Excellent dossier sur la Constitution européenne

vendredi 20 mai 2005.
 

Le 29 Mai prochain, vous serez amenés à vous prononcer par référendum sur le projet de Constitution Européenne. Vous allez donc recevoir les 324 pages de traité, ainsi que les 460 pages d’annexes (ce qui représente 14,7 fois la constitution française), et n’aurez probablement ni le loisir ni le courage de les lire intégralement.

Les enjeux sont pourtant de taille ! Et il est indispensable que vous en connaissiez les grandes lignes à travers un certain nombre d’extraits significatifs qui pourrons évidemment être complétés par une lecture plus approfondie.

1 - Une constitution irréversible qui s’impose aux constitutions et lois des états membres

Il faut tout d’abord savoir que toute révision de ce texte est en pratique impossible, puisqu’elle passe par 7 filtres institutionnels, dont 3 nécessitent l’unanimité (convention des représentants nationaux, conférence des représentants des gouvernements, ratification par tous les états).

« Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du présent traité. [......] Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. » Art. IV-443

Ce texte, et en particulier la partie III, est bien la synthèse des traités antérieurs, mais la différence fondamentale est qu’il s’agit d’une constitution et qu’elle s’impose définitivement et systématiquement aux constitutions et législations des états membres. Ils ne pourront donc pas aller à l’encontre de la politique commune.

« Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant de la Constitution ou résultant des actes des institutions de l’Union. » Art. I-5.2

S’ils passent outre, les lois qui pourraient en résulter seront déclarées nulles.

« La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres. » Art. I-6

Et la commission, ou tout autre état membre, pourra saisir la cour de justice, qui imposera alors les rectifications, qu’il faudra appliquer à la lettre sous peine de sanctions financières.

« Si la Commission estime qu’un État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu de la Constitution, elle émet un avis motivé à ce sujet [...] celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

Si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt visé au paragraphe 1, elle peut saisir la Cour de justice [...] Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par l’État membre concerné qu’elle estime adapté aux circonstances. » Art. III-360, 361 et 362

2 - La sacralisation durable de l’ultralibéralisme

En tant que traité économique, il a pour objectif principal d’institutionnaliser l’ultralibéralisme en lui conférant des bases juridiques.

Les principes généraux, érigés en « libertés fondamentales », en sont posés dès la première page :

« L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée. » Art. I-3.2.

« La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement, sont garanties par l’Union » Art. I-4.

Au passage, la libre circulation des capitaux enterre définitivement toute idée de taxation du type taxe Tobin.

La constitution étant bien plus un contenu qu’un contenant, la troisième partie intitulée « les politiques et les actions de l’Union » s’étend très longuement et très concrètement sur les mesures qui en découlent.

« Les États membres conduisent leurs politiques économiques pour contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article I-3 [...] Les États membres et l’Union agissent dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre [...]. » Art. III-178.

Les gouvernements qui s’écarteraient de cette voie, en prenant par exemple des mesures jugées trop sociales, seront sanctionnés de la manière suivante :

« [...] le Conseil, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille l’évolution économique dans chacun des États membres [...] Lorsqu’il est constaté [...] que les politiques économiques d’un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 [...] la Commission peut adresser un avertissement à l’État membre concerné. [...]. » Art. III-179.

« Les droits de vote des membres du Conseil représentant les États membres [...] sont suspendus [...] dans les cas suivants : a) recommandations adressées aux États membres dont la monnaie est l’euro dans le cadre de la surveillance multilatérale, y compris sur les programmes de stabilité et les avertissements. [...] » Art. III-197.4.

De plus l’Union fera tout pour que ces gouvernements ne tentent pas de réglementer l’économie :

« [...] la loi-cadre européenne [...] évite d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises. [...]. » Art. III-210.2.

ou de contrôler le marché (circulation des O.G.M, exportations chinoises massives...)

« [...] l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs [...]. » Art. III-314.

L’industrie devra s’adapter aux exigences de rentabilité immédiate des actionnaires, et l’Union accompagnera les restructurations et plans sociaux qui emportent pourtant déjà de très nombreux salariés :

« L’Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées. [...] leur action vise à [...] accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels [...]. » Art. III-279.

Un article fera en outre certainement réagir les pays d’Europe de l’Est, contraints d’adopter l’Euro dans la douleur, ainsi que tous ceux qui ont constaté la flambée des prix qui en a découlé en France pour les produits courants (la stabilité étant assurée par une baisse des produits haut de gammes, qui ne favorise évidemment pas la même cible).

