La lucidité, condition du sursaut indispensable (Christian Picquet)

mercredi 1er avril 2015.
 

Pour retrouver une vitalité assez largement évanouie, la politique a besoin de vérité et d’ambition au service de l’intérêt général.

J’écris cette note après que le Front de gauche et Europe écologie-Les Verts auront été contraints de pénétrer dans le marécage où le ministre de l’Intérieur, et au-dessus de lui le Premier ministre, voulaient les mener au lendemain du premier tour de ce scrutin. Je parle à dessein de marécage, s’agissant de ce grand bonneteau consistant à éparpiller les étiquettes des concurrents de gauche du Parti socialiste, pour mieux minimiser leurs scores et accréditer l’idée que le gouvernement s’en serait, finalement, « bien tiré ». Naturellement, il fallait contrer une manœuvre pouvant conduire au découragement des centaines de milliers de citoyens ayant voulu exprimer leur souhait d’une politique vraiment à gauche, au prix probable d’une nouvelle progression de l’abstention à l’occasion des prochaines consultations. Au surplus, il fallait empêcher que l’on pousse davantage des populations en proie à une détresse grandissante à reporter leur colère sur la formation s’imposant comme la grande bénéficiaire de la nouvelle « tripartition » dont parlent les politologues, je veux parler du Front national.

Cela dit, pour cette partie de la gauche qui se bat sans discontinuer contre la désespérance de la France travailleuse, la question essentielle n’est pas là. Elle porte plutôt sur les moyens de surmonter le décalage entre des résultats somme toute modestes, quoiqu’ils reflètent un réel enracinement sur le terrain, et la terrible hypothèque pesant sur notre Hexagone. C’est l’évidence même, les 9,4% recueillis par les binômes Front de gauche sur les cantons où ils se présentaient, et les 13,6% atteints par l’alliance avec les écologistes dans quelque 448 autres cantons, constituent un vibrant démenti à l’assertion selon laquelle il ne demeurerait que des courants résiduels à la gauche de la rue de Solferino. Pour autant, ni à l’échelon des territoires, ni au plan national, l’étiage atteint par ces candidatures alternatives ne leur permet de s’affirmer en relève crédible de l’aire gouvernante, bien que celle-ci entraîne le camp progressiste tout entier, et avec lui la France et la République, vers une authentique déconfiture. À preuve, si le PS se révèle le premier à essuyer la sanction des électeurs, parce qu’il apparaît solidaire des choix libéraux mis en œuvre au sommet de l’État, les autres composantes de la gauche reculent elles aussi, comme l’illustre le nombre de cantons qu’ont perdu, dimanche dernier, aussi bien le Front de gauche que nos amis écologistes.

Le 22 mars délivre la photo, terriblement inquiétante, de la crise française dont je parlais le 15 mars. Une crise tout à la fois politique, avec le rejet dont font l’objet les mécanismes de représentation, économique, avec l’enfermement du pays dans une situation de stagnation, sociale, avec l’entrelacs des fractures qui opposent désormais entre eux les diverses strates de la population et la réfraction territoriale de cette balkanisation de la société, morale, avec le sentiment (le plus souvent injuste) qui s’installe d’une corruption généralisée (et surtout impunie) des élus, nationale, avec l’humiliation qu’éprouve un très grand nombre de nos concitoyens lorsque leur souveraineté se voit bafouée par les injonctions émises depuis Bruxelles ou Berlin… Inutile de dire qu’il s’agit donc moins, maintenant, de se congratuler devant la prestation honorable de nos candidatures, que de porter un message pertinent sur ce à quoi leurs scores peuvent servir demain. Ce qui suppose, en tout premier lieu, d’identifier précisément et lucidement les défis, aussi colossaux que lourdement aggravés, qui se présentent. Le sursaut indispensable est à ce prix…

