3 avril 1871 Assassinat de Gustave Flourens

mardi 4 avril 2023.
 

Ce 3 avril 1871, au beau milieu de la sublime et tragique aventure communarde, un de ses dirigeants tombe désarmé, dans l’auberge où il s’était réfugié, sous le sabre d’un versaillais. Gustave Flourens, car c’est de lui qu’il s’agit aujourd’hui, injustement oublié, était né en 1838 dans une famille cultivée et aisée. Son père, scientifique réputé, enseigne au Collège de France. Gustave ne va pas tarder à lui succéder à la même chaire. Déjà, sa liberté d’esprit, son athéisme, son matérialisme aussi le font voir d’un mauvais œil par le pouvoir en place.

Emballé par tous les mouvements de libération populaires, le voilà aux côtés des Polonais, puis des Crétois, emporté par l’esprit internationaliste qui l’anime. Loin d’être un théoricien, ou un observateur en retrait, il prend part aux combats. Et tout naturellement, à peine est-il rentré en France, le regard brillant encore des feux de ses exploits, qu’on le retrouve engagé dans l’opposition à l’Empire auprès de Blanqui, et de Rochefort.

La lutte en force, voilà son objectif. Nul ne s’étonne de le retrouver prônant le soulèvement à l’occasion des obsèques de Victor Noir. Ce qui lui donne droit à un exil en Hollande, puis en Angleterre, où fatalement, il croise Marx ! Depuis là-bas, il publie des écrits libres penseurs, ce qui ne le rend pas plus sympathique aux gouvernants…

De retour au pays dès que la République est proclamée en septembre 1870, le voici bientôt chef de l’insurrection menée contre Trochu et son gouvernement. Et c’est tout naturellement qu’il épouse la cause de la Commune. On monte vite en grade lorsqu’on est courageux, en ces temps de chaleur révolutionnaire. À peine élu dans le 19ème arrondissement, il est nommé général et reçoit en charge de défendre Paris contre la réaction versaillaise. Avec Bergeret, il décide la « sortie contre Versailles ». Ce sera un désastre. Et il y gagnera, à Rueil, le coup de sabre d’un capitaine de gendarmerie. Non sans s’être assuré de la mise en sécurité de ses troupes.

Au Père-Lachaise, la tombe de ce « martyr » fit l’objet d’un engouement proche du culte. Un corps franc prendra le nom évocateur de « Vengeurs de Flourens ». Mais le temps passe, et les légendes, fussent-elles exemplaires, se dissipent pour faire place à d’autres, plus éclatantes sans doute. La bourgeoisie l’avait surnommé le « spectre rouge ». Mais Jenny Marx célébrait « son cœur ardent et sensible à la cause des opprimés, ce cœur qui battait pour chaque nation… ». Aurait-il rêvé plus bel hommage ?

Brigitte Blang

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GUSTAVE FLOURENS (1838-1871) Itinéraire d’un romantique révolutionnaire (L’Humanité

On ne se souvient plus guère de Gustave Flourens de nos jours, même dans la mémoire communarde. Et pourtant sa popularité dans les années 1860 fut considérable. Il est issu d’une grande famille de l’aristocratie et de la bourgeoisie languedocienne. Son père Pierre fut un savant physiologiste reconnu (élu contre Victor Hugo à l’Académie française…) à qui l’on doit l’invention des neurosciences. Son frère Émile fut ministre de la IIIe République. Le jeune Gustave semble d’abord suivre la voie de son père, et précocement, puisque le ­7 décembre 1863, à vingt-cinq ans, il commence une série de 25 cours au Collège de France, dont le grand amphithéâtre, fermé depuis le 2 décembre 1851 et le coup d’État du petit Napoléon, est rouvert pour l’occasion. On se presse à ses conférences d’anthropologie qui font parler dans Paris. À vrai dire moins par leur contenu, assez banalement marqué par les préjugés quelque peu raciaux de l’époque, que par les professions de foi vigoureusement matérialistes et athées du professeur. Car pour Flourens la croyance en Dieu (et non seulement dans les religions) est une source décisive des souffrances de l’humanité. Sous la pression de l’Église et des «  honnêtes gens  », Victor Duruy n’autorise pas Gustave Flourens à enseigner une seconde année.

Mais Gustave Flourens a d’autres passions. Ce rationaliste est empreint d’un romantisme révolutionnaire profond. Déjà, quelques mois avant son cours au Collège de France, il était parti en Pologne pour combattre aux côtés de l’insurrection polonaise, mais ce qu’il avait vu du poids de l’Église catholique et des hobereaux polonais chez les dirigeants de l’insurrection l’avait conduit à repartir rapidement en France.

Après quelques mois passés en Belgique, où il rencontre des militants de l’Internationale qui le gagnent à leur cause (mais en même temps il se rapproche de Blanqui et se fait franc-maçon), c’est sa participation au combat du peuple crétois contre la domination ottomane qui va lui donner son image de chevalier rouge. De 1866 à 1868, la Crète connaît une formidable insurrection. Gustave Flourens va se battre aux côtés des insurgés, tentant aussi de mobiliser les nations européennes pour cette cause. Sans grand succès  : même le roi de Grèce ne veut pas prendre le risque d’une intervention. Mais l’écho médiatique de l’action du jeune savant est important. Il obtient le soutien de Victor Hugo qui publie plusieurs articles sur la question.