« [...] l’action des États membres et de l’Union comporte [...] la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. [...] » Art. III-177.

Cette « stabilité des prix » ne bénéficiera donc certainement pas aux citoyens de l’Union...

L’article le plus éloquent concernant les objectifs de ce projet place le marché au dessus de tout, et en particulier au dessus de la sécurité intérieure d’un état, qui ne pourra se défendre qu’à condition de ne pas entraver les rouages du libéralisme :

« Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre. » Art. III-131.

3 - La destruction définitive du service public

La notion de service public, basée sur la solidarité (hôpitaux, poste, écoles, transports, énergie, eau...) et dont la rentabilité n’est donc pas l’objectif principal, est totalement supprimée et remplacée par celle de service d’intérêt économique général (S.I.E.G.).

« Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et les États membres [...] veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. » Art. III-122.

Ces services, dérogations tolérées mais sous contrôle strict, devront donc avoir un « intérêt économique », être rentables et soumis à la concurrence. Il faudra donc privatiser dans une large mesure tous les services publics, sur le modèle de France Telecom qui, avec ses 8000 suppressions d’emploi dont 5500 en France, est l’exemple-type du SIEG.

« Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général [...] sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence [...] » Art. III-166.

« [...] sont incompatibles avec le marché intérieur, [...] les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. » Art. III-167.

« Les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire [...] si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet. » Art. III-148.

Nos impôts sur le revenu ne serviront donc plus qu’à « balayer les ruines », au lieu de nous permettre de bénéficier de véritables services publics.

« Sont compatibles avec la Constitution les aides qui répondent [...] au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public. » Art. III-238.

Vous savez en effet certainement que 6500 bureaux de poste seront supprimés sur 12000, ainsi que des dizaines de milliers de lits d’hôpitaux, de postes titulaires dans la fonction publique, l’éducation nationale...

Dans ce contexte, le projet de constitution proclame donc bien la destruction définitive du service public.

Il ne faut pas espérer pour autant que ces impôts sur le revenu baissent significativement car il faudra toujours combler les déficits des grandes entreprises privées, attirer et subventionner des chefs d’entreprise chasseurs de primes, augmenter les budgets de la défense (cf. partie 5) et répondre à la frénésie sécuritaire.

Les baisses symboliques que l’on nous a gracieusement accordées, dont ne bénéficient vraiment que les revenus les plus élevés, sont ingénieusement accompagnées d’une hausse très nette des impôts locaux (de 4% en 2003, 3% en 2004), qui pèse beaucoup plus lourd sur les petits revenus puisque le critère principal, « géographique », est beaucoup plus inégal.

4 - Une charte de régression des droits fondamentaux

Dès son préambule, la seconde partie consacrée à la charte des droits fondamentaux de l’Union définit les priorités en affirmant que l’Union :

« cherche à promouvoir un développement équilibré et durable et assure la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement. » Art. II-Préambule.

La liste des régressions qui en découle est impressionnante et éloquente :

Le droit aux prestations sociales inscrit dans la déclaration universelle des droits de l’homme à l’Article 25 (« droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ») est aboli de la manière suivante :

« L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi [...] » Art. II-94.

Ce droit d’« accès » est gravissime puisqu’il est clairement compatible avec une système non plus basé sur la solidarité mais sur des organismes privés, sur le modèle bien connu des Etats-Unis. En clair, on a le droit d’accéder à ces prestations, encore faut-il en avoir les moyens...

Le droit au travail inscrit dans la constitution de 46 et reprise dans celle de 58 et dans la déclaration universelle des droits de l’homme, où il était précisé que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail [...] et à la protection contre le chômage », est remplacé par la liberté d’en chercher, ce qui est fondamentalement différent !

« Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre. » Art. II-75.

Le droit à la limitation quotidienne et hebdomadaire du temps de travail, qui apparaît dans notre constitution dans la notion de « durée légale du travail », est abolie en vertu de l’article suivant :

« Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. » Art. II-91.

Fini donc la semaine de 35 ou même 39 h, la journée de 8 h ; elles seront remplacées par l’année de 1600 h (par exemple, et pour l’instant...), réparties en fonction des besoins de l’employeur avec pour seul impératif une pause minimale de 10 ou 11h entre deux journées de travail, ou un jour de repos dans la semaine.

Le droit de délocaliser est institutionnalisé (Art. III-137 à 143) :

« [...] les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre. » Art. III-137.

