Le droit opposable au logement en examen par l’Assemblée Nationale

vendredi 16 février 2007.
 

Longtemps attendu par les associations, rendu nécessaire par la grave crise du logement que la France, l’Europe, traverse depuis quinze ans, le droit au logement opposable est en passe de devenir une réalité pour notre pays.

Faire du droit au logement un droit réel et opposable est un combat mené de longue date par les socialistes.

En effet, tandis que la loi Quilliot (1982) fait du droit à l’habitation un droit fondamental et que la loi Mermaz (1989) la loi Besson (1990) consacre le droit au logement, il ne manquait plus à notre corpus législatif français qu’un texte instituant le droit au logement opposable, besoin consacré par Marie-Noëlle Lienmann et Laurent Fabius.

Jacques Chirac, décidemment sourd aux urgences, a engagé son successeur dans la voie d’un droit au logement effectif.

Mais que ne l’avait-il pas fait durant treize ans, alors qu’il l’avait promis depuis 1994 ?

Mais pourquoi n’a-t-il pas voulu profiter de la réforme constitutionnelle du 19 février pour y faire inscrire le droit au logement opposable ?

Inscrire dans la loi l’opposabilité d’un droit est une chose, mais le rendre effectif et réellement opposable en est une autre. Malheureusement, le projet de loi sur le droit opposable au logement a manifestement été élaboré dans la plus grande précipitation afin de répondre à la médiatisation du problème des sans-abri, et il ne permettra sans doute pas de faire du droit au logement un droit effectif.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les personnes connaissant une problématique forte de mal-logement, à savoir le recours à l’hôtel, au camping de fortune, à l’hébergement, au squat, aux logements dépourvus de confort de luxe, sont plus de 3,2 millions. Il s’y ajoute les personnes en situation de réelle fragilité à court ou à moyen terme, notamment celles vivant dans des logements insalubres ou des appartements surpeuplés, dont le nombre s’élève à près de 5,7 millions. Donc, on arrive au total de 10 millions de personnes, soit près de 15 % de la population française...

Face à cette réalité, la politique des gouvernements Raffarin et Villepin n’a tout simplement pas été à la hauteur, et c’est un euphémisme : la droite a contribué à aggraver la situation.

Non seulement elle a conduit l’État à ne plus remplir son rôle de garant de la solidarité nationale, mais elle a favorisé directement le mal-logement.

Qu’on en juge par les mesures prises visant à exonérer les maires défaillants dans leurs obligations de construire des logements sociaux, ou encore par l’ensemble des mesures fiscales qui, comme le dispositif "Robien", ou le "Borloo populaire" (ne rions pas, c’est le vrai nom de ce plan), ont alimenté la spéculation immobilière et n’ont en définitive servi qu’à assurer la rentabilité de l’investissement locatif privé au détriment des logements sociaux.

Il en va de même des dispositifs d’exonération des droits de mutation sur les opérations hautement spéculatives telles que les ventes par lots. Bilan : ces mesures accompagnent la flambée des prix de l’immobilier.

La complexité de la procédure proposée et ses lacunes évidentes empêcheront de donner une réelle substance à l’opposabilité du droit au logement.

Le gouvernement prétend que l’existence d’une sanction donnera son effectivité au droit au logement. Mais le système d’astreintes est une supercherie ! Condamner l’État à verser ces astreintes au fonds d’aménagement urbain, c’est le condamner à se verser une amende à lui-même. Dans l’optique d’une réelle opposabilité du droit au logement, ces astreintes devraient être versées aux demandeurs.

Ce texte est un leurre. Comme l’a répété la Fondation Abbé-Pierre, lors de la présentation de son rapport annuel, ce projet de loi est vide, en dépit de quelques avancée, comme l’hébergement minimum obligatoire.

Ce projet de loi est vide, car l’opposabilité du droit au logement qu’il prévoit ne sera pas effective. En effet, le parcours du combattant du mal-logé à la recherche d’un toit s’apparente à un véritable labyrinthe.

Le texte aurait pu être amélioré si les mesures élémentaires proposées par la gauche (et par les concepteurs du droit opposable, dont fait partie Laurent Fabius) avaient été prises en compte.

Parmi ces mesures figurent l’augmentation et l’élargissement de la taxe sur les logements vacants, l’application de la préemption urbaine et le partage de cette compétence indispensable avec les élus locaux, l’extension et l’application réelle de l’article 55 de la loi SRU, etc.

Le projet de loi discuté en urgence par le parlement, un parlement qui cloturera ses travaux demain, vendredi, est un projet presque vide, une déclaration de bonnes intentions. "L’importance de ce texte aurait dû l’inscrire dans l’histoire", a déclaré Jean-Yves Le Bouillonnec, dénonçant "la radicale imperfection", le projet "d’un pouvoir aux abois".

Il faudra, lorsque la gauche sera au pouvoir, assurer un droit effectif et opposable au logement. C’est bien le moins que nous puissions faire. Et qui pourrait faire confiance au maire de Neuilly, symbole de l’égoïsme communal, et qui ne dispose que de 2% de logements sociaux , pour appliquer ce droit ?


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