Droit du travail : Sarkozy en a rêvé, Hollande l’a fait

mardi 23 février 2016.
 

Réforme du droit du travail : la gauche est aux manettes, et elle réussit à faire pire que la droite tout au long de son histoire.

Si la droite, du temps où elle était au pouvoir, avait osé proposer ne serait-ce qu’une partie de ce que contient le projet de l’actuel gouvernement sur le travail, la gauche aurait sonné le tocsin de la révolte. Les grands esprits du PS auraient hurlé à la contre-révolution, à l’ultra-libéralisme, à l’imminence de la victoire des néo-conservateurs à la française, voire au retour de Vichy. Des appels à la mobilisation générale aurait été lancés, des cars affrétés, des slogans préparés, des banderoles dessinées, et l’on aurait défilé sur les grands boulevards au cri de : au secours, la droite revient !

Manque de chance, c’est la gauche qui est aux manettes, et elle réussit à faire pire que la droite tout au long de son histoire. Sans doute n’était-ce pas prévu par ceux qui avaient imaginé cette délicieuse (et pertinente) vidéo à une époque où le PS était dans l’opposition et pouvait encore se réclamer des idéaux de gauche.

Comme l’écrit Le Figaro, à propos de la bombe lancée contre le code du travail : « On voudrait y croire car même la droite n’est jamais allé aussi loin ».. Et le quotidien de Serge Dassault d’ajouter, à l’intention de qui vous savez : « A l’heure où ils rédigent leur programme, les candidats à la primaire doivent s’inspirer de ce bing bang. Si un président socialiste tente de se libérer de tabous, il serait bon qu’un prétendant républicain s’en débarrasse définitivement ». Traduction : la gauche a été capable de faire le sale boulot, soyez à la hauteur !

Le journal Les Echos est arrivé à des conclusions similaires en constatant, non sans satisfaction, que Myriam El Khomri allait défendre « un texte qu’aurait pu – et dû – rédiger la droite » - un texte qui relève du « va-tout libéral ». Ce journal salue la réforme du licenciement « partie potentiellement la plus explosive », en soulignant avec les accents d’un Jean-Luc Mélenchon qu’il s’agit d’une rupture que « ni Nicolas Sarkozy ni Jacques Chirac n’avaient osé faire ».

Un copié-collé des propositions de Gattaz

On comprend pourquoi l’ancien ministre Eric Woerth s’est montré enthousiaste, tout comme Pierre Gattaz. Ce dernier aurait eu mauvaise grâce à ne pas saluer un copié-collé de ses propres propositions, dont la philosophie est celle du dumping salarial et de la guerre des pauvres contre les pauvres.

Voilà donc où aura mené la lente préparation des esprits, avec les mille et une déclarations sur le « coût du travail » et la prétendue « rigidité » du marché de l’emploi. Le couronnement aura été l’embrigadement de Robert Badinter, ex-ministre de la justice, digne représentant de la gauche morale, mobilisé pour porter le coup de grâce au code du travail devenu l’ennemi public numéro 1.

On ainsi entendu de prétendus experts expliquer qu’il suffirait de dérèglementer et de laisser les patrons libres de licencier à leur guise pour créer des emplois par miracle, comme s’il fallait déchoir le travail de sa dignité. Si cela marchait, ça se saurait. Au fil des ans, la flexibilité s’est accrue, l’intérim et les CDD se sont multipliés, la précarité s’est aggravée. Résultat ? Le chômage n’a jamais été aussi élevé.

En fait, le véritable frein est le vide des carnets de commande dans une économie qui tourne au ralenti et qui est gangrénée par la course à la rentabilité financière héritée de la mondialisation néo-libérale. Tant que la spéculation et la rente primeront sur l’investissement, l’emploi sera sacrifié, quand bien même offrirait-on au patronat une main d’œuvre taillable et corvéable à merci.

Certes, on n’en pas là. Reste que le projet de loi de Myriam El Khomri, en l’état, représente l’un des pires reculs sociaux depuis la Libération. Il est l’équivalent du tournant blairiste en Grande-Bretagne ou de la potion Schröder en Allemagne. Dans les deux cas, la gauche social-démocrate est en ressortie essorée. On peut penser qu’il en sera de même en France, au grand profit de Marine Le Pen, laquelle peut continuer tranquillement sa cure de silence. D’autres font le travail pour elle en démolissant les consciences en même temps qu’ils détricotent un modèle social que les élites du business ont toujours voué aux gémonies.

Pendant ce temps, on organise la farce des primaires au nom de la gauche éternelle. Plus approchera l’échéance de 2017, plus l’on entendra des appels pathétiques à se mobiliser pour résister au FN, ce diable que l’on ressort de la boîte à chaque échéance électorale pendant qu’on aménage son lit au jour le jour. On expliquera qu’il faut un candidat unique de la gauche, oubliant que le Hollandisme, cette machine à trahir le peuple, est le principal allié de l’extrême droite que l’on prétend combattre.

Quand on perd la bataille des idées, on gagne rarement la bataille politique.

Jack Dion


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