De plus, tout est prêt pour exploiter massivement la main-d’œuvre d’Europe de l’Est (cf. directive Bolkestein), dans la mesure où l’Union vise :

« [...] à éliminer les procédures et pratiques administratives, ainsi que les délais d’accès aux emplois disponibles découlant soit de la législation interne, soit d’accords antérieurement conclus entre les États membres, dont le maintien ferait obstacle à la libéralisation des mouvements des travailleurs. » Art. III-134.

La section 1 de la partie III est entièrement dédiée à promouvoir la flexibilité et donc la docilité des salariés, qui seront ainsi contraints d’accepter sans condition n’importe quel poste (intérim, contrats précaires, qui accompagnent la raréfaction des CDI...) :

« L’Union et les États membres s’attachent [...] à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie, en vue d’atteindre les objectifs visés à l’article I-3. » Art. III-203.

En outre, si la laïcité n’est jamais mentionnée dans le texte, le principe de séparation de l’église et de l’état est clairement remis en cause, et ce à plusieurs reprises :

« L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. [...] » Art. I-52.1.

Tout comme au Portugal, en Irlande ou en Pologne, le terrain est donc prêt pour pouvoir remettre en cause implicitement le droit à l’avortement :

« Toute personne a droit à la vie. » Art. II-62.1.

Parmi une multitude d’autres régressions concrètes qu’il serait impossible de lister ici, notons que la recherche fondamentale devra être démantelée, dans la mesure où les programmes seront soumis au contrôle de la commission (cf. partie 6), qui aura donc toute latitude pour abandonner ceux qui seront jugés non cohérents avec les objectifs de l’union, c’est-à-dire non rentables :

« La Commission peut prendre [...] des initiatives en vue d’établir des orientations et des indicateurs, d’organiser l’échange des meilleures pratiques et de préparer les éléments nécessaires à la surveillance et à l’évaluation périodiques. » Art. III-250.

Notons enfin que les problèmes (répercussions sur l’environnement, exode rural, chômage des paysans...) liés à la politique agricole commune (le plus gros poste budgétaire de l’Union à l’heure actuelle), ne risquent pas de se régler au regard de l’article suivant, qui conforte l’abaissement généralisé des prix de la production agricole et le productivisme :

« La politique agricole commune a pour but [...] d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. » Art. III-227.1.e.

5 - Les Etats-Unis : modèle, maître ou rival ? Une question sur fond de bruits de bottes...

Dans le domaine militaire, l’Union fait allégeance totale à l’OTAN, dont 19 états sont membres sur les 25 :

« [...] l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. [...] » Art. I-41.9.

Mais ce soutien aux interventions unilatérales pratiquées couramment par les Etats-Unis sera également direct et actif, au travers de l’armée européenne qui sera progressivement mise en place. L’article suivant doit en particulier évoquer de récents événements moyen-orientaux :

« [...] Toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire. » Art. III-309.1.

Ce soutien inconditionnel (ou cette tentative de concurrence géopolitique) sera évidemment loin d’être gratuit et, même si les autres postes budgétaires doivent être écrasés par celui de la défense,

« [...] Les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires [...]. » Art. I-41.3.

En outre, nous orientant vers le « Patriot Act » américain, les abus liés à la politique sécuritaire et répressive prônée tout au long de la constitution ne pourront aucunement être canalisés par la cour de justice européenne :

« [...] la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour vérifier la validité ou la proportionnalité d’opérations menées par la police ou d’autres services répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure. » Art. III-377.

6 - Une mélodie faussement humaniste pour une chanson ultralibérale

« [...] une loi ou loi-cadre européenne du Conseil peut établir les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Le Conseil statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen. » Art. III-124.

Quelle magnifique illustration d’un article d’une beauté émouvante mais sans aucun effet, puisque la loi « peut » mais ne « doit » pas, et que toute décision requiert l’unanimité.

De manière générale, à la différence des mesures ultralibérales, les « valeurs » générales de l’Union dans lesquelles elles sont évidemment ingénieusement camouflées, du moins dans les parties « visibles » du texte (premières pages des parties), ne donnent lieu à aucune réglementation précise ou mesure concrète. Notons au passage que ces valeurs ne constituent une avancée pour aucun pays de l’Union, que cette dernière ne fera que « tendre vers » ou « promouvoir », et que la plupart d’entre elles sont antinomiques avec l’ultralibéralisme.

« L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur [...] une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social [...] d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. [...] » Art. I-3.3.

A cet égard, un article affiche clairement la primauté de la constitution (et de son ultralibéralisme) sur la convention européenne :

« L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans la Constitution. Les droits fondamentaux [...] font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. » Art. I-9.

