De l’inflation comme remède à l’anémie

mardi 2 juillet 2013.
 

Il en est de certaines idées comme de l’eau sous terre. Elles avancent doucement mais imparablement. Sous la roche écrasante de l’idéologie libérale et monétariste, d’autres conceptions vont leur chemin. Elles finissent par toucher petit à petit des secteurs imprévus.

Ainsi ce monsieur Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef au FMI qui enseigne actuellement à Harvard. Nous ferait-il une mélenchonite aigüe dans le journal « Les Echos » ? Voyez le titre de sa tribune : « Et si l’inflation était le meilleur antidote au poison de la récession ? » Mes lecteurs les plus attentifs, que la chose économique ne rebute pas trop et qui supportent mes pesantes explications dans ce domaine savent que c’est là la thèse que j’essaie de mettre en débat. Je m’explique de nouveau avec l’espoir d’être assez efficace pour rendre service à ceux qui me lisent.

Comment purger une dette quand on est un Etat ? Car ici, et pour l’instant je ne parle que de la dette de l’Etat. Plusieurs moyens se présentent.

- D’abord on peut penser arriver à rembourser la dette en améliorant ses recettes et en faisant des économies. C’est la méthode en vigueur aujourd’hui. Naturellement cette stratégie n’a aucune chance d’aboutir et maintenant tout le monde comprend pourquoi c’est l’inverse qui se produit. Je résume. Plus on fait de coupes budgétaires et plus l’activité se ralentit ; du coup les comptes publics se dégradent car les recettes fiscales baissent. Donc la dette augmente et ainsi de suite.

- Deuxième méthode : la banqueroute volontaire. Si la dette nécessite des coupes trop violentes, et qu’on ne voit pas de bout du tunnel possible, on peut décider de ne plus payer. C’est la banqueroute. Toute sorte de préteurs sont ruinés, certes, puis l’activité redémarre, car la vie continue et avec elle toutes les activités qui lui sont indispensables. Bien sûr les conséquences de ces ruines peuvent être dévastatrices du système tout entier. C’est néanmoins une option rationnelle. Surtout si la ruine se produit pour l’essentiel chez les autres comme ce serait le cas pour nous français qui sommes endettés « sur les marchés » c’est-à-dire à 80 % auprès d’agents financiers mondiaux. Cette option fonctionne car l’activité économique est un fait automatique : tous les jours il faut manger, aller venir, et ainsi de suite. La production et l’échange se recréent spontanément. Peu importe le temps pendant lequel se notent des pénuries. Elles finissent par disparaitre et le mouvement général après le désastre est que chaque jour la situation s’améliore alors que dans le cas où l’on persiste à vouloir rembourser, tout va plus mal chaque jour. La situation peut même être tout à fait brillante après une asphyxie.

L’inconvénient de cette stratégie est dans la violence qu’elle engendre. Je ne pense pas tant au choc que toute la société reçoit par une certaine désorganisation qui s’observe. En effet la désorganisation commence bien avant ! D’ailleurs la lassitude des gens devant la pagaille est un des arguments qui permet de prendre la décision de spoliation des financiers. C’est pourquoi en Espagne et en Grèce il n’y a pas grand danger à passer à cette mesure compte tenu du chaos grandissant que provoque la politique d’ajustement structurel pour payer la dette. Ce qui est plus couteux c’est le climat politique qui en résulte. Car les financiers et les médias font alors des campagnes incessantes de déstabilisation et de sabotage. Les possédants craignent un pouvoir capable d’une telle audace et font tout pour le renverser. Les Etats-Unis organisent des complots et leurs marionnettes locales n’hésitent pas devant les plus basses besognes. C’est le scénario observé en Argentine et dans les autres pays de la transition post libérale en Amérique latine.

- Entre la médecine de cheval de la troïka et la banqueroute volontaire, il y a une méthode plus progressive pour liquider la dette de façon plus suave. C’est l’inflation. Avec un joli petit pourcentage d’inflation, petit à petit le stock de dette se dévalorise puisqu’il est établi dans une monnaie qui fond. L’inflation a aussi des inconvénients, cela va de soi. Son avantage est dans sa cause : l’injection de monnaie dans le circuit économique qui le revitalise et relance l’activité. La relance de l’activité peut être orientée cela va de soi. Il ne s’agit pas de prolonger la stupide politique de l’offre. D’abord on gèle la dette dans les coffres de la BCE puisqu’elle l’aura rachetée. Les comptes sont donc remis à zéro. Et on emprunte de nouveau, cette fois ci sur le marché intérieur. Les français stockent en effet l’équivalent d’un budget annuel de l’état sur leurs comptes épargne. Evidemment cette capacité ne se mobilisera que sur des projets connus et approuvés par les préteurs. C’est là que le plan de conversion énergétique par exemple trouve toute sa force. Et d’une façon générale le projet d’économie de la mer. A partir de cette courroie d’entraînement, toute l’activité redémarre. L’autre avantage de l’inflation provoquée est la stimulation des luttes de classes que cela déclenche. Les salaires aussi fondent et les salariés sont donc conduits à revendiquer ce qu’ils font d’autant plus facilement que la menace sur leur emploi recule du fait de la relance de l’activité. J’ai essayé de nombreuse fois de lancer cette hypothèse pour montrer qu’il n’y a pas qu’une seule politique possible, y compris du point de vue des normes de gens qui ne partagent pas du tout notre vision. Mes efforts n’ont pas abouti à ce jour. Chacun se souvient de la pauvreté des obsessions qui occupèrent mon échange avec monsieur Lenglet par exemple. Mais je crois que la propagation de climats insurrectionnels en Grèce et en Espagne va ouvrir des brèches…. « Comparée aux risques politiques sociaux et économiques que poserait la permanence d’une croissance lente après une crise financière telle qu’il n’en arrive qu’une fois par siècle la montée durable d’une inflation modérée n’est pas quelque chose à craindre, dit l’ancien économiste en chef du FMI ! Au contraire dans la plupart des régions elle devrait être adoptée »… C’est lui qui le dit !


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