L’avenir de la gauche est en question

vendredi 1er janvier 2016.
 

par Pierre Khalfa, coprésident 
de la Fondation Copernic, membre du secrétariat de la coordination nationale du front de Gauche

Le sursaut citoyen du second tour pour faire barrage au FN ne doit pas faire illusion. Certes, ce dernier échoue à s’emparer d’un certain nombre de régions, mais il continue de progresser, dépassant en nombre de voix celui de la présidentielle de 2012 alors même que la participation était moins importante à cette élection. La gauche, toutes composantes confondues, est à un niveau historiquement bas, et si le PS a pu sauver des régions, c’est avant tout grâce à des triangulaires. Le Front de gauche (FG), même allié dans certaines régions à EELV, n’a pas réussi à apparaître comme une alternative et enregistre au premier tour un de ses plus mauvais résultats.

Ces résultats reflètent l’état de la société française dans laquelle la xénophobie connaît un inquiétant développement, avec un recul des valeurs d’égalité et de solidarité, sur fond de désintégration sociale.

Pour les électeurs du FN, les questions économiques et sociales sont vues à travers le prisme de la recherche de boucs émissaires dont les immigrés, et en particulier les musulmans, sont aujourd’hui la figure la plus marquante. Les orientations du gouvernement Hollande-Valls participent activement d’un processus qui voit l’électorat de gauche déboussolé se désespérer chaque jour un peu plus.

Ce gouvernement vient d’ailleurs de donner une première réponse à la situation actuelle. C’est le refus de donner un coup de pouce au Smic. Alors même que le FN se nourrit de la désespérance sociale, le message est clair : on ne change pas une ligne qui perd. Cette orientation sur le plan économique et social s’est politiquement traduite dès dimanche soir par des appels appuyés à la droite «  républicaine  » pour que soit mis en place «  le cercle de la raison  », pour reprendre ici une formulation jadis employée par l’essayiste Alain Minc, regroupant libéraux de droite et de gauche.

S’il est peu probable que cette tentative, par ailleurs lourde d’un éclatement possible du PS, puisse voir le jour avant l’élection présidentielle de 2017, la question est aujourd’hui posée. C’est donc l’avenir de la gauche dans ce pays qui est en jeu, c’est-à-dire l’existence d’un mouvement politique portant les valeurs d’égalité, de solidarité, d’une gauche d’émancipation.

Le FG reste, malgré ses échecs et ses faiblesses, un point d’appui tant militant qu’électoral. Mais il est clair qu’il ne pourra à lui tout seul représenter une alternative politique. Les raisons en sont multiples (voir http://blogs.mediapart.fr/pierre-khalfa). Il faut en tirer les leçons et repartir de l’avant. Une reconfiguration du champ politique suppose de clarifier trois points.

Le premier renvoie aux orientations gouvernementales. Aucune proposition politique nouvelle à gauche ne peut naître sans s’opposer aux politiques néolibérales du gouvernement et à sa dérive néoconservatrice en matière de sécurité.

Mais, et c’est le deuxième point, on ne reconstruit pas l’espoir simplement en s’opposant. Il faut montrer qu’une société plus juste et plus égalitaire est non seulement nécessaire et bénéfique, mais réalisable, en articulant les solutions concrètes à un imaginaire qui permette de les envisager et d’emporter l’adhésion. Cela suppose, au-delà même du discours, s’appuyer sur les pratiques sociales émancipatrices qui voient le jour sur de nombreux terrains.

Conséquence de cette exigence – c’est le troisième point –, on ne construira pas une nouvelle donne politique à gauche par de simples manœuvres d’appareil.

Une refondation de la gauche ne peut être que l’objet d’un processus qui dépasse les forces politiques existantes, implique les citoyen-ne-s et s’appuie sur les mouvements sociaux réels. C’est dans ce cadre qu’il faudra notamment envisager la désignation d’une ou d’un candidat à l’élection présidentielle de 2017.


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