QUATRE DÉFIS… EXISTENTIELS

Le premier défi est, évidemment, celui de l’abstention. Qu’elle pût fluctuer, et qu’elle ait même régressé au premier tour de ces départementales par rapport aux précédentes cantonales et aux dernières européennes, ne change rigoureusement rien à la permanence d’un phénomène : la désertion des isoloirs traduit, de consultation en consultation, la sourde protestation d’une moitié environ du corps électoral. En 2012, une large majorité des ouvriers, des employés, des chômeurs ou des précaires, sans parler des jeunes, avait porté ses suffrages sur l’un des représentants de la gauche (et elle avait, pour les deux tiers de ces catégories, concouru à l’élection de François Hollande au second tour de la présidentielle). Cette fois, dans nombre de quartiers des anciennes « banlieues rouges », on s’est dérobé dans des proportions à peu près identiques au vote. Sans égards particuliers pour l’engagement inlassable des nôtres, à commencer par ces milliers de militants communistes qui forment la colonne vertébrale du Front de gauche, au service du bien commun et d’une orientation qui s’en prendrait enfin aux intérêts dominants afin de rétablir l’égalité réelle et des conditions de vie décente pour le plus grand nombre.

D’où le danger majeur du deuxième défi sur lequel je voudrais m’arrêter : l’inexorable montée en puissance du Front national. Jusqu’aux européennes, il était de bon ton, y compris dans la gauche anti-austérité, de relativiser l’enracinement de l’extrême droite dans un électorat qui fut de tout temps la base sociale du camp progressiste. Aujourd’hui, même si je ne nie pas qu’il exista toujours une fraction de la classe travailleuse pour accorder ses suffrages aux formations conservatrices, nul ne saurait contester que c’est son influence auprès des exclus d’un ordre sans cesse plus inégalitaire qui offre au lepénisme sa dynamique de développement. Dans Le Monde du 26 mars, un groupe de chercheurs ayant travaillé sur cette donnée en arrive à des conclusions à mon sens incontournables : « C’est du coût de la vie et du chômage dont nos enquêtés souffrent et parlent le plus. Parce qu’ils sont en situation de concurrence pour les aides, ils reprennent la rhétorique du bouc émissaire livrée par l’extrême droite. (…) Dimanche, l’extrême droite a confirmé sa capacité à mobiliser un vote de ressentiment dans les fractions fragilisées des milieux populaires. Chez les employés et plus encore chez les ouvriers, le vote FN est d’abord le fait des travailleurs pauvres, qui ont le sentiment d’être exploités par ceux d’en haut et de payer pour ceux d’en bas. »

Cela confère une portée redoutable à l’extension du vote frontiste à tout le territoire, à son ancrage maintenant favorisé par un nombre sans précédent d’élus locaux (aux conseillers départementaux de demain, il convient de ce point de vue d’ajouter les conseillers municipaux obtenus en 2014, et il faudra leur adjoindre ensuite les détenteurs de dizaines de sièges dans les conseils régionaux), et au début de percée relevé ce 22 mars dans une série de cantons « aisés » du centre et de l’ouest. Prenons, à cet égard, l’exacte mesure de cette dernière dimension du premier tour des départementales. Dès lors que le Front national tend à s’imposer comme le premier parti du pays (ce dont attestent les résultats comparés de chacun des autres partis, lorsqu’on les dissocie de leurs alliances respectives, et plus encore la progression impressionnante du lepénisme en voix depuis 2014), et qu’il fidélise une base populaire que les formations d’alternance ont largement perdue, il devient une possible solution de sortie de crise aux yeux de tout un pan du camp conservateur. Le mouvement qui vient de s’amorcer au premier tour des départementales est, pour cette raison, appelé à s’amplifier. D’autant que la composante dominante de la droite se montre incapable de porter un projet répondant à la détresse sociale (l’accent mis, par Monsieur Sarkozy dans tous ses meetings de campagne, sur les repas dans les cantines scolaires ou le « voile » à l’université n’auront fait que souligner l’impuissance de l’ultralibéralisme à s’adresser au peuple sur autre chose que l’identité française face à l’islam), et que la force toujours prédominante à gauche est identifiée à une dérive gouvernementale bafouant chaque jour davantage les attentes de justice.

