne l’ai jamais envisagé.  » Une dernière remarque qui s’adressait à Manuel Valls et à tous ceux qui brandissaient dans son camp, la semaine dernière, la charte de déontologie de François Hollande imposant le non-cumul des mandats.

Une seule chose est sûre  : François Rebsamen a bien retrouvé son siège à Dijon. Élu au premier tour de scrutin à la majorité absolue, le nouveau maire reprend une place qu’il avait occupée de 2001 à 2014, année où son premier adjoint Alain Millot l’avait remplacé pour le laisser partir rue de Grenelle. Une élection qui, contrairement à son départ du ministère, s’est réalisée sans surprise ni couac, puisque l’opposition municipale n’a présenté aucun candidat. Seul le conseiller Front national Édouard Cavin a tenté l’aventure, mais n’a recueilli que deux voix. «  J’avais pris l’engagement de revenir, eh bien me revoilà  », a lancé M. Rebsamen à l’issue du scrutin, rappelant que son retour en Bourgogne n’avait été dicté que par le décès du maire qui l’avait succédé au pied levé, son ami depuis vingt-cinq ans.

Un bilan calamiteux

Si le ministre assure ne pas battre en retraite, le bilan de ses seize mois au Travail est calamiteux. Le nombre de demandeurs d’emploi a grimpé  : 190 000 chômeurs en plus n’ayant exercé aucune activité, plus de 400 000 quand on inclut ceux avec activité réduite. Même un nouveau système de calcul des chômeurs pour le mois de juin n’aura pu masquer la débâcle. Idem pour sa loi sur le dialogue social. Bien que le gouvernement ait voulu une entente entre syndicats et patrons pour s’accorder sur un texte commun, le ministre aura dû reprendre la main et légiférer sans eux. À l’arrivée, une loi régressive qui va permettre de regrouper les instances représentatives du personnel, revenant sur les lois Auroux de 1982 qui avaient fait progresser les droits des salariés. Saisi par 60 députés du groupe «  Les Républicains  », le Conseil constitutionnel devrait donner son avis ce jeudi sur cette loi. Mais François Rebsamen n’assurera même pas le service après-vente. Pour lui succéder, quelques noms circulent  : Alain Vidalies, avocat spécialisé dans le droit du travail, ou Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry. Trop proche a priori, comme l’a laissé penser M. Rebsamen, pour un poste qui impose la «  totale harmonie avec l’Élysée et Matignon  ».

B) Un bilan désastreux laissé à son successeur

François Rebsamen prévoit de remettre sa démission du gouvernement au président de la République "le 19 août à la fin du prochain Conseil des ministres". Le ministre du Travail devrait redevenir ce lundi maire de Dijon, suite au décès à 63 ans d’Alain Millot, à qui il avait confié les rênes de Dijon en avril 2014.

"Il y a un immense quiproquo : je n’ai jamais envisagé de cumuler les charges de maire de Dijon et de ministre du Travail (...) Je sais très bien qu’on ne peut pas faire les deux et je ne l’ai jamais envisagé".

François Rebsamen retrouve la mairie de Dijon, qu’il a déjà dirigée pendant 13 ans, laissant à son successeur un bilan calamiteux. Sur le chômage en premier lieu : "Nous sommes sur une tendance baissière", assurait-il pourtant, optimiste à son entrée en fonction en avril 2014. Depuis, 200.000 chômeurs supplémentaires se sont inscrits au Pôle Emploi. Pour quelqu’un qui avait depuis près d’un an et demi la charge d’inverser la courbe du chômage, l’échec est cuisant.

Mais surtout Rebsamen laisse une loi en son nom : la loi dite de modernisation du dialogue social dans laquelle il s’est fait assez largement le porte-parole du patronat. Un texte visant à poser « dialogue social moins formel ». En clair un amincissement des cadres légaux de la représentation des salariés.

Il ne fallait pas se faire d’illusion, le ministre avait appelé à renforcer le contrôle des chômeurs et à les sanctionner. Il avait également fait dépublier une interview donnée à un magazine bourguignon dans laquelle il affirmait "se battre depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie".

A) Les chômeurs ne lui disent pas merci

Depuis un an, François Rebsamen n’aura eu de cesse de cumuler les mauvaises déclarations que les démentis n’ont pas suffi à effacer. Dans une interview publiée en octobre 2014 sur le site bourguignon le Miroir, le ministre déclarait qu’il se battait «  depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie  », estimant que les Français «  ont conscience qu’il faut adapter notre système social  » en «  assouplissant les seuils, la législation sur les 35 heures, en autorisant le travail le dimanche  ». Le ministre obtiendra le retrait de l’interview, récusant ces propos, contre l’avis du journaliste qui les maintient. Deux mois plus tard, dans la même veine, le ministre déclare  : «  S’il faut progressivement allonger la durée de cotisation (pour la retraite – NDLR), eh bien nous le ferons, puisqu’il est normal que, quand l’espérance de vie s’allonge, on allonge proportionnellement les durées de cotisation.  » Panique dans la majorité. Marisol Touraine désamorcera le lendemain  : «  Il n’y aura pas de nouvelle réforme des retraites.  » Souvent effacé par un ministre de l’Économie surfant sur ses plates-bandes, François Rebsamen connaît mal ses dossiers, botte en touche, en refusant de commenter les chiffres du chômage sur i-Télé, crée une brigade pour contrôler les chômeurs à défaut de leur trouver un emploi, et réussit à faire passer une loi régressive sur le dialogue social sans passer par le 49-3. Mais il ne manquera pas de déclarer au Monde  : «  C’est très frustrant de partir maintenant, alors qu’on voit arriver enfin la diminution prochaine du nombre de chômeurs.  » Rappelons à l’incorrigible optimiste que les derniers chiffres du chômage n’ont pas été officiellement plus catastrophiques en raison d’un opportun changement de sa méthode de calcul…

Kareen Janselme, L’Humanité


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