De retour en France en 1868, sa popularité fait qu’on lui demande de présider les réunions publiques républicaines ou socialistes. Un duel au Vésinet avec le bonapartiste Paul de Cassagnac, où il est gravement blessé, accentue sa réputation de courage.

Menacé par la police impériale, il s’exile en Angleterre en mars 1870. De manière quelque peu surprenante, lui, le combattant à la tête folle, devient un familier de Karl Marx et de sa famille. Souvent invité le dimanche, il comble Jenny, la fille de son hôte, en lui racontant ses combats révolutionnaires. Et il fournit la table du père de bons vins du Midi qu’il fait venir de sa famille  ! Quant à Marx, il voit dans Gustave Flourens une figure de ce peuple français étrangement porteur de révolutions plus qu’aucun autre au XIXe siècle, au point qu’il envisage de le faire rentrer au conseil de l’Internationale.

Le 4 septembre 1870, Gustave Flourens rentre en France. Il écrit dans la Patrie en danger de Louis Auguste Blanqui. Il est vite désigné par ses hommes commandant du 63e bataillon de la garde nationale, un bataillon de Belleville. Il est ensuite élu commandant de l’ensemble des bataillons du 20e arrondissement. C’est à la tête de ces bataillons qu’il conduit l’insurrection du 31 octobre 1870 contre Trochu et le gouvernement de la défense nationale, accusés de capitulation. Cette insurrection, confuse, se heurte à la réaction des gardes nationaux des quartiers bourgeois et échoue. Flourens est arrêté le 4 décembre 1870 et enfermé à Mazas.

Mais son meilleur ami, Amilcare Cipriani, jeune socialiste italien dont il avait fait la connaissance en Crète, lors de l’insurrection, se présente à la porte de la prison dans la nuit du 20 au 21 janvier 1871 à la tête des bataillons de Belleville et fait délivrer le prisonnier et quelques autres futurs communards. Encore un épisode romanesque  !

Après le 18 mars, il est naturellement élu à la Commune de Paris le 26 mars par le 20e  arrondissement. Mais il reste commandant de la 20e légion. Nommé général, il faut bien avouer qu’il aime parader à cheval en bel habit à revers rouges, à boutons dorés avec cinq galons d’or…

Mais l’homme reste plein de courage. Lors de l’offensive précipitamment organisée par la Commune le 3 avril, en réponse aux premières agressions et atrocités versaillaises, ses hommes de la 20e légion occupent l’aile droite de l’armée communarde. Leur avancée est spectaculaire : de Neuilly à Asnières, Bois-Colombes, Rueil puis Chatou et Bougival, conquis après de vifs combats.­Versailles n’est plus qu’à quelques kilomètres. Mais Flourens s’est isolé, les autres colonnes communardes n’ayant pas connu le même succès. Il faut ordonner la retraite. Pour sa part, Flourens ne s’y résigne pas. Lui et Cipriani s’attardent avec quelques hommes dans une petite auberge où un parti de gendarmes versaillais les surprend. Flourens doit se rendre après un court combat. Reconnu, il est assassiné d’un coup de sabre à la tête par un capitaine versaillais auquel Thiers donnera la Légion de déshonneur  !

En 1864, il avait écrit ceci qui le résume assez bien  : «  Je ne juge jamais les hommes sur leur costume, je me sens honoré de presser la main qui travaille, je ne voudrais point toucher la main du courtisan qui tremble. Donne-moi la tienne.  »

Jean-Louis Robert

Gustave Flourens : le chevalier rouge

A vingt-cinq ans, Gustave Flourens commence une série de 25 cours au Collège de France. On se presse à ses conférences d’anthropologie qui font parler dans Paris. À vrai dire moins par leur contenu, assez banalement marqué par les préjugés quelque peu raciaux de l’époque, que par les professions de foi vigoureusement matérialistes et athées du professeur.

Car pour Flourens la croyance en Dieu (et non seulement dans les religions) est une source décisive des souffrances de l’humanité. Sous la pression de l’Église et des «  honnêtes gens  », Gustave Flourens n’enseignera pas une seconde année. Il participe à l’insurrection crétoise de 1866. Il est nommé ambassadeur de Crète auprès du gouvernement grec qui, cédant aux pressions du gouvernement français, l’expulse vers la France.

Opposant politique au Second Empire, il est emprisonné pendant trois mois en 1869. Il devient chroniqueur militaire du journal La Marseillaise. Après l’arrestation de Rochefort en février 1870, il s’enfuit en Hollande puis en Angleterre. Il rentre en France après la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Il est élu chef d’un bataillon de la Garde nationale de Belleville et est l’un des organisateurs de l’émeute du 31 octobre 1870 contre la politique jugée trop tiède du gouvernement de la Défense nationale.

Le 18 mars 1871, il rejoint le mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris. Flourens est élu membre de la Commune par le XIXe arrondissement. Il est nommé général et chargé de la défense de Paris. C’est un des chefs les plus actifs de la révolte. Dans une sortie contre les troupes versaillaises au matin du 3 avril, il est tué dans un corps à corps à Rueil-Malmaison, alors qu’il était désarmé, par un capitaine de gendarmerie, d’un coup de sabre qui lui fend la tête. Victor Hugo en a fait un héros français qu’il surnomme le Chevalier rouge.


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