PAS DE « SCÉNARIO SYRIZA »…

Cela m’amène au troisième défi. De la succession de ses défaites (hier aux municipales, aujourd’hui aux départementales, en décembre sans doute aux régionales, puis à la présidentielle), la gauche a toute chance de sortir laminée. Avant même que l’on ne fût fixé sur le nombre de départements susceptibles de changer de couleur en cette fin mars, elle a recueilli son plus mauvais score depuis 1992 au premier tour (et encore, cette année-là, elle pouvait compter sur le renfort d’un électorat écologiste représentant environ 10% des suffrages exprimés). Ainsi, son élimination pure et simple d’un gros quart des cantons dimanche dernier dessine-t-elle son avenir possible. À moins que le rapport des forces ne vînt s’inverser, ce qui ne saurait se produire sans un changement complet de cap à la tête du pays, elle sera éliminée du second tour du scrutin cardinal de la V° République. Les législatives qui suivront, dans la logique du fonctionnement de nos institutions, pourraient dans ces conditions accoucher d’un paysage polarisé entre une droite éprise de revanche et une extrême droite imprimant son agenda à la vie publique autant qu’aux débats intellectuels, la gauche s’en trouvant réduite pour longtemps à faire de la figuration. Dit autrement, c’est d’un grand basculement, d’une rupture d’histoire, d’un changement qualitatif de la conformation française que nous sommes menacés.

D’aucuns me diront, je les entends déjà, que notre camp politique et social a déjà essuyé de lourdes défaites dans le passé. Certes… À deux différences près, toutefois : le mouvement ouvrier continuait alors, bon an mal an, à structurer la classe travailleuse et à lui désigner un chemin d’espérance, ce qui n’est plus le cas lorsque le syndicalisme se bat dos au mur et qu’au fil des années la bataille des idées a été perdue ; et il n’avait pas, face à lui, un bloc droitier largement majoritaire et, surtout, placé sous l’hégémonie idéologique de l’extrême droite. Que l’on songe bien, de ce point de vue, à la situation des départements qui changeront de bord en ce printemps. Nicolas Sarkozy a clairement indiqué que l’on y taillerait à la hache dans les dispositifs de solidarité en vertu d’une prétendue lutte contre « l’assistanat », et il ne fait aucun doute que, sur ce point de convergence fort, les élus frontistes n’auront aucune difficulté à influencer les équipes de droite et à faire avancer leurs propositions de discrimination. Jetant, ce faisant, les bases de la grande recomposition que chacun sent, d’ores et déjà, en gestation…

Dernier défi, le devenir de la gauche elle-même. La consultation de cette fin mars aura au moins eu pour mérite de dissiper des illusions dangereuses. Je l’ai déjà évoqué, le recul n’affecte en effet pas le seul Parti socialiste et, si ce dernier acquitte l’addition salée de la gestion gouvernementale en se trouvant menacée de perdre entre 20 et 50 départements, il ne subit pas, du moins à ce stade, la dislocation que certains pronostiquaient. Lourde défaite électorale il y aura bien à l’issue de ces départementales, mais elle aura frappé le week-end dernier, et elle frappera ce 29 mars, l’ensemble du camp progressiste. De sorte que, si dans une quinzaine de collectivités, pour l’essentiel des terres plutôt traditionnellement marquées à droite, les binômes socialistes ne feront plus que témoigner, c’est l’ensemble de la gauche qui se retrouvera avec eux dans une situation de quasi-disparition. Au-delà, jusque dans les cas où les forces de transformation auront stabilisé, ou même vu progresser significativement, leur influence, elles n’auront le plus souvent ni dépassé le PS, ni été en mesure d’accéder au second tour (les candidats du Front de gauche, pour l’essentiel communistes, ne se seront qualifiés que dans un canton sur vingt).

En clair, la plus élémentaire discernement commande de reconnaître que nous n’aurons pas bénéficié de cet « effet Syriza » trop souvent évoqué avec imprudence dans la dernière période. La gauche d’alternative ne se sera donc pas placée en condition de supplanter une social-démocratie que certains considéraient en voie de disparition, et cette dernière aura même fait preuve d’une relative résistance dans un contexte de recul généralisé. D’ailleurs, les chiffres ne trompent pas : selon une étude de l’Ifop, si 56% des électeurs de François Hollande au premier tour de la présidentielle se sont rendus aux isoloirs (pour, tout de même 59% de ceux de Madame Le Pen et 61% de ceux de Monsieur Sarkozy), la participation n’aura été que de 44% pour ceux de Jean-Luc Mélenchon…

