Le PS méprise l’expression populaire lorsqu’elle n’est pas favorable à son camp (2013)

vendredi 19 mars 2021.
 

Être démocrate, c’est accepter d’être contredit en laissant toute la liberté d’expression au contradicteur c’est-à-dire sans déformer ses propos et sans faire obstruction, par toutes sortes de moyens, à son expression critique.

En l’absence de cette qualité, un homme politique, un journaliste ou un groupe politique ne peut pas être considéré comme réellement démocrate

Je ne reviendrai pas en détail là-dessus car le journal l’Humanité en a rendu compte : Voir les articles : Le Parti socialiste cible le Front de gauche et Jean-Luc Mélenchon

Mélenchon sur TF1 : l’étrange instrumentalisation faite par certains médias

Marche du Front de gauche : des polémiques pour noyer les revendications

Un certain nombre de journalistes qui étaient présents à la manifestation et qui ont respecté les règles élémentaires de la déontologie (c’est le cas notamment du Figaro par exemple), ont annoncé plusieurs dizaines de milliers de personnes comme participant à la manifestation (Mediapart 30 000).

Je suis assez étonné que les organisateurs de la manifestation ne se soient pas donné les moyens de filmer la manifestation à partir de fenêtres d’immeubles surplombant les avenues et les rues. Il aurait alors été facile en diffusant les vidéos sur Internet de démontrer l’absurdité des propos tenus par les polémiqueurs qui étaient parfaitement prévisibles.

Mais ce qui est plus surprenant, c’est le nombre ridiculement bas (7000) de manifestants annoncé par la préfecture de police de Paris .

Et d’autre part, surprenant encore, est la mise en place de barrages filtrants rendant plus difficile l’accès à la manifestation.

Voir l’article : Les étonnants barrages filtrants des CRS à la marche du Front de gauche

S’agissait-il ici de mesures de sécurité ou d’intimidation voire d’obstruction ?

On peut donc s’interroger en parlant ici d’instrumentalisation des forces de l’ordre par le pouvoir politique

Que le pouvoir politique, par différents représentants intervenant dans les médias, critique la manifestation fait partie du jeu normal de la démocratie. (mais encore faut-il que ces critiques soient de bonne tenue intellectuelle, ce qui n’a pas été le cas dans les différentes interventions de lundi dernier, voir l’article de l’Humanité)

Mais ce qui pourrait être moins compréhensible, c’est que le ministre de l’intérieur ou le préfet de police, agents au service de l’État démocratique, puissent sortir de leur neutralité et de leurs obligation de réserve .

Rappelons en effet que "L’obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire, ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique." Ce texte du JO précise : "Il s’agit d’une création jurisprudentielle, reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers...".

Néanmoins « le devoir de réserve s’impose à tout agent public. » (Conseil d’Etat, no 97189, 28 juillet 1993), (titulaires ou non), qui pèse sur eux d’autant plus lourdement qu’ils sont dans une fonction spécifique (magistrats, militaires, policiers, experts sanitaires ou de l’environnement, etc.) et dans une position hiérarchique élevée (ambassadeurs, préfets...). Inversement un mandat syndical autorise des critiques vives. (CE 18 juin 1956 ," Boddaert ", Rec. p. 213)."

Source : Wikipédia

On comprend alors les propos de Jean-Luc Mélenchon sur son blog :

"A la joie du travail accompli se sont ajoutés bientôt les plaisirs de la rituelle bataille des chiffres. Cette fois-ci, nous l’avons gagnée avant de commencer. Comme d’habitude, il avait été annoncé que la préfecture ne donnerait pas de chiffres Mais Valls bouillait de rage. Il a ordonné de donner des chiffres. Les flics se sont vengés. Ils n’aiment pas faire la basse besogne politicienne du ministre. Ils ont donc raconté n’importe quoi. Du tellement gros que ce n’est même pas crédible : 7000 participants. Voyez les photos, et vous vous en ferez une idée par vous-même. Pourtant, je me réjouis de ce genre de bouffonnerie. Des dizaines de milliers de gens se sentent insultés, et cela augmente le dégoût que déclenche ce persécuteur des pauvres qu’est Valls.

Une instrumentalisation est non seulement malsaine pour le fonctionnement d’une démocratie – la police devant être au service des citoyens et de la République (c’est-à-dire au service de l’intérêt général) et non au service d’une caste politique ou autre – mais porte atteinte à la crédibilité du ministère de l’intérieur.

En effet, s’il est manifeste que les chiffres annoncés sont démesurément faux pour bon nombre d’observateurs et de participants, quel crédit les citoyens peuvent-ils alors apporter à d’autres chiffres délivrés par le ministère de l’intérieur : nombre d’immigrés, nombre de sans-papiers, nombre de Roms, nombre d’accidents de la route, nombre d’actes de délinquance, etc ? C’est tout l’appareil statistique du ministère de l’intérieur qui peut être alors l’objet de suspicion d’asservissement partisan à l’appareil politique, et l’on sait alors à quelle force politique cette suspicion profite.

Cette possible instrumentalisation se déroulerait en outre dans un contexte assez mal venu comme le signale unarticle (04/12/13) de Mediapartconcernant une affaire remontant à 2009 : "Flashball : Le préfet de police de Paris aessigné"

Bon nombre de policiers, de la base à un plus haut niveau de la hiérarchie, supportent de plus en plus mal l’instrumentalisation politicienne (qui ne date évidemment pas de l’élection de François Hollande). "Nombreux sont les policiers qui expriment leur méfiance vis-à-vis de leur hiérarchie et de l’institution policière dans son ensemble. Le malaise ressenti ne se résume donc pas aux seuls risques de blessures physiques, il tient également aux contraintes organisationnelles. Des hiérarchiques qui se déresponsabilisent en cas de défaillance d’un policier, des ordres de mission instables qui changent d’orientation au gré des décisions politiques... Un tel fonctionnement a entraîné un manque de confiance des policiers envers leur organisation qui ajoute aux difficultés du terrain.… "

Source : Malaise dans la police : perte d’identité, violence au quotidien, politique… Par Nadège Guidou.

Entre 2005 et 2010 ; 40 à 55 policiers ont mis fin à leurs jours, chaque année, en France Le risque de suicide y est supérieur de 36 % à celui du reste de la population française

On remarque que c’est au Royaume Uni que le taux de suicide est le plus faible dans la police des pays étudiés (5 par an). Cela est-il lié au faît que la police est plus proche des citoyens dans ce pays et est perçue comme des gardiens de la Common Law et non pas comme de simples agents de la répression ?

Source des chiffres mentionnés : Le Point

La moyenne du nombre de suicides dans la police sur ces cinq dernières années est de 42 par an. Source : Sénat

Et ce n’est certainement pas les gesticulations sécuritaires des différents pouvoirs politiques qui leur feront oublier les milliers de postes supprimés aggravant considérablement leursconditions de travail dans un contexte social de plus en plus tendu.

Le gouvernement actuel, comme le précédent, pense pouvoir gagner des voix dans l’électorat de la droite extrême en pratiquant la politique du "père fouettard" : il se trompe lourdement comme vont le montrer les prochaines élections. Cette politique est en outre néfaste pour le PS car elle contribue à lui faire perdre sa base sociale de l’électorat de gauche.

Hervé Debonrivage


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