Dans la seconde partie consacrée à la charte des droits fondamentaux de l’Union (dont nous avons déjà listé les méfaits dans le partie 4), il convient d’être très vigilent, car toutes les valeurs positives que vous pourrez y trouver, du moins en première lecture, ne constituent au mieux qu’une tolérance des acquis sociaux présents dans les constitutions nationales, sur lesquels l’Union ne s’engage en rien puisque cette charte :

« [...] ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution. » Art. II-111.

De plus, tout droit accordé par cette charte peut être limité dans les conditions suivantes :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. » Art. II-112.1.

Inutile de rappeler que l’intérêt général pour l’Union est avant tout d’imposer une économie libérale...

Et il est donc somme toute assez logique que cette charte n’aborde jamais certains points de la déclaration universelle de 1948 tels que le droit au logement, le revenu minimum, le salaire minimum, l’allocation chômage, la retraite...

Elle considère plutôt que c’est

« [...] le marché intérieur, qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux [...] » Art. III-209.

Au niveau du fonctionnement des institutions, il est très important de relever que tout est fait pour éloigner la prise de décision des suffrages populaires. Le parlement, seule instance élue au suffrage universel, n’a qu’un rôle consultatif et c’est la commission qui concentre TOUS les véritables pouvoirs.

Tout au long du texte, cette instance qui n’est pas élue mais nommée par les chefs d’Etats pour un mandat de 5 ans, contrôle, régule, sanctionne. Mais elle est surtout la seule à pouvoir proposer des lois !

« Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission. [...] » Art. I-26.2.

Le « Principe de la démocratie participative », qui aurait pu être considérée comme une innovation intéressante, n’est en réalité qu’un leurre puisqu’elle demeure également soumise au jugement de la toute puissante commission. Elle n’est en effet qu’« invitée » à prendre note des requêtes, comme le faisait Louis XIV sur son célèbre cahier de doléances, et à ne donner suite que si elle juge que celles-ci sont conformes aux objectifs de l’Union, à savoir l’établissement d’un politique ultralibérale.

« Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la Constitution. » Art. I-47.4.

Attention donc de ne pas vous laisser « enfumer » par ce simulacre de démocratie et par les envolées humanistes qui n’engagent pas l’Union et ne la détourneront pas de son unique objectif :

démanteler définitivement notre système social et instaurer un immense marché déréglementé.


Se prononcer pour le OUI (ou s’abstenir), c’est donc :

Renoncer définitivement à nos constitutions et au système social qui y est inscrit depuis l’après guerre (et le travail du Conseil National de la Résistance), basé sur le service public, la sécurité sociale, la retraite, l’assurance chômage, le droit du travail...

Offrir aux bataillons ultralibéraux un immense marché déréglementé où ils pourront librement délocaliser et tirer profit d’une main d’œuvre flexible et bon marché. Il faut en effet se préparer à un chômage massif suite à l’effet conjugué de l’encouragement des délocalisations et de l’arrivée massive de travailleurs de l’Europe de l’Est dont le salaire est entre 2 et 3 fois moins élevé, et pour lesquels on pourra appliquer la législation du pays d’origine. Il s’agit en effet du premier « ballon d’essai » constitutionnel lancé récemment sous le nom de directive Bolkestein, et dont le passage en force a été officiellement relancé par la commission européenne début Mars .

Accepter sans conditions de devenir le bon élève des Etats-Unis, en appliquant son système social et en devenant un rouage de son système politique et militaire (Georges W. Bush s’appuie en effet fortement sur les pays d’Europe de l’Est et sur ses compagnons de guerre comme la Grande-Bretagne ou l’Espagne, inconditionnellement acquis à sa cause).

Se prononcer pour le NON, c’est en revanche :

S’opposer clairement et pour la première fois à l’offensive politico-médiatique qui tente de nous persuader qu’il n’y a aucune alternative à cette marche forcée vers l’ultralibéralisme,

Provoquer non pas un chaos, puisque les traités européens restent en vigueur (tout en demeurant révisables, à la différence du projet de constitution), mais un point d’arrêt à la destruction systématique des acquis sociaux qui étouffe progressivement les citoyens européens depuis le traité de Maastricht,

Participer à un mouvement, de plus en plus puissant et mobilisé contrairement à ce que la propagande officielle matraquera de plus en plus violemment au cours des prochains mois, qui aura un véritable retentissement et permettra un rejet clair et progressiste de la France, membre fondateur et occupant une position centrale au sein de l’Europe.

http://info.constit.euro.free.fr


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