Cela doit, probablement, à quatre facteurs imbriqués : pour terrible qu’elle fût, la régression sociale consécutive aux options austéritaires de l’exécutif demeure moindre en France qu’en Grèce ou en Espagne ; au plan territorial, l’influence tissée par un parti ayant longtemps tiré sa force de son vaste réseau d’élus fait preuve d’une résistance incontestable ; le réflexe antidroite perdure dans une fraction du peuple de gauche, celle qui se rend encore aux urnes, et le contexte menaçant la conduit à préférer apporter ses suffrages à qui lui paraît le mieux placé pour l’emporter (là où ils sont les plus implantés, comme dans le Val-de-Marne, nos camarades communistes auront, notons-le, bénéficié d’un identique réflexe) ; ainsi que je l’ai déjà relevé, les courants transformateurs ou écologistes ne parviennent pas à incarner, avec le crédit suffisant, une autre voie pour la gauche…

RETROUVER LE CHEMIN DU PEUPLE

Voilà qui nous interpelle directement. Notre aire militante n’échappe pas, au fond, à cette réalité qui vaut au PS d’être désavoué dans les proportions que l’on sait. À juste titre, dans Le Monde du 25 mars, Laurent Bouvet pointe la distance qui n’en finit plus de se creuser entre la gauche, le monde du travail et les classes populaires : « Ce qui soulève un problème de taille, celui du public politique auquel elle s’adresse. Le ‘’peuple de gauche’’ ne s’intéresse en effet qu’au résultat, c’est-à-dire au projet de société qu’on veut bien lui proposer, au-delà des postures et des manœuvres. Or, aujourd’hui, il se tient en réserve : réserve électorale, réserve de mobilisation et réserve de confiance. » Et d’ajouter que cela se paie à présent « d’une défiance profonde et durable envers toutes les composantes de la gauche, gouvernementale comme ‘’critique’’ ».

J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire mille fois ici, mais l’aggravation de la crise française me conforte dans cette appréciation. Surtout en un moment où ne surgit aucune mobilisation dont l’ampleur viendrait bouleverser la donne politique et rendre confiance aux victimes de l’austérité et de la démolition des protections collectives, surenchérir dans la dénonciation des turpitudes du pouvoir ne fait qu’accroître la démoralisation de millions d’hommes et de femmes, conforter leur enfermement dans l’impuissance, encourager leur éloignement du combat politique. Se contenter d’approches idéologisantes, fusse sur le thème de « l’espoir » à reconstruire ou de « l’implication citoyenne », n’est pas davantage de nature à affronter la panne de projet à gauche et, plus encore, à contrer l’efficacité de la démagogie prétendument républicaine et sociale de l’extrême droite, laquelle se nourrit, bien plus concrètement que des discours désincarnés, de la souffrance et du désarroi populaires. Expliquer que la reconstruction d’une perspective porteuse de changement se trouvera naturellement au débouché d’alliances systématisées entre Front de gauche, écologistes, « frondeurs » socialistes et « mouvements citoyens », comme je le lis parfois sous quelques plumes, relève seulement d’une incantation rassurante pour les convaincus, l’élection en cours soulignant une nouvelle fois qu’il ne suffit pas d’occuper un espace pour se muer en alternative susceptible de poser d’une nouvelle manière la question du pouvoir.

Pour me montrer encore plus précis, lorsque s’accélèrent les rythmes politiques, au point de mettre la France à l’heure des plus grands dangers, il importe avant tout de retrouver le chemin du peuple. L’objectif de tous ceux qui entendent agir en faveur d’une gauche à gauche ne saurait être, par conséquent, d’accumuler patiemment les énergies disponibles. Il consiste d’abord à se confronter, sans frilosités ni comportements routiniers, au double enjeu de la construction politique adaptée à l’état réel de la société autant que des consciences, et de la stratégie propre à modifier rapidement les rapports de force.

