Compétitivité : La petite musique du « modèle espagnol »

dimanche 9 décembre 2012.
 

Une petite musique commence à s’entendre dans les cercles patronaux et bancaires quand on suit un peu les notes publiées par leurs économistes aux ordres. C’est le retour du « modèle espagnol », non pas celui qu’on nous vantait il y a une dizaine d’années où l’Espagne nous était montrée comme l’exemple à suivre avec sa forte croissance fondée sur l’immobilier et le crédit facile joint à une forte dérèglementation et une restriction du déficit public… Si on ressortait ce que ces messieurs disaient à l’époque cela ferait mal car ce modèle en question a débouché sur une catastrophe économique et financière entraînant la plus forte récession qu’ait connue l’Espagne moderne avec son cortège de misère et de chômage. Non ce n’est pas de cela dont on nous parle aujourd’hui. L’Espagne serait un exemple de redressement de la compétitivité. Voyons cela de plus prés.

D’abord il est peut être utile de définir avec précision ce terme. En effet l’autre soir dans un Conseil d’agglomération de Montpellier où l’on dissertait sur « le redressement de la compétitivité de notre territoire » j’ai demandé à quelques élus de différents bords ce que c’était la compétitivité et j’ai eu des réponses pour le moins vagues : « le dynamisme » « le bonus » « la vigueur » « le muscle » « la productivité » et même « la vitesse d’adaptation »….la preuve que nos élites locales vivent dans une sorte de charabia cotonneux. La compétitivité a un sens très précis : il s’agit des parts de marché d’un produit, d’une entreprise, d’une branche. Elle s’améliore quand je prends des parts de marché nouvelles et elle se détériore quand j’en perds. Donc redresser la compétitivité d’un pays c’est lorsque son économie marchande conquiert des parts de marché nouvelles que ce soit sur son marché interne ou sur l’export. On distingue généralement deux leviers de la compétitivité : d’une part la compétitivité prix, lorsque je conquiers des marchés par des prix plus bas que mes concurrents, et d’autre part la compétitivité hors prix lorsque je conquiers des marchés par d’autres moyens que le prix : la qualité du produit, l’innovation…baisser les prix et donc les coûts et innover sont donc les ritournelles qu’on nous ressert quand on parle de compétitivité.

Aujourd’hui l’Espagne redresserait sa compétitivité et cela serait un exemple pour l’Europe. Et quand on nous en parle ce n’est pas de l’innovation qu’on nous parle mais de la baisse des prix relatifs espagnols ; or cette baisse est due à trois phénomènes directement issue de la récession imposée à l’Espagne par les dirigeants européens et espagnols :

1) la montée massive du chômage (25% de la population active est sans emploi, un record !) ce qui fait baisser la masse salariale totale et surtout permet de faire pression à la baisse des salaires ;

2) lié au phénomène précédent la renégociation à la baisse des salaires dans les entreprises avec un chantage à l’emploi

3) la baisse des cotisations sociales et donc de la protection sociale en général.

Bref l’application du rapport Gallois avant la lettre par une baisse massive du coût du travail ce qui entraîne la baisse des prix relatifs des produits fabriqués. Remarquons au passage qu’il ne s’agit ici que de la compétitivité prix et qu’on est loin de tout effort dans l’innovation. Avec des prix plus bas l’industrie espagnol piquerait des marchés aux français et même aux allemands. Et il faudrait qu’on suive leur exemple. Renault ne s’y est pas trompé en annonçant la création d’une usine en Espagne tout en commençant un chantage en France pour limiter les salaires. On ajoute à cela « regardez le commerce extérieur de l’Espagne se redresse ». Mais cela n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. En effet si d’un côté l’Espagne arrive à maintenir un niveau d’exportations identique grâce à la baisse de ses prix relatifs, c’est l’effondrement des importations qui fait que le solde s’améliore, or cette chute des importations est due à l’effondrement de la demande : chute du pouvoir d’achat, mois d’achats , misère, chômage, chute des investissements …tout cela serait bon pour le redressement. Non le modèle espagnol est un leurre.

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