Macron, un « socialiste » qui aime les milliardaires et les rois

mercredi 12 août 2015.
 

Le ministre de l’Économie fêtera bientôt sa première année à Bercy. Jamais élu, auteur d’une loi ultralibérale passée à coups de 49-3, l’ancien banquier a aussi multiplié les petites phrases chocs, dans une décontraction totale qui ne cache pourtant pas sa volonté de détruire la gauche.

« Moi, j’ai lu Marx et Hegel.  » Un an après sa nomination au gouvernement en août dernier, et alors que sa loi phare vient d’être adoptée, Emmanuel Macron doit toujours faire de gros efforts pour apparaître comme socialiste. Sauf que ses grandes paroles, par exemple lorsqu’il cite Jaurès pour défendre l’idée que «  l’entreprise est le lieu de l’émancipation  », ne suffisent pas. Le ministre a beau multiplier les déclarations pour faire oublier son passé de banquier d’affaires et se débarrasser de son image de technocrate, rien n’y fait  ! En visite chez Acome, il vante le «  modèle extraordinairement intéressant  » de cette Scop, mais ne peut s’empêcher de le présenter comme la preuve que l’entreprise ne serait «  pas un lieu de conflits  ». On est assez loin de Marx et Hegel  !

Celui qui était surnommé 
«  le cerveau droit de Hollande  »

Celui qui, à en croire Marianne 
(octobre 2014), promettait au banquier David de Rothschild d’être sa «  protection  » quand la gauche serait au pouvoir, et qui veut que les jeunes «  aient envie de devenir milliardaires  », révèle aussi son mépris de classe, lorsqu’il affirme que les employées de l’abattoir Gad «  sont pour beaucoup illettrées  ». Alors forcément, quand il joue à être de gauche et s’exclame que «  tous les banquiers d’affaires sont des menteurs  », le propos est si simpliste et caricatural que l’ancien étudiant de HEC frôle le ridicule. Il est étrangement beaucoup plus crédible quand il explique être «  décomplexé par rapport à l’argent  ».

Schizophrène  ? Celui qui était surnommé «  le cerveau droit de Hollande  » lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Élysée peut bien affirmer «  je suis socialiste et je l’assume  », ses préconisations le ramènent invariablement dans l’autre camp. Pêle-mêle  : plus de concurrence, des mesures pour «  inciter encore davantage à la reprise du travail  » – selon la vieille idée que les chômeurs ne voudraient pas travailler — et bien sûr la généralisation du travail dominical, mesure emblématique de sa loi.

Pour l’ancien rapporteur de la commission dirigée par Jacques Attali (dont il était considéré comme la «  doublure  »), «  le fait que la France soit l’un des pays qui protège le plus ses travailleurs est l’une des explications de son taux de chômage  ». Il faudrait alors réduire «  les incertitudes liées au CDI  » en facilitant et raccourcissant les procédures de licenciement, et «  redonner de la place au contrat  ».

La doxa libérale vaut aussi pour la réduction des dépenses publiques, sauf lorsqu’il s’agit d’aider les entreprises. «  N’attendez pas que l’État fasse pour vous, mais comptez sur lui  », conseille l’instigateur du crédit d’impôt compétitivité emploi et du pacte de responsabilité, qui considère que cela n’aurait «  aucun sens  » de demander aux entreprises de créer un nombre déterminé d’emplois en contrepartie de ces cadeaux.

Et ce n’est pas que sur les questions économiques qu’Emmanuel Macron défend des positions fort éloignées de l’idéal socialiste. Quelques jours après le premier emploi du 49-3 à l’Assemblée nationale, le ministre défendait ce passage en force en arguant qu’on ne pouvait pas accepter d’être «  stoppé par le déni de réalité, les corporatismes, ou des jeux d’appareil politiciens  ». Ses critiques répétées des corps intermédiaires ont comme un parfum de bonapartisme, qu’il critiquait pourtant chez Sarkozy. Le lecteur autoproclamé de Marx est allé bien plus loin début juillet en affirmant dans l’ hebdomadaire que «  dans la politique française, il y a un absent et cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort  ». Pour lui, la mort du roi a laissé un vide qui n’a été comblé qu’à deux périodes  : «  les moments napoléonien et gaulliste  ». Resurgit ainsi chez lui, avec par exemple cette nostalgie de l’homme providentiel – qu’il ne semble donc pas voir, au passage, chez François Hollande –, un vieux fond conservateur. Au point qu’il s’attire les faveurs de l’Action française, groupuscule monarchiste, qui s’est déclarée «  heureuse que sa voix se joigne aux leurs  ». Comme quoi, si Emmanuel Macron dit avoir appris de Michel Rocard sa capacité à lutter contre la «  gauche conservatrice  », il semble poser beaucoup moins de problèmes à la droite la plus réactionnaire.

Cyrille Crespy et Mathias Malwé, L’Humanité


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