RECONSTRUCTION D’UN AVENIR ET UNITÉ DE LA GAUCHE

Quand la République se retrouve au bord de l’affaissement, comme c’est désormais le cas, l’offre politique doit prendre la forme d’un programme de redressement national, de reconstruction économique, de progrès social, de renouvellement démocratique. Une plate-forme situant son ambition à la hauteur de celle qu’à une autre époque s’était donnée le Conseil national de la Résistance. C’est-à-dire animée d’une identique volonté d’évincer « les grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Entendant en ce sens remettre les banques et autres institutions financières sous le contrôle de la collectivité. Refondant le pacte républicain, à partir de nouvelles conquêtes garantissant à un salariat représentant la majorité du pays le droit à l’emploi, à la formation, à la dignité, telle cette sécurité sociale professionnelle revendiquée par la CGT. Restaurant la justice en commençant par une grande remise à plat de la fiscalité afin de mettre enfin à contribution les revenus financiers, les dividendes des actionnaires, tous ces placements spéculatifs soustrayant aux caisses de l’État des dizaines de milliards chaque année. Sortant des dogmes de la « discipline budgétaire », pour dégager les moyens d’un vaste plan d’investissement public ayant pour objectif de jeter les bases d’un nouveau modèle de développement, ouvrant la voie à la conversion écologique de l’économie, par conséquent porteur de réindustrialisation de la France et créateur d’emplois. Revitalisant une démocratie mutilée par une V° République exténuée, en commençant par l’instauration de la proportionnelle à toutes les consultations, avec pour horizon affiché l’instauration de nouvelles institutions. Porteur, enfin, d’une nouvelle vision du rôle de la France dans le monde et, pour l’Europe, d’une proposition de nouvelle union se substituant aux traités qui asphyxient tous les pays et les menacent de catastrophes politiques et sociales.

Une telle construction ne trouvera cependant de dynamique propulsive qu’à la condition d’être un vecteur nouveau de l’unité aujourd’hui brisée de la gauche. Brisée avant tout, bien sûr, par un pouvoir ayant tourné le dos à tous ses engagements et à toute démarche de progrès, mais que les forces anti-austérité n’ont pas su (ou, parfois, pas voulu) défendre et promouvoir à partir d’une politique rompant résolument avec tout ce qui a mené à l’échec actuel. Si nul ne peut être dupe de la manœuvre de Manuel Valls lorsqu’il se fait le héraut du rassemblement et cherche à imputer aux autres la responsabilité de la dispersion, comment ne pas faire le constat des effets calamiteux de celle-ci ? Confirmation d’une très vieille leçon, bien au-delà de calculs à courte vue destinés à sauver des départements ou des sièges, la division fait le jeu des pires adversaires du peuple travailleur, elle décourage et désoriente les hommes et les femmes de gauche, elle accentue le rejet de la politique que le plus grand nombre de nos concitoyens tend maintenant à percevoir comme le champ clos d’affrontements entre appareils mus par des intérêts étroits, elle rend inaudible tous les discours et illisible toutes les postures. Bref, elle pénalise tout autant les partis associés aux décisions de l’exécutif que ceux entendant rester fidèles au combat pour une société de justice et d’égalité.

C’est la raison pour laquelle, avec mes camarades de Gauche unitaire, je considère comme une faute majeure, de la part d’une partie du Front de gauche, d’avoir refusé, à ces départementales, d’appeler à battre la droite en votant, chaque fois que cela restait possible, en faveur des candidats de gauche qualifiés pour les seconds tours. Non pour absoudre le président de la République et ses ministres de choix exécrables, mais parce que nul n’ignore que l’UMP et ses alliés feront de chaque conseil départemental conquis un laboratoire de la destruction promise de politiques publiques contrariant en tout point leurs visées dérégulatrices. À n’en pas douter, les retombées de l’erreur qui vient d’être commise seront destructrices, ne serait-ce que par le brouillage de l’image de notre convergence. La politique du pire représentant toujours la pire des politiques, se désintéresser des conséquences des victoires de la réaction pour tous ceux au nom desquels nous nous battons est injustifiable. Politiquement et… moralement ! Sans retour critique sur l’épisode le moins glorieux de ses six années d’existence, c’est l’avenir même de la convergence née pour relever la gauche dans son ensemble qui peut s’en trouver mis en cause.

Vous l’aurez compris, je suis convaincu que la séquence électorale qui s’achève ce dimanche va en ouvrir une autre. Essentielle pour le futur... Ou bien les questions d’un changement de politique et du rassemblement sur cette base des forces vives de la gauche seront posées avec force dans le débat public. Ou bien il est à craindre que ce soit par une terrible débâcle que se conclue le quinquennat.


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